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12/01/2004 | FRANCE | N°224076

France | France, Conseil d'État, 9eme et 10eme sous-sections reunies, 12 janvier 2004, 224076


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 11 août et 11 décembre 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE ANONYME CISE, dont le siège social est ... et pour la SOCIETE ANONYME ERIMO, dont le siège social est ..., représentées par leur président en exercice ; les SOCIETES ANONYMES CISE ET ERIMO demandent que le Conseil d'Etat :

1°) annule l'arrêt du 15 juin 2000 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a, sur recours du secrétaire d'Etat au logement, annulé le jugement du tribunal administratif

de Paris du 30 avril 1997 leur accordant la décharge de la taxe locale ...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 11 août et 11 décembre 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE ANONYME CISE, dont le siège social est ... et pour la SOCIETE ANONYME ERIMO, dont le siège social est ..., représentées par leur président en exercice ; les SOCIETES ANONYMES CISE ET ERIMO demandent que le Conseil d'Etat :

1°) annule l'arrêt du 15 juin 2000 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a, sur recours du secrétaire d'Etat au logement, annulé le jugement du tribunal administratif de Paris du 30 avril 1997 leur accordant la décharge de la taxe locale d'équipement et des taxes complémentaires ainsi que du versement pour dépassement du plafond légal de densité au titre des travaux autorisés par un permis de construire délivré le 7 septembre 1988 en vue de la construction de deux bâtiments sis ... et ... (Hauts-de-Seine) et a remis ces taxes à leur charge en jugeant que le versement en cause devait être calculé sur la base d'une superficie de 1 348 m² ;

2°) leur accorde la décharge de ces impositions ;

3°) condamne l'Etat à leur verser la somme de 25 000 F en application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble le premier protocole additionnel à cette convention ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu la loi n° 89-935 du 29 décembre 1989 ;

Vu la loi de finances rectificative pour 1998 (n° 98-1267 du 30 décembre 1998) ;

Vu le décret n° 83-1261 du 30 décembre 1983 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Hourdin, Maître des Requêtes,

- les observations de Me Cossa, avocat de la SOCIETE ANONYME CISE et de la SOCIETE ANONYME ERIMO,

- les conclusions de M. Goulard, Commissaire du gouvernement ;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du II de l'article 50 de la loi du 30 décembre 1998 portant loi de finances rectificative pour 1998 : Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, sont réputées régulières les impositions mentionnées à l'article L. 255 A du livre des procédures fiscales, assises et liquidées avant la publication de la présente loi au Journal officiel de la République française, en tant qu'elles seraient contestées pour un motif tiré de l'absence de signature ou de l'incompétence du signataire de l'avis d'imposition ou de l'incompétence du signataire du titre de recette ;

Considérant que, pour demander l'annulation de l'arrêt attaqué, par lequel la cour administrative d'appel de Paris a jugé que les dispositions précitées faisaient obstacle à ce que les SOCIETES ANONYMES CISE et ERIMO puissent utilement soulever le moyen tiré de ce que les décisions les assujettissant à la taxe locale d'équipement et au versement pour dépassement du plafond légal de densité à raison des travaux qu'elles avaient réalisés à Puteaux (Hauts-de-Seine) en application d'un permis de construire délivré le 7 septembre 1988 avaient été prises par une autorité incompétente, les sociétés requérantes soutiennent que ces dispositions sont incompatibles avec les articles 6, 13 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi qu'avec l'article 1er de son premier protocole additionnel ;

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle ; que cet article ne peut être utilement invoqué devant le juge de l'impôt, qui ne statue pas en matière pénale et ne tranche pas des contestations sur des droits et obligations à caractère civil, quand bien même il fait application d'une législation ayant pour effet de priver rétroactivement le contribuable de la possibilité d'obtenir la décharge d'une imposition ; qu'ainsi, le moyen tiré devant la cour de la méconnaissance de l'article 6 précité de la convention étant inopérant, les SOCIETES ANONYMES CISE et ERIMO ne peuvent, en tout état de cause, utilement critiquer les motifs par lesquels les juges du fond l'ont, surabondamment, écarté comme non fondé ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou amendes ; qu'il résulte des termes mêmes de ces stipulations que le droit au respect de ses biens reconnu à toute personne physique ou morale ne porte pas atteinte au droit de chaque Etat de mettre en oeuvre les lois qu'il juge nécessaires pour assurer le paiement des impôts ; que le II de l'article 50 de la loi du 30 décembre 1998 a pour seul objet de rendre insusceptible d'être invoqué devant le juge de l'impôt le moyen tiré de l'absence de signature ou de l'incompétence du signataire des avis d'imposition ou des titres de recette relatifs aux impositions en cause ; qu'ainsi, cette loi a pour effet de permettre le paiement de taxes d'urbanisme mises à la charge de contribuables qui remplissaient toutes les conditions de fond pour y être assujettis et qu'elle ne prive pas de la possibilité de contester l'impôt par tout autre moyen de procédure ou de fond ; que, dès lors, à supposer que la possibilité d'obtenir la décharge d'une imposition pour vice de procédure constitue un bien au sens des stipulations précitées, la loi du 30 décembre 1998 ne saurait être regardée, compte tenu de son objectif et de sa portée, comme méconnaissant le respect dû aux biens du contribuable en vertu de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant enfin que les dispositions de l'article 50 de la loi du 30 décembre 1998 ne peuvent davantage être regardées comme portant atteinte aux stipulations des articles 13 et 14 de la convention européenne de sauvegardes des droits de l'homme et des libertés fondamentales relatives au principe de non-discrimination et au droit au recours effectif ;

Considérant, par suite, que l'application de la loi du 30 décembre 1998 ne saurait être écartée et que c'est à bon droit que la cour n'a pas confirmé le motif tiré de l'incompétence du signataire des décisions d'assujettissement contestées sur lequel le tribunal administratif de Paris s'était fondé pour prononcer la décharge de la taxe locale d'équipement et du versement pour dépassement du plafond légal de densité auxquels les SOCIETES ANONYMES CISE et ERIMO ont été assujetties ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction alors applicable : L'avis de mise en recouvrement individuel prévu à l'article L. 256 comporte : 1° Les indications nécessaires à la connaissance des droits, taxes, redevances, impositions ou autres sommes qui font l'objet de cet avis ; 2° Les éléments du calcul et le montant des droits et des pénalités, indemnités ou intérêts de retard, qui constituent la créance. Toutefois, les éléments du calcul peuvent être remplacés par le renvoi au document sur lequel ils figurent lorsque ce document a été établi ou signé par le contribuable ou son mandataire ou lui a été notifié antérieurement (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que l'avis de mise en recouvrement émis le 29 octobre 1991 et adressé aux sociétés requérantes pour avoir paiement de la deuxième tranche des taxes litigieuses ne comporte aucune référence aux avis relatifs à la taxe locale d'équipement et au versement pour dépassement du plafond légal de densité qui indiquaient les éléments de calcul de ces impositions ; qu'ainsi, la cour n'a pu, sans dénaturer les pièces soumises à son appréciation, juger que cet avis de mise en recouvrement satisfaisait aux prescriptions susrappelées de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales ; que son arrêt doit, en conséquence être annulé sur ce point ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu pour le Conseil d'Etat, de régler l'affaire au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Considérant, d'une part, qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, l'avis de mise en recouvrement du 29 octobre 1991 ne comporte pas, en ce qui concerne la taxe locale d'équipement, les mentions exigées par les dispositions précitées de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales ; que, par suite, les SOCIETES ANONYMES CISE et ERIMO doivent être déchargées de la somme d'un montant de 145 313 F correspondant à la deuxième tranche de la taxe locale d'équipement à laquelle elles ont été assujetties par l'avis de mise en recouvrement en date du 29 octobre 1991 ;

Considérant, d'autre part, qu'il résulte de la combinaison des dispositions des articles L. 112-2 du code de l'urbanisme, 317 septies A de l'annexe II au code général des impôts et R. 333-6 du code de l'urbanisme que, antérieurement à l'institution d'un titre exécutoire par l'article 118 de la loi n° 89-935 du 29 décembre 1989, l'acte par lequel le directeur départemental de l'équipement détermine l'assiette du versement pour dépassement du plafond légal de densité et procède à sa liquidation, constitue la décision d'assujettissement du redevable audit versement ; qu'il suit de là que l'avis de mise en recouvrement du 29 octobre 1991 ne peut qu'être regardé comme se bornant à faire application de la décision du 9 octobre 1989 par laquelle le montant du versement a été porté à la connaissance des SOCIETES ANONYMES CISE et ERIMO ; que le moyen tiré de l'irrégularité de l'avis de mise en recouvrement est, dès lors, inopérant ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu, pour le Conseil d'Etat, de condamner l'Etat à verser aux sociétés requérantes, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme qu'elles demandent au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 15 juin 2000 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de la requête des SOCIETES ANONYMES CISE et ERIMO relatives, à la taxe locale d'équipement à laquelle elles ont été assujetties pour un montant de 145 313 F par un avis de mise en recouvrement en date du 29 octobre 1991.

Article 2 : Les SOCIETES ANONYMES CISE et ERIMO sont déchargées de ladite taxe pour le montant mentionné à l'article 1er ci-dessus.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 30 avril 1997 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.

Article 4 : Le surplus des conclusions des SOCIETES ANONYMES CISE et ERIMO devant la cour administrative d'appel de Paris et devant le Conseil d'Etat est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE ANONYME CISE, à la SOCIETE ANONYME ERIMO et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Synthèse
Formation : 9eme et 10eme sous-sections reunies
Numéro d'arrêt : 224076
Date de la décision : 12/01/2004
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 12 jan. 2004, n° 224076
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Stirn
Rapporteur ?: M. Hourdin
Rapporteur public ?: M. Goulard
Avocat(s) : COSSA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2004:224076.20040112
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