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18/02/2004 | FRANCE | N°244758

France | France, Conseil d'État, 8eme et 3eme sous-sections reunies, 18 février 2004, 244758


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 2 avril et 2 août 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE OMEGA HOTELS AND YACHTS, dont le siège est ..., venant aux droits de la Société du Grand Hôtel de Blonville ; la SOCIETE OMEGA HOTELS AND YACHTS demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 31 décembre 2001 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes, réformant le jugement du 22 octobre 1996 du tribunal administratif de Caen, n'a que partiellement fait droit à la demande de la Société du

Grand Hôtel de Blonville en décharge des cotisations supplémentaires à l...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 2 avril et 2 août 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE OMEGA HOTELS AND YACHTS, dont le siège est ..., venant aux droits de la Société du Grand Hôtel de Blonville ; la SOCIETE OMEGA HOTELS AND YACHTS demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 31 décembre 2001 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes, réformant le jugement du 22 octobre 1996 du tribunal administratif de Caen, n'a que partiellement fait droit à la demande de la Société du Grand Hôtel de Blonville en décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés ainsi que des pénalités auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1988 et 1989 ;

2°) statuant au fond, de lui accorder la décharge des impositions et pénalités litigieuses ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 6 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du commerce ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Bénard, Auditeur,

- les observations de la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de la SOCIETE OMEGA HOTELS AND YACHTS,

- les conclusions de M. Collin, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à l'issue d'une vérification de sa comptabilité portant sur les exercices clos en 1987, 1988 et 1989, la SARL Société du Grand Hôtel de Blonville, qui exploitait un établissement hôtelier à Blonville, a fait l'objet d'une réintégration, dans sa base imposable au taux normal de l'impôt sur les sociétés, d'une part, au titre de l'exercice clos en 1988, de la plus-value née de la cession par lots du bâtiment qui abritait ledit hôtel, et d'autre part, au titre de l'exercice clos en 1989, de la réserve spéciale des plus-values à long terme constituée par la Société hôtelière honfleuraise, absorbée par elle au cours de cet exercice ; qu'antérieurement à l'introduction de l'instance devant le tribunal administratif de Caen, l'administration a accordé à la société un dégrèvement correspondant aux cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés afférentes à ce dernier redressement, et procédé à la compensation de ce dégrèvement par le précompte prévu à l'article 223 sexies du code général des impôts ; que l'administration a également fait application à la société, au titre de l'exercice clos en 1988, des pénalités prévues par l'article 1728-3 du même code ; que la SOCIETE OMEGA HOTELS AND YACHTS, qui vient aux droits de la Société du Grand Hôtel de Blonville, demande l'annulation de l'arrêt du 31 décembre 2001 de la cour administrative d'appel de Nantes, en tant qu'il a rejeté ses conclusions en décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et des pénalités y afférentes auxquelles elle a ainsi été assujettie ;

En ce qui concerne le redressement en matière d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 1988 :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la Société du Grand Hôtel de Blonville, ayant procédé en 1988 à la cession par appartements du bâtiment inscrit en immobilisation à l'actif de son bilan, a déclaré les profits résultant de cette cession comme des plus-values à long terme provenant de la cession d'éléments de son actif immobilisé, imposables au taux réduit de l'impôt sur les sociétés, en application des dispositions des articles 39 duodecies et 39 quindecies du code général des impôts ; que l'administration a cependant regardé lesdits profits comme résultant non de la cession d'éléments d'actif immobilisé mais de la vente par un marchand de biens d'éléments de son actif circulant ; qu'elle les a, par suite, assujettis à l'imposition sur les sociétés au taux normal, en se fondant initialement, dans la notification de redressement, sur les dispositions de l'article 35-1-1° du même code, puis, par substitution de base légale devant le tribunal administratif de Caen, sur celles de l'article 38-1 dudit code ;

Considérant, en premier lieu, que l'administration est en droit, à tout moment de la procédure contentieuse, de justifier une imposition par un nouveau fondement juridique, à la condition que cette substitution de base légale ne prive le contribuable d'aucune des garanties de la procédure d'imposition ; qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, et notamment des écritures en défense de l'administration devant le tribunal administratif de Caen, que celle-ci a expressément demandé que l'imposition litigieuse soit maintenue sur le fondement de l'article 38-1 du code général des impôts ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le tribunal administratif aurait procédé d'office à cette substitution de base légale manque en fait ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 38 du code général des impôts : 1. (...) le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuée par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation ; que les articles 39 duodecies et 39 quindecies du même code prévoient une imposition séparée, à taux réduit, des plus-values à long terme provenant de la cession d'éléments de l'actif immobilisé ; que c'est par une appréciation souveraine des faits de l'espèce, exempte de dénaturation, que la cour a jugé que la cession de l'immeuble en cause n'avait pas été effectuée dans le cadre d'une liquidation de la Société du Grand Hôtel de Blonville, et qu'elle était intervenue alors que cette société avait assuré la conception des travaux de transformation et procédé à l'acquisition de participations financières dans des entreprises du secteur de l'hôtellerie et du tourisme ; qu'elle a, dès lors, exactement qualifié cette cession, qui faisait suite à un changement d'activité, en la regardant comme ayant porté non sur un élément de l'actif immobilisé de la société, mais sur un élément de son actif circulant ; qu'elle n'a ainsi pas commis d'erreur de droit dans l'application des dispositions des articles 38-1, 39 duodecies et 39 quindecies du code général des impôts en estimant que la variation de l'actif net de la société résultant de cette cession constituait un bénéfice imposable au taux normal au titre de l'exercice clos en 1988 ;

En ce qui concerne le précompte au titre de l'exercice clos en 1989 :

Sans qu'il soit besoin d'examiner le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions des articles L. 203 et L. 204 du livre des procédures fiscales :

Considérant qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué et n'est pas contesté qu'à l'occasion de la fusion opérée avec la Société Hôtelière Honfleuraise, la Société du Grand Hôtel de Blonville n'a pas repris à son propre passif la réserve spéciale des plus-values à long terme, constituée par la Société hôtelière honfleuraise en application du 1 de l'article 209 quater du même code ; que l'administration, qui avait dans un premier temps imposé les sommes correspondantes au titre de l'exercice clos en 1989, a ensuite abandonné ce redressement, mais s'est cependant estimée fondée à compenser, en application des dispositions de l'article 204 du livre des procédures fiscales, le dégrèvement correspondant d'impôt sur les sociétés par le précompte prévu à l'article 223 sexies du code général des impôts ;

Considérant qu'aux termes de cet article : (...) lorsque les produits distribués par une société sont prélevés sur des sommes à raison desquelles elle n'a pas été soumise à l'impôt sur les sociétés au taux normal (...), cette société est tenue d'acquitter un précompte égal au crédit d'impôt calculé dans les conditions prévues au I de l'article 158 bis (...) ; qu'il résulte de ces dispositions que le précompte mobilier n'est dû par la société distributrice que dans la mesure où le crédit d'impôt prévu par l'article 158 bis du même code est attaché aux produits distribués ; que ce crédit d'impôt est exclusivement attaché aux produits distribués par une société à ses associés à titre de dividendes, en vertu d'une décision prise par l'assemblée générale de ses actionnaires ou porteurs de parts, dans les conditions prévues par les dispositions, ultérieurement insérées dans le code de commerce, de la loi du 24 juillet 1966, modifiée, sur les sociétés commerciales ; que, par suite, si l'administration soutient que l'absence de reprise de la réserve spéciale des plus-values à long terme doit être assimilée à une distribution, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les sommes correspondantes, à les supposer distribuées, ne constituent pas, en tout état de cause, des produits distribués à titre de dividendes au sens des dispositions de la loi du 24 juillet 1966 susmentionnée ; qu'ainsi, en tout état de cause, elles n'entrent pas dans le champ d'application de l'avoir fiscal ni, par voie de conséquence, dans celui du précompte mobilier prévu par l'article 223 sexies du code général des impôts ; qu'en jugeant que l'administration était fondée, par application des dispositions des articles L. 203 et L. 204 du livre des procédures fiscales, à compenser le redressement primitif abandonné par décision du directeur des services fiscaux du Calvados en date du 12 janvier 1995 par le précompte prévu à l'article 223 sexies du code général des impôts, la cour administrative d'appel de Nantes a méconnu le champ d'application de ces dispositions ; que, dès lors, il résulte de ce qui précède que la SOCIETE OMEGA HOTELS AND YACHTS est fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué, en tant qu'il a rejeté les conclusions de sa requête relatives au précompte auquel elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 1989 ;

Considérant que, par application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner le moyen tiré de l'opposabilité de l'instruction du 4 juillet 1966 :

Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, le défaut de reprise, par la société absorbante, de la réserve spéciale des plus-values à long terme constituée par la société absorbée, ne ressortit pas, en l'espèce, à une distribution de dividendes au sens des dispositions de la loi du 24 juillet 1966 susmentionnée, et par suite, ne donne pas lieu à l'exigibilité du précompte mobilier prévu par l'article 223 sexies du code général des impôts ; que, par voie de conséquence, la société requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a jugé que la fusion intervenue en 1989 entre la Société du Grand Hôtel de Blonville et la Société hôtelière honfleuraise était au nombre des opérations susceptibles de rendre le précompte exigible, et a refusé de lui accorder la décharge de la somme de 101 906,07 euros, mise à sa charge, par voie de compensation, au titre de l'article 223 sexies du code général des impôts ;

Sur les pénalités :

Considérant que l'article 1728 du code général des impôts dispose : Lorsqu'une personne physique ou morale (...) tenue de souscrire une déclaration (...) comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'un des impôts, droits, taxes, redevances ou sommes établis ou recouvrés par la direction générale des impôts s'abstient de souscrire cette déclaration (...) dans les délais, le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration (...) déposée tardivement est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 10% (...) 3. La majoration visée au 1 est portée à : 40% lorsque le document n'a pas été déposé dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure notifiée par pli recommandé d'avoir à le produire dans ce délai ;

Considérant que la SOCIETE OMEGA HOTELS AND YACHTS, qui ne conteste pas que la société du Grand hôtel de Blonville n'a pas déclaré en temps utile les résultats de son exercice clos en 1988, fait valoir qu'elle n'a pas reçu la mise en demeure, prévue par les dispositions précitées du 3. de l'article 1728 du code général des impôts, d'avoir à produire dans les trente jours cette déclaration ; que, toutefois, pour juger que la société avait bien reçu ladite mise en demeure, la cour s'est fondée sur la valeur probante de l'attestation délivrée par le service postal le 23 juin 1994, indiquant que le pli contenant cette mise en demeure avait fait l'objet de deux avis de passage, les 17 et 29 juin 1989, conformément à la réglementation postale alors en vigueur ; qu'elle a ainsi porté sur les faits soumis à son examen une appréciation souveraine exempte de dénaturation ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner l'Etat à verser à la SOCIETE OMEGA HOTELS AND YACHTS la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens, et de rejeter le surplus des conclusions de sa requête ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 31 décembre 2001 de la cour administrative d'appel de Nantes et le jugement du 22 octobre 1996 du tribunal administratif de Caen sont annulés en tant qu'ils ont rejeté les conclusions de la SOCIETE OMEGA HOTELS AND YACHTS relatives au précompte mobilier mis à la charge de cette société, pour un montant de 101 906,07 euros (668 460 F), au titre de l'exercice clos en 1989.

Article 2 : Il est accordé à la SOCIETE OMEGA HOTELS AND YACHTS la décharge du précompte d'un montant de 101 906,07 euros mis à sa charge au titre de l'exercice clos en 1989 par décision du directeur des services fiscaux du Calvados en date du 12 janvier 1995.

Article 3 : L'Etat versera à la SOCIETE OMEGA HOTELS AND YACHTS la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la SOCIETE OMEGA HOTELS AND YACHTS est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE OMEGA HOTELS AND YACHTS et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Synthèse
Formation : 8eme et 3eme sous-sections reunies
Numéro d'arrêt : 244758
Date de la décision : 18/02/2004
Sens de l'arrêt : Décharge de l'imposition
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 18 fév. 2004, n° 244758
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Stirn
Rapporteur ?: M. Bénard
Rapporteur public ?: M. Collin
Avocat(s) : SCP DELAPORTE, BRIARD, TRICHET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2004:244758.20040218
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