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30/12/2003 | FRANCE | N°244348

France | France, Conseil d'État, 10eme et 9eme sous-sections reunies, 30 décembre 2003, 244348


Vu la requête, enregistrée le 21 mars 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le COMITE HARKIS ET VERITE, dont le siège est 16, cité Paloumet à Bias (47300) ; le COMITE HARKIS ET VERITE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir les trois circulaires du 11 janvier 1994, les circulaires des 25 octobre 1994, 31 mai 1999 et 15 mai 2001 relatives à l'action du gouvernement envers la communauté harkie ;

2°) de déclarer inconventionnelles certaines dispositions de la loi n° 94-488 du 11 juin 1994 relatives aux rapatriés a

nciens membres des formations supplétives et assimilés ou victimes de la ca...

Vu la requête, enregistrée le 21 mars 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le COMITE HARKIS ET VERITE, dont le siège est 16, cité Paloumet à Bias (47300) ; le COMITE HARKIS ET VERITE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir les trois circulaires du 11 janvier 1994, les circulaires des 25 octobre 1994, 31 mai 1999 et 15 mai 2001 relatives à l'action du gouvernement envers la communauté harkie ;

2°) de déclarer inconventionnelles certaines dispositions de la loi n° 94-488 du 11 juin 1994 relatives aux rapatriés anciens membres des formations supplétives et assimilés ou victimes de la captivité en Algérie, de l'ordonnance n° 62-825 du 21 juillet 1962 relative à certaines dispositions concernant la nationalité française prise en application de la loi n° 62-421 du 13 avril 1962 et de la loi n° 87-549 du 16 juillet 1987 relatif au règlement de l'indemnisation des rapatriés ;

3°) d'enjoindre à l'administration de prendre toutes les dispositions nécessaires pour mettre en conformité les textes mentionnés ci-dessus avec les conventions internationales en vigueur et pour déférer les comptables publics ayant concouru à l'application de mesures discriminatoires envers la communauté harkie sur le fondement de ces mêmes dispositions, avec astreinte de 10 000 euros par jour de retard ;

4°) de condamner l'Etat à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et le premier protocole à cette convention ;

Vu le pacte international relatif aux droits civils et politiques conclu à New York le 16 décembre 1966 ;

Vu le code de la construction et de l'habitation ;

Vu l'ordonnance n° 62-825 du 21 juillet 1962 prise en application de la loi n° 62-421 du 13 avril 1962 ;

Vu la loi n° 66-945 du 20 décembre 1966, la loi n° 73-42 du 9 janvier 1973 complétant et modifiant le code de la nationalité française, la loi n° 87-549 du 16 juillet 1987 relative au règlement de l'indemnisation des rapatriés et la loi n° 94-488 du 11 juin 1994 relative aux rapatriés anciens membres des formations supplétives et assimilés ou victimes de la captivité en Algérie ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Salesse, Maître des Requêtes,

- les conclusions de Mme Mitjavile, Commissaire du gouvernement ;

Sur les conclusions dirigées contre les circulaires du 11 janvier 1994 et du 25 octobre 1994 :

Considérant que le COMITE HARKIS ET VERITE demande l'annulation de trois circulaires du 11 janvier 1994 et d'une circulaire du 25 octobre 1994 relatives à l'action du gouvernement envers la communauté harkie ; que les circulaires du 11 janvier 1994 ont été abrogées par la circulaire du 25 octobre 1994 et que le COMITE HARKIS ET VERITE n'est, par suite, pas recevable à en demander l'annulation ; qu'il est par ailleurs constant que la circulaire du 25 octobre 1994 a été publiée au Journal officiel le 25 novembre 1994 ; qu'il suit de là que les conclusions dirigées contre cette circulaire, présentées devant le Conseil d'Etat le 21 mars 2001, sont tardives et, par suite, irrecevables ;

Sur les conclusions dirigées contre l'ordonnance n° 62-825 du 21 juillet 1962 :

Considérant que l'ordonnance du 21 juillet 1962 relative à certaines dispositions concernant la nationalité française, prise en application de la loi n° 62-421 du 13 avril 1962, a été abrogée par l'article 28 de la loi n° 73-42 du 9 janvier 1973 ; que, par suite, les conclusions de la requête du COMITE HARKIS ET VERITE dirigées contre cette ordonnance sont en tout état de cause irrecevables ; qu'il n'appartient pas au Conseil d'Etat de connaître des conclusions tendant à ce qu'il déclare, dans le dispositif de ses décisions, des lois non conformes à des conventions internationales ;

Sur les conclusions dirigées contre les circulaires du 31 mai 1999 et du 15 mai 2001 relatives à l'action du gouvernement envers la communauté harkie :

Considérant que les circulaires litigieuses présentent un caractère impératif ; que les conclusions du COMITE HARKIS ET VERITE, qui, eu égard à l'objet qu'il s'est donné dans ses statuts, a intérêt à en demander l'annulation, sont par suite recevables ;

Considérant, en premier lieu, que le COMITE HARKIS ET VERITE soutient que les circulaires attaquées réitèreraient illégalement les dispositions des articles 9 de la loi du 16 juillet 1987 et 2 de la loi du 11 juin 1994 dès lors que celles-ci méconnaîtraient les principes fixés par l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er de son premier protocole additionnel, ainsi que les stipulations de l'article 26 du pacte international relatif aux droits civils et politiques signé à New York le 16 décembre 1966, en ce qu'elles limitent aux anciens harkis, moghaznis et personnels des diverses formations supplétives ayant servi en Algérie qui ont conservé la nationalité française en application de l'article 2 de l'ordonnance n° 62-825 du 21 juillet 1962 le bénéfice des allocations qu'elles créent ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier qu'aucune des dispositions des circulaires des 31 mai 1999 et 15 mai 2001 n'a pour objet d'interpréter les articles précités des lois des 16 juillet 1987 et 11 juin 1994 ; que, par suite, le moyen ne peut qu'être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ; que les circulaires attaquées, qui n'ont pas pour objet et n'auraient pu avoir légalement pour effet de priver les harkis et leurs familles du bénéfice des aides ou prestations de droit commun, n'établissent ni ne réitèrent des règles discriminatoires envers la communauté harkie ; que l'absence de publication des circulaires est sans influence sur leur légalité ;

Considérant, en troisième lieu, qu'en indiquant aux préfets les conditions dans lesquelles ils devraient mettre en oeuvre les dispositions relatives aux droits de réservation de logements locatifs sociaux prévus par l'article L. 441-1 et par l'article R. 441-9, devenu à compter du décret n° 99-836 du 22 septembre 1999, l'article R. 441-5 du code de la construction et de l'habitation, le ministre chargé du logement n'a pas excédé ses compétences ; que, de même, en fixant les conditions dans lesquelles les différents dispositifs favorisant l'accès à la formation initiale et professionnelle et à l'emploi seraient mobilisés en faveur des harkis et de leurs familles les ministres signataires des circulaires n'ont pas pris de mesures nouvelles entachées d'incompétence ;

Considérant toutefois, en quatrième lieu, qu'ainsi que le soutient le COMITE HARKIS ET VERITE, le ministre chargé du logement ne tenait d'aucun texte législatif ou réglementaire le pouvoir de créer, au II du chapitre III de la circulaire du 15 mai 2001 et, auparavant, au 2-C du chapitre II de la circulaire du 31 mai 1999, une aide au locataire, réservée aux harkis et à leur famille et d'en déterminer le régime juridique ; que, de même, le ministre chargé de l'éducation nationale ne tenait d'aucune disposition législative ou réglementaire le pouvoir de créer, au A du chapitre V de la circulaire du 15 mai 2001 et, auparavant au I du chapitre V de la circulaire du 31 mai 1999, au profit des harkis et de leurs familles, un régime spécifique de bourses d'enseignement primaire, secondaire, technique ou supérieur, susceptibles d'être servies à titre principal ou complémentaire de celles délivrées par le ministère de l'éducation nationale et les collectivités locales ; qu'enfin, le ministre chargé de l'emploi ne tenait d'aucune disposition législative ou réglementaire le pouvoir de créer, par les B et C du chapitre VII de la circulaire du 15 mai 2001 et, auparavant, aux B et C du chapitre VII de la circulaire du 31 mai 1999, des régimes spécifiques d'aide à la création ou à la reprise d'entreprises et d'aide à la mobilité professionnelle destinés aux harkis et à leurs familles ; que, par suite, le Comité Harkis et Vérité est fondé à demander l'annulation, dans cette mesure, de la circulaire du 15 mai 2001 ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions du COMITE HARKIS ET VERITE tendant à ce que soient ordonnées des mesures d'exécution, sur des points autres que ceux sur lesquels la présente décision lui donne satisfaction, ne peuvent, en tout état de cause, qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions du COMITE HARKIS ET VERITE tendant à la condamnation de l'Etat à lui payer la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le II du chapitre III, en tant qu'il crée une aide au locataire, le A du chapitre V et les B et C du chapitre VII de la circulaire du 15 mai 2001, ainsi que le 2-C du chapitre II, le I du chapitre V et les B et C du chapitre VII de la circulaire du 31 mai 1999 sont annulés.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête du COMITE HARKIS ET VERITE est rejeté.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au COMITE HARKIS ET VERITE, au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, au ministre la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche, au ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer, au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité et au ministre délégué au budget.


Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 30 déc. 2003, n° 244348
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Lasserre
Rapporteur ?: M. Yves Salesse
Rapporteur public ?: Mme Mitjavile

Origine de la décision
Formation : 10eme et 9eme sous-sections reunies
Date de la décision : 30/12/2003
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 244348
Numéro NOR : CETATEXT000008197373 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2003-12-30;244348 ?
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