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12/12/2003 | FRANCE | N°250072

France | France, Conseil d'État, 9eme sous-section jugeant seule, 12 décembre 2003, 250072


Vu la requête, enregistrée le 4 septembre 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Jacques X, demeurant ... ; M. X demande que le Conseil d'Etat :

1°) annule la décision résultant du silence gardé par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur sa demande du 11 juin 2002 tendant, à la révision de la pension civile de retraite qui lui a été concédée par arrêté du 2 juillet 2001 en tant que cet arrêté ne prend pas en compte la bonification mentionnée au b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de

retraite ;

2°) enjoigne au ministre de réviser les bases de liquidation ...

Vu la requête, enregistrée le 4 septembre 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Jacques X, demeurant ... ; M. X demande que le Conseil d'Etat :

1°) annule la décision résultant du silence gardé par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur sa demande du 11 juin 2002 tendant, à la révision de la pension civile de retraite qui lui a été concédée par arrêté du 2 juillet 2001 en tant que cet arrêté ne prend pas en compte la bonification mentionnée au b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite ;

2°) enjoigne au ministre de réviser les bases de liquidation de sa pension en tenant compte de cette bonification et de revaloriser cette pension en assortissant les sommes dues des intérêts à compter du 11 juin 2002 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le Traité de Rome instituant la Communauté économique européenne devenue la Communauté européenne ;

Vu le Traité sur l'Union européenne et les protocoles qui y sont annexés ;

Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Hourdin, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Bachellier, Potier de la Varde, avocat de M. X,

- les conclusions de M. Goulard, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne : 1. Chaque Etat membre assure l'application du principe de l'égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins pour un même travail ou un travail de même valeur. 2. Aux fins du présent article, on entend par rémunération, le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum, et tous autres avantages payés directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l'employeur au travailleur en raison de l'emploi de ce dernier. L'égalité de rémunération, sans discrimination fondée sur le sexe, implique : a) que la rémunération accordée pour un même travail payé à la tâche soit établie sur la base d'une même unité de mesure ; b) que la rémunération accordée pour un travail payé au temps soit la même pour un même poste de travail ; que les pensions servies par le régime français de retraite des fonctionnaires entrent dans le champ d'application de ces stipulations ; que, nonobstant les stipulations de l'article 6, paragraphe 3, de l'accord annexé au protocole n° 14 sur la politique sociale joint au traité sur l'Union européenne, le principe de l'égalité des rémunérations s'oppose à ce qu'une bonification, pour le calcul d'une pension de retraite, accordée aux personnes qui ont assuré l'éducation de leurs enfants, soit réservée aux femmes, alors que les hommes ayant assuré l'éducation de leurs enfants seraient exclus du bénéfice de cette mesure ;

Considérant que le b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite dans sa rédaction applicable au présent litige institue, pour le calcul de la pension, une bonification d'ancienneté d'un an par enfant dont il réserve le bénéfice aux femmes fonctionnaires ; qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus qu'une telle disposition est incompatible avec le principe de l'égalité des rémunérations tel qu'il est affirmé par le traité instituant la Communauté européenne et par l'accord annexé au protocole n° 14 sur la politique sociale joint au Traité sur l'Union européenne ; qu'il suit de là que la décision par laquelle le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a refusé à M. X le bénéfice de la bonification d'ancienneté prévue par ce texte, alors même qu'il aurait assuré l'éducation de ses trois enfants, est entaché d'illégalité ; que, dès lors, M. X est fondé à demander pour ce motif l'annulation de la décision attaquée ainsi que celle de l'arrêté du 2 juillet 2001 portant concession de sa pension en tant qu'il lui a refusé le bénéfice de cette bonification ;

Considérant que M. X demande qu'il soit ordonné au ministre compétent de le faire bénéficier de la bonification d'ancienneté prévue au b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite ainsi que de revaloriser en conséquence la pension qui lui a été concédée ; qu'il sollicite également les intérêts ;

Considérant que le contentieux des pensions civiles et militaires de retraite est un contentieux de pleine juridiction ; qu'il appartient, dès lors, au juge saisi de se prononcer lui-même sur les droits des intéressés, sauf à renvoyer à l'administration compétente, et sous son autorité, le règlement de tel aspect du litige dans des conditions précises qu'il lui appartient de fixer ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction et qu'il n'est pas contesté que M. X, qui a assuré la charge de ses trois enfants, en a assuré l'éducation ; que dans la mesure où sont maintenues des dispositions plus favorables aux fonctionnaires de sexe féminin ayant assuré l'éducation de leurs enfants, en ce qui concerne la bonification d'ancienneté retenue pour le calcul de la pension civile de retraite, M. X a droit, ainsi qu'il a été dit plus haut, au bénéfice de la bonification prévue au b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite ; qu'il y a lieu, dès lors, de prescrire au ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire de modifier, dans les deux mois suivant la notification de la présente décision, les conditions dans lesquelles la pension de M. X lui a été concédée et de revaloriser rétroactivement cette pension ;

Considérant que M. X a droit aux intérêts des sommes qui lui sont dues à compter du 11 juin 2002, jour où il a demandé le paiement de ces sommes ;

D E C I D E :

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Article 1er : La décision implicite par laquelle le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a rejeté la demande de M. X du 11 juin 2002 tendant à la révision de sa pension civile de retraite est annulée, ensemble l'arrêté du 2 juillet 2001 concédant à M. X sa pension de retraite en tant qu'il a refusé à l'intéressé le bénéfice de la bonification d'ancienneté d'une année par enfant.

Article 2 : Le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire modifiera, dans le délai de deux mois suivant la notification de la présente décision, les conditions dans lesquelles la pension de M. X lui a été concédée et revalorisera rétroactivement cette pension.

Article 3 : Les sommes dues à M. X porteront intérêt à compter du 11 juin 2002.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Jacques X et au ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire.


Synthèse
Formation : 9eme sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 250072
Date de la décision : 12/12/2003
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux des pensions

Publications
Proposition de citation : CE, 12 déc. 2003, n° 250072
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: M. Hourdin
Rapporteur public ?: M. Goulard
Avocat(s) : SCP BACHELLIER, POTIER DE LA VARDE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2003:250072.20031212
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