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12/12/2003 | FRANCE | N°250867

France | France, Conseil d'État, 9eme sous-section jugeant seule, 12 décembre 2003, 250867


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 9 octobre 2002 et 31 janvier 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Jean-Pierre-X, demeurant ... ; M. X demande que le Conseil d'Etat :

1°) annule la décision résultant du silence gardé par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur sa demande en date du 10 juin 2002 tendant à obtenir, pour le calcul de sa pension civile de retraite, le bénéfice de la bonification mentionnée au b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retrait

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2°) enjoigne au ministre de réviser les bases de liquidation de ...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 9 octobre 2002 et 31 janvier 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Jean-Pierre-X, demeurant ... ; M. X demande que le Conseil d'Etat :

1°) annule la décision résultant du silence gardé par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur sa demande en date du 10 juin 2002 tendant à obtenir, pour le calcul de sa pension civile de retraite, le bénéfice de la bonification mentionnée au b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite ;

2°) enjoigne au ministre de réviser les bases de liquidation de sa pension en tenant compte de cette bonification et de revaloriser cette pension à compter du 1er juillet 2001 ;

3°) condamne l'Etat à lui verser la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le Traité de Rome instituant la Communauté économique européenne devenue la Communauté européenne ;

Vu le Traité sur l'Union européenne et les protocoles qui y sont annexés ;

Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Hourdin, Maître des Requêtes,

- les observations de Me Odent, avocat de M. X,

- les conclusions de M. Goulard, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne : 1. Chaque Etat membre assure l'application du principe de l'égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins pour un même travail ou un travail de même valeur. 2. Aux fins du présent article, on entend par rémunération, le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum, et tous autres avantages payés directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l'employeur au travailleur en raison de l'emploi de ce dernier. L'égalité de rémunération, sans discrimination fondée sur le sexe, implique : a) que la rémunération accordée pour un même travail payé à la tâche soit établie sur la base d'une même unité de mesure ; b) que la rémunération accordée pour un travail payé au temps soit la même pour un même poste de travail ; que les pensions servies par le régime français de retraite des fonctionnaires entrent dans le champ d'application de ces stipulations ; que, nonobstant les stipulations de l'article 6, paragraphe 3, de l'accord annexé au protocole n° 14 sur la politique sociale joint au traité sur l'Union européenne, le principe de l'égalité des rémunérations s'oppose à ce qu'une bonification, pour le calcul d'une pension de retraite, accordée aux personnes qui ont assuré l'éducation de leurs enfants, soit réservée aux femmes, alors que les hommes ayant assuré l'éducation de leurs enfants seraient exclus du bénéfice de cette mesure ;

Considérant que le b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite dans sa rédaction applicable au présent litige institue, pour le calcul de la pension, une bonification d'ancienneté d'un an par enfant dont il réserve le bénéfice aux femmes fonctionnaires ; qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus qu'une telle disposition est incompatible avec le principe de l'égalité des rémunérations tel qu'il est affirmé par le traité instituant la Communauté européenne et par l'accord annexé au protocole n° 14 sur la politique sociale joint au Traité sur l'Union européenne ; qu'il suit de là qu'en ne prenant pas en compte la bonification prévue par ce texte, alors même que M. X aurait assuré l'éducation de ses deux enfants, la décision implicite par laquelle le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a refusé de faire droit à la demande de M. X tendant à ce que lui soit accordé le bénéfice de cette bonification est entachée d'illégalité ; que, dès lors, M. X est fondé à demander pour ce motif l'annulation de la décision attaquée ;

Considérant que M. X demande qu'il soit ordonné au ministre compétent de le faire bénéficier de la bonification d'ancienneté prévue au b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite ;

Considérant que le contentieux des pensions civiles et militaires de retraite est un contentieux de pleine juridiction ; qu'il appartient, dès lors, au juge saisi de se prononcer lui-même sur les droits des intéressés, sauf à renvoyer à l'administration compétente, et sous son autorité, le règlement de tel aspect du litige dans des conditions précises qu'il lui appartient de fixer ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction et qu'il n'est pas contesté que M. X, qui a assuré la charge de ses deux enfants, en a assuré l'éducation ; que dans la mesure où sont maintenues des dispositions plus favorables aux fonctionnaires de sexe féminin ayant assuré l'éducation de leurs enfants, en ce qui concerne la bonification d'ancienneté retenue pour le calcul de la pension civile de retraite, M. X a droit, ainsi qu'il a été dit plus haut, au bénéfice de la bonification prévue au b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite ; qu'il y a lieu, dès lors, de prescrire au ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire de modifier, dans les deux mois suivant la notification de la présente décision, les conditions dans lesquelles la pension de M. X lui a été concédée et de revaloriser rétroactivement cette pension ;

Considérant que, par application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à verser à M. X la somme de 750 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La décision implicite par laquelle le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a rejeté la demande de M. X en date du 10 juin 2002 tendant à la révision de sa pension civile de retraite est annulée.

Article 2 : Le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire modifiera, dans le délai de deux mois suivant la notification de la présente décision, les conditions dans lesquelles la pension de M. X lui a été concédée et revalorisera rétroactivement cette pension.

Article 3 : L'Etat est condamné à verser à M. X la somme de 750 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Jean-Pierre X, au garde des sceaux, ministre de la justice et au ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux des pensions

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 12 déc. 2003, n° 250867
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: M. Hourdin
Rapporteur public ?: M. Goulard
Avocat(s) : ODENT

Origine de la décision
Formation : 9eme sous-section jugeant seule
Date de la décision : 12/12/2003
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 250867
Numéro NOR : CETATEXT000008189827 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2003-12-12;250867 ?
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