Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 17 juillet et 16 novembre 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE PIGEON CHAUX, demeurant ... ; la SOCIETE PIGEON CHAUX demande au Conseil d'Etat l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 15 mai 2001 rejetant sa requête tendant à l'annulation du jugement du 23 avril 1998 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 1989 et 1990 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Salesse, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Lesourd, avocat de la SOCIETE PIGEON CHAUX,
- les conclusions de Mme Mitjavile, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la SOCIETE PIGEON CHAUX, qui exploite des carrières, a entendu déduire de son résultat imposable au titre des exercices 1989 et 1990 des sommes correspondant à des travaux d'enlèvement des couches dites stériles, préparatoires à l'extraction des matériaux d'une carrière ; que l'administration fiscale a remis en cause le principe de cette déduction en estimant que ces travaux préparatoires constituaient un aménagement apporté au gisement et trouvaient leur contrepartie dans la création d'une valeur d'actif immobilisé, amortissable comme le gisement lui-même, et n'avaient pas le caractère d'une charge d'exploitation ; que la SOCIETE PIGEON CHAUX se pourvoit en cassation contre l'arrêt en date du 15 mai 2001 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 23 avril 1998 du tribunal administratif de Rennes rejetant sa demande en décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie à raison de la remise en cause de cette déduction ;
Considérant qu'en estimant que les frais d'extraction des couches dites stériles, qui interviennent pour maintenir le gisement dans un état tel que l'exploitation normale de la carrière puisse continuer, sans augmenter sa durée d'utilisation ou sa valeur, ne constituaient pas, que ces opérations d'extraction se déroulent avant ou au cours de l'exploitation du gisement, des charges d'exploitation, la cour administrative d'appel de Nantes a inexactement qualifié la nature des frais dont il s'agit ; que, par suite, la SOCIETE PIGEON CHAUX est fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort peut régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la SOCIETE PIGEON CHAUX ;
Considérant que, comme il a été dit ci-dessus, les frais d'extraction des couches dites stériles constituent des charges d'exploitation, qualification qui a d'ailleurs été retenue par le plan comptable professionnel des industries de carrière et matériaux de construction, dont la conformité au plan comptable général a fait l'objet d'un avis favorable sur ce point du conseil national de la comptabilité ; que, par suite, la SOCIETE PIGEON CHAUX est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à la décharge du complément d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie à la suite de la réintégration dans ses résultats des exercices clos en 1989 et 1990 des frais d'extraction des couches dites stériles ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner l'Etat à verser à la SOCIETE PIGEON CHAUX la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 15 mai 2001 et le jugement du tribunal administratif de Rennes du 23 avril 1998 sont annulés.
Article 2 : Il est accordé à la SOCIETE PIGEON CHAUX la décharge du complément d'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre des années 1989 et 1990.
Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 000 euros à la SOCIETE PIGEON CHAUX en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE PIGEON CHAUX et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.