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30/12/2003 | FRANCE | N°244674

France | France, Conseil d'État, 2ème sous-section jugeant seule, 30 décembre 2003, 244674


Vu la requête, enregistrée le 29 mars 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE ; le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 15 février 2002 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 18 décembre 2001 décidant la reconduite à la frontière de M. Abdallah A ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A devant le tribunal administratif de Paris ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu l

a convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, si...

Vu la requête, enregistrée le 29 mars 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE ; le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 15 février 2002 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 18 décembre 2001 décidant la reconduite à la frontière de M. Abdallah A ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A devant le tribunal administratif de Paris ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signée le 4 novembre 1950 ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;

Vu le décret n° 98-503 du 23 juin 1998 ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Artaud-Macari, Conseiller d'Etat,

- les observations de la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de M. A,

- les conclusions de Mme Prada Bordenave, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1er du décret du 23 juin 1998, pris pour l'application de la loi du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile et relatif à l'asile territorial : L'étranger qui demande l'asile territorial est tenu de se présenter à la préfecture de sa résidence et, à Paris, à la préfecture de police. Il y dépose un dossier, qui est enregistré. Une convocation lui est remise, afin qu'il soit procédé à son audition. Lorsqu'il n'est pas déjà admis à résider en France, ou ne bénéficie pas d'une autorisation de séjour, l'étranger présente à l'appui de sa demande les indications et documents mentionnés à l'article 14 du décret du 30 juin 1946... La demande d'asile territorial vaut demande de titre de séjour ; qu'aux termes de l'article 2 du même décret : L'étranger est entendu en préfecture au jour que lui a fixé la convocation. Il peut demander au préalable l'assistance d'un interprète et peut être accompagné d'une personne de son choix... ; qu'aux termes de l'article 9 du même décret : Le ministre de l'intérieur statue en urgence : - ... lorsque la demande d'asile territorial est de nature abusive, frauduleuse ou dilatoire. Dans ce cas, l'étranger est entendu sans délai. Par dérogation aux articles 1er et 2, il ne lui est remis ni convocation ni récépissé... ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'en dehors des cas mentionnés à l'article 9 du décret du 23 juin 1998, l'étranger qui dépose une demande visant à obtenir l'asile territorial doit disposer d'un délai suffisant pour préparer utilement son audition et qu'ainsi l'administration ne saurait procéder, en dehors de ces cas, à l'audition de l'intéressé au moment où il dépose sa demande ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la suite de l'enregistrement de sa demande d'asile territorial, M. A a été convoqué, le 20 août 2000, à un entretien fixé au 13 novembre 2000, dont l'intéressé ne conteste pas qu'il ait eu lieu, puis qu'il a été convoqué le jour même de cet entretien à venir compléter son dossier le 20 novembre 2000 ; qu'ainsi, M. A a disposé d'un délai suffisant pour préparer utilement son audition ; que, par suite, le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour annuler l'arrêté attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a retenu que M. A n'avait pas disposé d'un délai suffisant pour préparer utilement son audition et qu'ainsi le refus d'asile territorial qui était à l'origine de l'arrêté attaqué avait été pris selon une procédure irrégulière ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par M. A devant le tribunal administratif de Paris et devant le Conseil d'Etat ;

Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière :

Considérant qu'aux termes de l'article 9 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : Pour être admis à entrer et à séjourner plus de trois mois sur le territoire français au titre des articles 4, 5, 7, 7 bis alinéa 4 (lettres a à d) et du titre III du protocole, les ressortissants algériens doivent présenter un passeport en cours de validité muni d'un visa de long séjour délivré par les autorités françaises ; que, dès lors, le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE a pu légalement se fonder sur l'absence de visa de long séjour délivré à l'intéressé pour lui refuser le titre de séjour sollicité ; qu'ainsi, M. A n'est pas fondé à soutenir, par voie d'exception, que le refus de certificat de résidence qui lui a été opposé et qui fonde l'arrêté attaqué, était illégal ;

Considérant que si M. A fait valoir qu'une de ses soeurs réside régulièrement en France, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé est célibataire et n'est pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine, où demeurent sa mère et la majorité de ses frères et soeurs ; qu'ainsi, l'arrêté de reconduite à la frontière dont il a fait l'objet n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant que si M. A fait valoir que l'arrêté du PREFET DES HAUTS-DE-SEINE en date du 18 décembre 2001 a méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, un tel moyen est inopérant à l'encontre d'un arrêté de reconduite à la frontière ;

Sur la légalité de la décision distincte fixant le pays à destination duquel M. A sera reconduit :

Considérant que si M. A fait valoir qu'il a fait l'objet de menaces téléphoniques en Algérie et que le village dans lequel il résidait était surveillé par des groupes terroristes, il n'apporte aucune justification susceptible d'établir la réalité des risques qu'il courrait à titre personnel en cas de retour dans son pays d'origine ; que, par suite, la décision distincte du PREFET DES HAUTS-DE-SEINE fixant l'Algérie comme pays de destination n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 18 décembre 2001 décidant la reconduite à la frontière de M. A à destination de l'Algérie ;

Sur les conclusions de M. A tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à payer la somme que la SCP Delaporte et Briard, avocat de M. A, demande en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, pour les frais que les requérants auraient exposés s'il n'avait pas bénéficié de l'aide juridictionnelle ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris en date du 15 février 2002 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de M. A tendant à l'application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au PREFET DES HAUTS-DE-SEINE, à M. Abdallah A et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.


Synthèse
Formation : 2ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 244674
Date de la décision : 30/12/2003
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 30 déc. 2003, n° 244674
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Honorat
Rapporteur ?: Mme Anne-Marie Artaud-Macari
Rapporteur public ?: Mme Prada Bordenave Emmanuelle
Avocat(s) : SCP DELAPORTE, BRIARD, TRICHET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2003:244674.20031230
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