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18/02/2004 | FRANCE | N°248589

France | France, Conseil d'État, 8ème et 3ème sous-sections réunies, 18 février 2004, 248589


Vu la requête, enregistrée le 12 juillet 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Maurice A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'article 2 de l'arrêt du 7 mai 2002 par lequel la cour administrative d'appel de Douai, après avoir jugé n'y avoir plus lieu de statuer sur ses conclusions en décharge des compléments de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période couvrant l'année 1989, a rejeté le surplus des conclusions de son appel dirigé contre le jugement du 30 juin 1998 du tribunal administr

atif d'Amiens rejetant ses demandes en décharge des cotisations supplé...

Vu la requête, enregistrée le 12 juillet 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Maurice A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'article 2 de l'arrêt du 7 mai 2002 par lequel la cour administrative d'appel de Douai, après avoir jugé n'y avoir plus lieu de statuer sur ses conclusions en décharge des compléments de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période couvrant l'année 1989, a rejeté le surplus des conclusions de son appel dirigé contre le jugement du 30 juin 1998 du tribunal administratif d'Amiens rejetant ses demandes en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1988 à 1990 et des compléments de taxe sur la valeur ajoutée susmentionnés ;

2°) statuant au fond, de lui accorder la décharge des impositions restant en litige ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Bénard, Auditeur,

- les observations de la SCP Boullez, avocat de M. A,

- les conclusions de M. Collin, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'activité de M. A, entraîneur de chevaux de course, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant, en matière d'impôt sur le revenu, sur les années 1988 à 1990 et, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, sur la période couverte par ces années ; qu'à l'issue de ce contrôle, le vérificateur a procédé aux redressements qu'appelaient selon lui, d'une part, la reconstitution des bénéfices non commerciaux selon les principes de la comptabilité de caisse, et non de la comptabilité d'engagement retenue par le contribuable, d'autre part, la réintégration dans ces bénéfices de certains frais financiers comptabilisés par M. A ; que le contribuable a ainsi été assujetti à des suppléments d'impôt sur le revenu au titre de chacune des années vérifiées et à des compléments de taxe sur la valeur ajoutée pour la période couverte par la seule année 1989 ; que sa réclamation ayant été rejetée, M. A a saisi le tribunal administratif d'Amiens de demandes en décharge de l'ensemble de ces impositions, que le tribunal a rejetées par un jugement du 30 juin 1998 ; que le contribuable se pourvoit en cassation contre l'article 2 de l'arrêt du 7 mai 2002 par lequel la cour administrative d'appel de Douai, après avoir jugé n'y avoir plus lieu de statuer sur ses conclusions en décharge dirigées contre les compléments de taxe susmentionnées, dont l'administration avait prononcé le dégrèvement en cours d'instance, a rejeté le surplus des conclusions de l'appel qu'il a interjeté de ce jugement ;

Sur l'incidence, au regard des suppléments d'impôt sur le revenu, du dégrèvement prononcé en matière de taxe sur la valeur ajoutée :

Considérant qu'en jugeant que les suppléments d'impôt sur le revenu mis à la charge de M. A au titre de l'année 1989, à raison notamment du rehaussement qualifié de profit TVA dans le mémoire en défense présenté par les services fiscaux en cause d'appel, ne résultaient pas de la prise en compte, pour l'établissement des bénéfices non commerciaux, d'un quelconque redressement préalablement établi et affectant la base d'imposition de M. A à la taxe sur la valeur ajoutée, mais de la seule reconstitution des bénéfices non commerciaux de l'intéressé opérée par le vérificateur en substituant, aux principes de la comptabilité d'engagement initialement retenue par le contribuable, les règles de la comptabilité de caisse applicables à ces bénéfices, la cour n'a pas dénaturé les faits de la cause et a, sur ce point, suffisamment motivé son arrêt ;

Sur la prescription de l'imposition des revenus pour l'année 1988 :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par deux notifications de redressements en date des 5 et 9 décembre 1991, établies en cours de vérification, le vérificateur a respectivement évalué d'office les bénéfices non commerciaux imposables au titre de 1988, puis taxé d'office le revenu global de l'intéressé au titre de cette même année ; que par une nouvelle notification de redressement datée du 17 avril 1992, le vérificateur a, en premier lieu, estimé qu'était inapplicable la procédure de taxation d'office du revenu global de l'année 1988, en second lieu, décidé de faire bénéficier M. A, pour l'ensemble des années et périodes vérifiées, des garanties attachées à la procédure contradictoire ; que M. A a soutenu devant la cour que, faute de comporter une mention exacte de la procédure d'imposition suivie à son encontre et de préciser les conséquences financières attachées aux redressements ainsi notifiés, les notifications qui lui avaient été adressées les 5 et 9 décembre 1991 n'étaient pas régulières en la forme et n'avaient pu, par suite, légalement interrompre le délai de prescription afférent à l'imposition de ses revenus de l'année 1988 ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 189 du livre des procédures fiscales : La prescription est interrompue par la notification d'une proposition de redressement (...) / La prescription des sanctions fiscales autres que celles visées au troisième alinéa de l'article L. 188 est interrompue par la mention portée sur la notification de redressements qu'elles pourront être éventuellement appliquées ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 76 du même livre : Les bases ou les éléments servant au calcul des impositions d'office sont portés à la connaissance du contribuable, trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions, au moyen d'une notification qui précise les modalités de leur détermination. Cette notification est interruptive de prescription (...) ;

Considérant, d'une part, qu'il ressort de l'ensemble des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour a implicitement mais nécessairement jugé, par une appréciation souveraine des faits de la cause exempte de dénaturation et sans commettre d'erreur de droit, que l'administration fiscale était recevable et fondée à se prévaloir, devant le juge de l'impôt, de ce que les revenus de M. A imposables dans la catégorie des bénéfices non commerciaux au titre de l'année 1988 pouvaient être régulièrement déterminés par voie d'évaluation d'office, faute pour l'intéressé d'avoir déféré aux deux courriers par lesquels l'administration fiscale l'avait mis en demeure de déposer la déclaration de ses bénéfices non commerciaux relative à cette année, et alors même que l'administration fiscale l'aurait fait bénéficier, en pratique, des garanties attachées à la procédure d'imposition contradictoire ; qu'il suit de là qu'en écartant comme manquant en fait le moyen tiré de ce que les mentions portées sur les notifications de redressement des 5 et 9 décembre 1991 susmentionnées auraient été erronées, en tant qu'elles concernaient la procédure d'imposition suivie par l'administration fiscale pour redresser les bénéfices non commerciaux de l'année 1988, puis en jugeant inopérant le moyen tiré de ce que ces notifications n'auraient pas comporté les mentions prévues à l'article L. 48 du livre des procédures fiscales, lequel n'est applicable qu'aux seules procédures contradictoires, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ;

Considérant, d'autre part, qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la base d'imposition de M. A à l'impôt sur le revenu global pour l'année 1988, finalement notifiée par un courrier du 17 avril 1992, a été limitée par le vérificateur au montant résultant de la seule application des redressements catégoriels initialement établis par voie d'évaluation d'office et portés à la connaissance du contribuable par la notification du 5 décembre 1991 susmentionnée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en écartant le moyen tiré de la prescription de l'impôt sur le revenu pour 1988, au motif que ces deux dernières notifications avaient légalement interrompu le cours du délai de reprise ouvert aux services fiscaux, nonobstant le fait qu'elles aient été ultérieurement remplacées par la notification du 17 avril 1992, la cour a fait une exacte application de l'article L. 189 précité du livre des procédures fiscales ;

Sur le bien-fondé des impositions litigieuses :

Considérant, en premier lieu, qu'après avoir relevé, d'une part, que l'ensemble des compléments de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de M. A avaient été dégrevés en cours d'instance par l'administration fiscale, d'autre part, que, pour procéder à la reconstitution des recettes non commerciales de l'intéressé, l'administration fiscale s'était fondée sur les seuls encaissements retracés par les journaux de trésorerie, la cour a pu, sans commettre d'erreur de droit ni dénaturer les pièces du dossier qui lui était soumis, écarter comme inopérants les moyens soulevés par le contribuable à l'encontre de cette reconstitution et tirés, en premier lieu, de ce qu'une partie de ces recettes étaient taxables à la taxe sur la valeur ajoutée, en second lieu, de ce que cette reconstitution aurait fait apparaître des discordances et des erreurs entre, d'une part, les recettes retenues pour la détermination de son bénéfice non commercial, d'autre part, son chiffre d'affaires soumis à cette taxe ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du premier alinéa de l'article 12 du code général des impôts : L'impôt est dû chaque année à raison des bénéfices ou revenus que le contribuable réalise ou dont il dispose au cours de la même année ; qu'aux termes du 1 de l'article 93 du même code, dans sa rédaction applicable aux faits de la cause : Le bénéfice à retenir dans les bases de l'impôt sur le revenu est constitué par l'excédent des recettes totales sur les dépenses nécessitées par l'exercice de la profession (...) ; qu'en application de ces dispositions, constituent des recettes non commerciales, imposables entre les mains du contribuable au titre d'une année donnée, les sommes effectivement encaissées par l'intéressé au cours de cette année ou celles dont il a disposé avant le terme de cette même année, dès lors que ces sommes constituent la contrepartie de services rendus par le contribuable dans l'exercice de son activité non commerciale et lui demeurent ainsi acquises, mais sans qu'il soit tenu compte, notamment, de l'année en cours de laquelle ces services ont été ou seront rendus, ni du mode de perception desdites sommes ;

Considérant qu'il ressort des termes non contestés de l'arrêt attaqué que M. A a encaissé, au cours de l'année 1989, une somme totale de 1 028 344 F correspondant au produit de la vente de chevaux appartenant à certains de ses clients ; qu'il ressort en outre des pièces du dossier soumis aux juges du fond, que sitôt ces produits encaissés par M. A, leur montant a été directement imputé au crédit des comptes ouverts aux noms des clients en cause dans la comptabilité du contribuable ; qu'enfin, aux termes des écritures du contribuable lui-même, les produits dont s'agit ont servi, en fait, à solder ou à venir en diminution des prix des pensions dues par ces clients ; qu'il suit de là qu'en jugeant que ces encaissements avaient été laissés à la disposition de M. A avant le terme de l'année 1989, puis en en déduisant que ces encaissements constituaient des recettes non commerciales imposables entre les mains de l'intéressé au titre de cette même année, la cour n'a pas commis d'erreur dans l'appréciation des règles gouvernant la charge de la preuve, ni dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis, ni davantage commis d'erreur de droit ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour, après avoir relevé, par une appréciation souveraine des faits de la cause exempte de dénaturation, qu'il résultait de l'instruction, d'une part, que le montant des prélèvements opérés par le contribuable, au cours de chacune des années vérifiées, sur les comptes bancaires affectés à l'exercice de sa profession non commerciale était à l'origine de la situation débitrice de ces derniers, d'autre part, que le contribuable se bornait à faire valoir en des termes très généraux, pour établir le caractère professionnel des frais financiers qu'il entendait déduire de ses bénéfices non commerciaux, qu'il existait un important décalage entre les dates auxquelles il réalisait ses prestations et celles du paiement de leur prix et, au surplus, que son âge ne s'accommodait que d'un train de vie calme et modeste, a jugé que l'intéressé n'apportait pas la preuve, qui lui incombait, de ce que les frais financiers dont l'administration fiscale avait refusé la déduction étaient nécessités par l'exercice de sa profession ; qu'en statuant ainsi, la cour a fait une exacte application de l'article 93 du code général des impôts et n'a pas méconnu les règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve et l'administration de celle-ci ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à demander l'annulation de l'article 2 de l'arrêt qu'il attaque ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à payer à M. A la somme que celui-ci demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Maurice A et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Synthèse
Formation : 8ème et 3ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 248589
Date de la décision : 18/02/2004
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 18 fév. 2004, n° 248589
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Stirn
Rapporteur ?: M. Yohann Bénard
Rapporteur public ?: M. Collin Pierre
Avocat(s) : SCP BOULLEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2004:248589.20040218
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