La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/01/2004 | FRANCE | N°231884

France | France, Conseil d'État, 10eme sous-section jugeant seule, 09 janvier 2004, 231884


Vu la requête, enregistrée le 29 mars 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 31 janvier 2001 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 28 février 2000 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Ridha Y ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. Y devant le tribunal administratif de Paris ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne d

e sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-tunis...

Vu la requête, enregistrée le 29 mars 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 31 janvier 2001 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 28 février 2000 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Ridha Y ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. Y devant le tribunal administratif de Paris ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-tunisien en date du 17 mars 1998 modifié ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Dayan, Conseiller d'Etat,

- les observations de Me Cossa, avocat de M. Y,

- les conclusions de Mme Boissard, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. Y, de nationalité tunisienne, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois à compter de la notification, le 2 décembre 1998, de l'arrêté du même jour par lequel le PREFET DE POLICE lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour ; qu'il se trouvait ainsi dans le cas où, en application du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;

Considérant que si M. Y, né en 1971 en France où ses parents s'étaient installés, fait valoir qu'il est parti en Tunisie en 1978 pour rejoindre ses grands-parents, qu'il est demeuré dans ce pays pour les assister jusqu'au décès de sa grand-mère en 1997 et que n'ayant plus d'attache familiale en Tunisie, il est aussitôt venu rejoindre ses parents en France, il ressort des pièces du dossier que M. Y, aujourd'hui âgé de 32 ans, est célibataire et sans charge de famille et dépourvu de toute activité professionnelle ; que le centre de sa vie privée ne peut se trouver effectivement en France, alors qu'il a vécu la majeure partie de sa vie en Tunisie et qu'il s'y est nécessairement créé des attaches personnelles ; que, dans ces conditions, compte-tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, l'arrêté du PREFET DE POLICE pris à l'encontre de M. Y n'a pas porté au droit de celui-ci au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'il n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions du 7° de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ; que, dès lors, c'est à tort que le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris s'est fondé sur les motifs tirés d'une telle méconnaissance pour annuler l'arrêté pris par le PREFET DE POLICE à l'encontre de M. Y ;

Considérant qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. Y devant le tribunal administratif de Paris ;

Considérant que la circonstance que M. Y ait saisi le tribunal administratif de Paris d'une demande d'annulation de la décision de refus de séjour en date du 2 décembre 1998 est sans incidence sur la légalité de l'arrêté attaqué ;

Considérant que M. Y, entré en France en février 1998, après près de vingt ans passés dans son pays d'origine, ne remplit pas les conditions du F de l'article 10 de l'accord franco-tunisien en date du 17 mars 1988 modifié, aux termes desquels un titre de séjour d'une durée de dix ans est délivré de plein droit... au ressortissant tunisien qui justifie par tous moyens avoir sa résidence habituelle en France depuis plus de quinze ans ou depuis qu'il a atteint au plus l'âge de dix ans ou qui est en situation régulière depuis plus de dix ans ; que dès lors il n'était pas en droit de bénéficier d'un titre de séjour en application des stipulations précitées dudit accord ; que, par suite, il n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision du PREFET DE POLICE en date du 2 décembre 1998 lui refusant un titre de séjour au soutien de sa requête ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE POLICE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 28 février 2000 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Y ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du 31 janvier 2001 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande de M. Y devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE POLICE, à M. Ridha Y et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 09 jan. 2004, n° 231884
Inédit au recueil Lebon
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Président : Mme Moreau
Rapporteur ?: M. Antoine Béal
Rapporteur public ?: Mme Boissard
Avocat(s) : COSSA

Origine de la décision
Formation : 10eme sous-section jugeant seule
Date de la décision : 09/01/2004
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 231884
Numéro NOR : CETATEXT000008139520 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2004-01-09;231884 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award