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30/12/2003 | FRANCE | N°243591

France | France, Conseil d'État, 9eme sous-section jugeant seule, 30 décembre 2003, 243591


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 27 février et 26 mars 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Jean-Louis X, demeurant ... ; M. X demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêté du 18 mars 2002 par lequel le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie lui a concédé sa pension, en tant qu'il lui refuse le bénéfice de la bonification pour enfants prévue à l'article L. 12 b) du code des pensions civiles et militaires de retraite ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le Traité de Rome inst

ituant la Communauté économique européenne devenue la Communauté européenne ; ...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 27 février et 26 mars 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Jean-Louis X, demeurant ... ; M. X demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêté du 18 mars 2002 par lequel le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie lui a concédé sa pension, en tant qu'il lui refuse le bénéfice de la bonification pour enfants prévue à l'article L. 12 b) du code des pensions civiles et militaires de retraite ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le Traité de Rome instituant la Communauté économique européenne devenue la Communauté européenne ;

Vu le Traité sur l'Union européenne et les protocoles qui y sont annexés ;

Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mlle Burguburu, Auditeur,

- les observations de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de M. X,

- les conclusions de M. Goulard, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne : 1. Chaque Etat membre assure l'application du principe de l'égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins pour un même travail ou un travail de même valeur. / 2. Aux fins du présent article, on entend par rémunération, le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum, et tous autres avantages payés directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l'employeur au travailleur en raison de l'emploi de ce dernier. L'égalité de rémunération, sans discrimination fondée sur le sexe, implique : a) que la rémunération accordée pour un même travail payé à la tâche soit établie sur la base d'une même unité de mesure ; b) que la rémunération accordée pour un travail payé au temps soit la même pour un même poste de travail ; que les pensions servies par le régime français de retraite des fonctionnaires entrent dans le champ d'application de ces stipulations ; que, nonobstant les stipulations de l'article 6, paragraphe 3, de l'accord annexé au protocole n° 14 sur la politique sociale, joint au traité sur l'Union européenne, le principe de l'égalité des rémunérations s'oppose à ce qu'une bonification, pour le calcul d'une pension de retraite, accordée aux personnes qui ont assuré l'éducation de leurs enfants, soit réservée aux femmes, alors que les hommes ayant assuré l'éducation de leurs enfants seraient exclus du bénéfice de cette mesure ;

Considérant que le b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite institue, pour le calcul de la pension, une bonification d'ancienneté d'un an par enfant dont il réserve le bénéfice aux femmes fonctionnaires ; qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus qu'une telle disposition est incompatible avec le principe de l'égalité des rémunérations tel qu'il est affirmé par le traité instituant la Communauté européenne et par l'accord annexé au protocole n° 14 sur la politique sociale joint au Traité sur l'Union européenne ; qu'il suit de là qu'en tant qu'il ne prend pas en compte la bonification prévue par ce texte, alors même que M. X aurait assuré l'éducation de ses enfants, l'arrêté du 18 mars 2002 portant concession à l'intéressé de sa pension civile de retraite est entaché d'illégalité ; que, dès lors, M. X est fondé à demander pour ce motif l'annulation de l'arrêté attaqué, en tant qu'il lui a refusé le bénéfice de cette bonification ;

Considérant que, dans le dernier état de ses conclusions, formulées dans un mémoire enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 27 novembre 2002, M. X demande qu'il soit ordonné au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie de le faire bénéficier de la bonification d'ancienneté prévue au b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite ainsi que de revaloriser en conséquence la pension qui lui a été concédée ; qu'il sollicite également dans ce mémoire les intérêts et leur capitalisation ;

Considérant que le contentieux des pensions civiles et militaires de retraite est un contentieux de pleine juridiction ; qu'il appartient, dès lors, au juge saisi de se prononcer lui-même sur les droits des intéressés, sauf à renvoyer à l'administration compétente, et sous son autorité, le règlement de tel aspect du litige dans des conditions précises qu'il lui appartient de fixer ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction et qu'il n'est pas contesté que M. X, qui a assuré la charge de ses trois enfants, en a assuré l'éducation ; que dans la mesure où sont maintenues des dispositions plus favorables aux fonctionnaires de sexe féminin ayant assuré l'éducation de leurs enfants, en ce qui concerne la bonification d'ancienneté retenue pour le calcul de la pension civile de retraite, M. X a droit, ainsi qu'il a été dit plus haut, au bénéfice de la bonification prévue au b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite ; qu'il y a lieu, dès lors, de prescrire au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie de modifier, dans les deux mois suivant la notification de la présente décision, les conditions dans lesquelles la pension de M. X lui a été concédée et de revaloriser rétroactivement cette pension ;

Considérant que M. X a droit aux intérêts des sommes qui lui sont dues à compter du 27 novembre 2002, jour où, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, il a demandé le paiement de ces sommes ; qu'il y a lieu, en application de l'article 1154 du code civil, de faire droit à la demande de capitalisation pour les intérêts échus un an après cette demande, soit le 27 novembre 2003 ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêté du 18 mars 2002 concédant à M. X sa pension de retraite est annulé en tant qu'il a refusé à l'intéressé le bénéfice de la bonification d'ancienneté d'un an par enfant.

Article 2 : Le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie modifiera, dans le délai de deux mois suivant la notification de la présente décision, les conditions dans lesquelles la pension de M. X lui a été concédée et revalorisera rétroactivement cette pension.

Article 3 : Les sommes dues à M. X porteront intérêt à compter du 27 novembre 2002. Les intérêts échus à la date du 27 novembre 2003 seront capitalisés pour porter eux-mêmes intérêt.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Jean-Louis X et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux des pensions

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 30 déc. 2003, n° 243591
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. de Vulpillières
Rapporteur ?: Mme Julie Burguburu
Rapporteur public ?: M. Goulard
Avocat(s) : SCP MASSE-DESSEN, THOUVENIN

Origine de la décision
Formation : 9eme sous-section jugeant seule
Date de la décision : 30/12/2003
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 243591
Numéro NOR : CETATEXT000008139832 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2003-12-30;243591 ?
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