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23/02/2004 | FRANCE | N°209234

France | France, Conseil d'État, 7eme et 2eme sous-sections reunies, 23 février 2004, 209234


Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 17 juin et 12 août 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Pierre X, demeurant ... ; M. X demande que le Conseil d'Etat :

1°) annule pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet résultant du silence gardé pendant plus de quatre mois par le ministre de la défense sur sa demande en date du 19 décembre 1998 tendant à ce que lui soit versée la rémunération correspondant au poste d'attaché de défense et de chef de la mission d'assistance militaire qu'il a occupé en Répub

lique Fédérale Islamique des Comores du 27 août 1995 au 28 août 1998 et, en ...

Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 17 juin et 12 août 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Pierre X, demeurant ... ; M. X demande que le Conseil d'Etat :

1°) annule pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet résultant du silence gardé pendant plus de quatre mois par le ministre de la défense sur sa demande en date du 19 décembre 1998 tendant à ce que lui soit versée la rémunération correspondant au poste d'attaché de défense et de chef de la mission d'assistance militaire qu'il a occupé en République Fédérale Islamique des Comores du 27 août 1995 au 28 août 1998 et, en particulier, à ce que lui soit versée l'indemnité de résidence à l'étranger correspondant aux fonctions qu'il a effectivement occupées et le remboursement des frais de voyage qu'il a supportés avec sa famille à l'occasion de la prise de son congé administratif ;

2°) annule pour excès de pouvoir la décision du chef d'état-major des armées en date du 27 mai 1999 par laquelle celui-ci s'est déclaré incompétent pour connaître de la demande du 19 décembre 1998 de M. X ;

3°) condamne l'Etat à lui verser la somme de 667 000 F correspondant à la différence entre l'indemnité de résidence qu'il a perçue lorsqu'il occupait le poste susmentionné et celle qu'il aurait dû percevoir et la somme de 45 000 F correspondant au remboursement des frais de voyage engagés lors de trois permissions prises au titre du congé administratif, lesdites sommes devant être augmentées des intérêts au taux légal à compter de leur date d'exigibilité ou, au plus tard, à compter du 20 décembre 1998 ;

4°) condamne l'Etat à lui verser la somme de 20 000 F au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la sécurité sociale, notamment ses articles L. 136-1 à L. 136-5 ;

Vu la loi n° 72-662 du 13 juillet 1972 modifiée ;

Vu l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996, notamment son article 14 ;

Vu le décret n° 67-290 du 28 mars 1967 ;

Vu le décret n° 68-349 du 19 avril 1968 ;

Vu le décret n° 97-900 du 1er octobre 1997 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Touraine, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Parmentier, Didier, avocat de M. X,

- les conclusions de M. Le Chatelier, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que, du 27 août 1995 au 28 août 1998, le lieutenant-colonel X a occupé le poste d'attaché de défense auprès de l'ambassade de France en République fédérale islamique des Comores ; que, par un courrier en date du 19 décembre 1998, il a demandé au ministre de la défense le rétablissement de sa solde sur la base du taux de l'indemnité de résidence à l'étranger auquel il estimait pouvoir prétendre ainsi que le remboursement des frais de voyage engagés par lui à l'occasion de trois permissions prises dans le cadre de son congé administratif ; qu'en l'absence de réponse dans un délai de quatre mois suivant la réception de la demande de M. X, une décision implicite de rejet est née le 20 avril 1999, confirmée par une décision expresse en date du 27 mai 1999, par laquelle le chef d'état-major des armées s'est déclaré incompétent pour en connaître ; que M. X demande l'annulation de ces deux décisions ainsi que la condamnation de l'Etat au versement des sommes qui lui sont dues en application du taux de l'indemnité de résidence auquel il avait droit et au titre du remboursement de ses frais de voyage ;

Sur l'indemnité de résidence à l'étranger :

Considérant qu'en vertu, d'une part, de l'article 11 de l'arrêté interministériel du 29 avril 1968 relatif aux conditions d'application aux personnels militaires et aux agents contractuels relevant du ministre des armées des dispositions du décret du 28 mars 1967 fixant les modalités de calcul des émoluments des personnels de l'Etat et des établissements publics de l'Etat à caractère administratif en service à l'étranger et, d'autre part, de l'article 3 de l'arrêté du 1er octobre 1997 pris pour l'application des dispositions du décret du 1er octobre 1997 fixant les modalités de calcul de la rémunération des militaires affectés à l'étranger, les lieutenants-colonels affectés dans les postes d'attachés de défense sont classés, en application de l'arrêté de 1968, dans le groupe 7 du tableau A pour la période précédant le 1er janvier 1998 et, en application de l'arrêté de 1997, dans le groupe 7 du tableau 1 après cette date ; que le lieutenant-colonel X qui a occupé les fonctions d'attaché de défense en République fédérale islamique des Comores du 27 août 1995 au 28 août 1998 a perçu une indemnité de résidence à l'étranger calculée sur la base du groupe 13 du tableau B avant le 1er janvier 1998 et du tableau 2 après cette date ; que, par suite, M. X est fondé à demander le rétablissement de sa solde sur la base de la différence entre ce qu'il aurait dû percevoir au titre du groupe 7 et ce qu'il a effectivement perçu au titre du groupe 13 pendant son séjour aux Comores ;

Mais, considérant que, postérieurement à l'introduction de la présente requête, l'Etat a versé la somme de 669 901, 58 F à M. X à titre de régularisation, pour la période en cause, de l'indemnité de résidence à l'étranger ainsi que du supplément familial à l'étranger qui est calculé en fonction du montant de cette indemnité ; que, par suite, les conclusions de M. X tendant, d'une part, au rétablissement de sa solde par le versement d'une somme de 667 000 F par application du taux de l'indemnité de résidence auquel il pouvait prétendre en tant qu'attaché de défense et, d'autre part, à l'annulation de la décision implicite du ministre de la défense en date du 20 avril 1999 et de la décision expresse du chef d'état-major des armées du 27 mai 1999 en tant qu'elles ont rejeté sa demande relative à l'indemnité de résidence à l'étranger sont devenues sans objet ;

Considérant toutefois que M. X a droit aux intérêts au taux légal afférents au montant de l'indemnité de résidence à l'étranger et au supplément familial calculé en fonction du montant de cette indemnité dus par l'Etat à compter du 29 décembre 1998, date à laquelle la réception de sa demande peut être regardée comme certaine, jusqu'à la date de versement des sommes dues ; qu'il y a lieu, dès lors, de condamner l'Etat à verser au requérant les intérêts dus sur la somme de 101 683,49 euros (667 000 F) ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 136-5 du code de la sécurité sociale : Les différends nés de l'assujettissement à la contribution des revenus mentionnés aux articles L. 136-1 à L. 136-4 relèvent du contentieux de la sécurité sociale et sont réglés selon les dispositions applicables aux cotisations de sécurité sociale, conformément aux dispositions du chapitre III du titre III et des chapitres II, III et IV du titre IV du livre Ier dans leur rédaction publiée à la date de publication de la dernière loi de financement de la sécurité sociale ; que ces dispositions sont applicables à la contribution au remboursement de la dette sociale en vertu des dispositions du 2ème alinéa du III de l'article 14 de l'ordonnance du 24 janvier 1996 ; qu'il résulte des dispositions précitées que le juge judiciaire est seul compétent pour connaître des litiges relatifs aux prélèvements opérés au titre de ces deux contributions ; que M. X conteste la retenue opérée par l'administration au titre de ces deux contributions sur le montant de l'indemnité de résidence à l'étranger et du supplément familial qui lui a été versé à titre de régularisation en octobre 2000 ; qu'en application des dispositions précitées du code de la sécurité sociale, il n'appartient qu'à l'autorité judiciaire de connaître de ces conclusions ; que dès lors, ces conclusions ne peuvent qu'être rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître ;

Sur le remboursement des frais de voyage :

Considérant qu'aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 29 avril 1968 précité : Le droit au remboursement des frais occasionnés par le voyage de congé administratif de l'agent et de sa famille est ouvert au personnel militaire et aux agents contractuels recrutés en France, après trente mois de service à l'étranger. / Ce temps de séjour peut être réduit à vingt-cinq mois, vingt mois, quinze mois ou dix mois pour les agents affectés à l'un des postes dont la liste est fixée par arrêté conjoint du ministre des affaires étrangères et du ministre de l'économie et des finances ; qu'aux termes de l'article 8 de l'arrêté du 1er octobre 1997 entré en vigueur le 1er janvier 1998 : Lors de leur séjour à l'étranger, le militaire et sa famille ont droit à un voyage de congé administratif dans les conditions définies ci-après. / Le droit au remboursement des frais occasionnés par ce voyage est ouvert après trente mois de service à l'étranger. Ce temps de séjour peut être réduit à vingt-cinq mois, vingt mois, quinze mois ou dix mois pour les agents affectés à l'un des postes dont la liste est fixée par arrêté conjoint du ministre des affaires étrangères et du ministre de l'économie et des finances ;

Considérant que les dispositions précitées doivent être regardées comme ouvrant droit, avant l'entrée en vigueur, le 1er janvier 1998, de l'arrêté du 1er octobre 1997, au militaire et à sa famille au remboursement des frais occasionnés lors de son séjour à l'étranger par tous les voyages effectués dans le cadre d'un congé administratif après trente mois de service à l'étranger, ce délai pouvant être réduit par arrêté conjoint du ministre des affaires étrangères et du ministre du budget ; que l'arrêté du 1er octobre 1997 a, en revanche, entendu limiter à un seul voyage le remboursement de tels frais lors d'un séjour à l'étranger ; que, dès lors, M. X, qui a effectué, pendant son séjour aux Comores, deux voyages avant le 1er janvier 1998, à l'occasion de congés administratifs, pouvait bénéficier du remboursement des frais y afférents ; qu'il avait cependant de la sorte épuisé ses droits au titre de l'arrêté du 1er octobre 1997, entré en vigueur à cette date, lequel n'ouvre droit au remboursement de frais que pour un voyage au cours d'un séjour ; que, par suite, il y a lieu de reconnaître à M. X droit au remboursement des frais engagés par lui et sa famille à l'occasion des deux voyages qu'il a effectués au titre des congés administratifs lors de son séjour aux Comores avant le 1er janvier 1998, d'annuler dans cette mesure les décisions des 20 avril 1999 et 27 mai 1999 par lesquelles le ministre de la défense et le chef d'état-major des armées ont rejeté sa demande de remboursement de ces frais et de condamner l'Etat à lui rembourser la somme ainsi due ;

Considérant que l'état de l'instruction ne permet pas de déterminer le montant ainsi dû à M. X ; qu'il y a lieu de renvoyer le requérant devant le ministre de la défense pour que celui-ci procède à la liquidation de la somme qui lui est due ;

Sur les conclusions de M. X tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner l'Etat à payer à M. X la somme de 2 000 euros qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. X tendant, d'une part, à l'annulation de la décision implicite du 20 avril 1999 du ministre de la défense et de la décision du 27 mai 1999 du chef d'état-major des armées en tant qu'elles ont rejeté la demande de M. X tendant à la révision du taux de son indemnité pour résidence à l'étranger et, d'autre part, à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 667 000 F au titre de l'indemnité de résidence à l'étranger.

Article 2 : L'Etat est condamné à verser à M. X les intérêts au taux légal dus sur la somme de 101 683,49 euros depuis le 29 décembre 1998, jusqu'à la date de versement de cette somme.

Article 3 : Les conclusions de M. X relatives aux modalités d'assujettissement à la contribution sociale généralisée et à la contribution au remboursement de la dette sociale de son indemnité de résidence à l'étranger ainsi que du supplément familial à l'étranger sont rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.

Article 4 : La décision implicite du 20 avril 1999 du ministre de la défense et la décision du 27 mai 1999 du chef d'état-major des armées sont annulées en tant qu'elles ont rejeté la demande de M. X tendant au remboursement des frais engagés par celui-ci, pour lui-même et sa famille, pour les deux voyages effectués dans le cadre de ses congés administratifs au titre de son séjour aux Comores avant le 1er janvier 1998.

Article 5 : M. X est renvoyé devant le ministre de la défense pour qu'il soit procédé à la liquidation des sommes qui lui sont dues au titre des frais mentionnés à l'article précédent.

Article 6 : L'Etat versera la somme de 2 000 euros à M. X au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 7 : Le surplus des conclusions de la requête M. X est rejeté.

Article 8 : La présente décision sera notifiée à M. Pierre X et au ministre de la défense.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 23 fév. 2004, n° 209234
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Robineau
Rapporteur ?: Mme Marisol Touraine
Rapporteur public ?: M. Le Chatelier
Avocat(s) : SCP PARMENTIER, DIDIER

Origine de la décision
Formation : 7eme et 2eme sous-sections reunies
Date de la décision : 23/02/2004
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 209234
Numéro NOR : CETATEXT000008139459 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2004-02-23;209234 ?
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