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27/02/2004 | FRANCE | N°224850

France | France, Conseil d'État, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 27 février 2004, 224850


Vu la décision en date du 25 janvier 2002 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux a sursis à statuer sur la requête de la LIGUE POUR LA PROTECTION DES ANIMAUX, enregistrée sous le n° 224850, la requête de l'ASSOCIATION POUR LA PROTECTION DES ANIMAUX SAUVAGES, enregistrée sous le n° 225596 et la requête du RASSEMBLEMENT DES OPPOSANTS A LA CHASSE, enregistrée sous le n° 225693, tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de l'article 2 du décret n° 2000-754 du 1er août 2000 relatif aux dates de la chasse aux oiseaux d'eau et au gibier de passage et modifiant le co

de rural, jusqu'à ce que la Cour de justice des Communautés eur...

Vu la décision en date du 25 janvier 2002 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux a sursis à statuer sur la requête de la LIGUE POUR LA PROTECTION DES ANIMAUX, enregistrée sous le n° 224850, la requête de l'ASSOCIATION POUR LA PROTECTION DES ANIMAUX SAUVAGES, enregistrée sous le n° 225596 et la requête du RASSEMBLEMENT DES OPPOSANTS A LA CHASSE, enregistrée sous le n° 225693, tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de l'article 2 du décret n° 2000-754 du 1er août 2000 relatif aux dates de la chasse aux oiseaux d'eau et au gibier de passage et modifiant le code rural, jusqu'à ce que la Cour de justice des Communautés européennes se soit prononcée sur la question de savoir si l'article 9, paragraphe 1, c), de la directive 79/409/CEE, du Conseil, en date du 2 avril 1979, concernant la conservation des oiseaux sauvages (directive « oiseaux »), permet de déroger aux dates d'ouverture et de fermeture de la chasse fixées compte tenu des objectifs mentionnés à l'article 7, § 4, et, en cas de réponse affirmative à cette question, selon quels critères et dans quelles limites ces dérogations peuvent être prévues ;

Vu 4°), sous le n° 225769, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés le 4 octobre 2000 et le 5 février 2001, présentés pour l'UNION NATIONALE DES FEDERATIONS DEPARTEMENTALES DE CHASSEURS, dont le siège est au 48, rue d'Alésia, à Paris (75014), représentée par son président en exercice ; l'UNION NATIONALE DES FEDERATIONS DEPARTEMENTALES DE CHASSEURS demande que le Conseil d'Etat annule pour excès de pouvoir le décret n° 2000-754 du 1er août 2000 relatif aux dates de la chasse aux oiseaux d'eau et au gibier de passage et modifiant le code rural en tant qu'il retarde au 1er septembre la date d'ouverture de la chasse à la bécassine, aux limicoles et à la tourterelle ;

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Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la directive 79/409/CEE, du Conseil, en date du 2 avril 1979, concernant la conservation des oiseaux sauvages ;

Vu le code rural ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mlle Vialettes, Auditeur,

- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de l'Union nationale des fédérations départementales de chasseurs et de la SCP Boré, Xavier et Boré, avocat de l'association RASSEMBLEMENT DES OPPOSANTS A LA CHASSE,

- les conclusions de M. Lamy, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 7, § 4, de la directive 79/409/CEE, du Conseil, du 2 avril 1979, concernant la conservation des oiseaux sauvages (directive oiseaux), les Etats membres veillent en particulier à ce que les espèces auxquelles s'applique la législation de la chasse ne soient pas chassées pendant la période nidicole ni pendant les différents stades de reproduction et de dépendance. Lorsqu'il s'agit d'espèces migratrices, ils veillent en particulier à ce que les espèces auxquelles s'applique la législation de la chasse ne soient pas chassées pendant leur période de reproduction et pendant leur trajet de retour vers leur lieu de nidification (...) ; que selon l'article 9, § 1, de la même directive, les Etats membres peuvent déroger aux articles 5, 6, 7 et 8, à condition qu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante, et pour les motifs énumérés aux a), b) et c) ; que selon le c) il s'agit de (...) permettre, dans des conditions strictement contrôlées et de manière sélective, la capture, la détention ou toute autre exploitation judicieuse de certains oiseaux en petites quantités ;

Considérant que, par un arrêt du 16 octobre 2003, la Cour de justice des Communautés européennes, statuant après que cette question lui a été renvoyée par une décision du Conseil d'Etat, statuant au contentieux, en date du 25 janvier 2002, a déclaré, en premier lieu, que le « c) » de l'article 9, §1, permet à un Etat membre de déroger aux dates d'ouverture et de clôture de la chasse qui résultent de la prise en compte des objectifs énumérés à l'article 7, § 4 ; en second lieu, que l'article 9 de la directive « oiseaux » doit être interprété en ce sens que la chasse peut être autorisée au titre du paragraphe 1, c), de cette disposition notamment lorsqu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante et que cette condition ferait défaut, en particulier, si la mesure autorisant la chasse à titre dérogatoire avait pour seul objet de prolonger les périodes de chasse de certaines espèces d'oiseaux sur des territoires déjà fréquentés par ces dernières pendant les périodes de chasse fixées conformément à l'article 7 de la directive ;

Considérant que, dans sa rédaction issue de l'article 24 de la loi du 26 juillet 2000 relative à la chasse, l'article L. 224-2 du code rural, dont les dispositions sont aujourd'hui reprises à l'article L. 424-2 du code de l'environnement prévoit que : Nul ne peut chasser en dehors des périodes d'ouverture de la chasse fixées par l'autorité administrative./ Les oiseaux ne peuvent être chassés ni pendant la période nidicole, ni pendant les différents stades de reproduction et de dépendance. Les oiseaux migrateurs ne peuvent en outre être chassés pendant leur trajet de retour vers leur lieu de nidification./ Toutefois, pour permettre dans des conditions strictement contrôlées et de manière sélective la capture, la détention ou toute autre exploitation judicieuse de certains oiseaux migrateurs terrestres ou aquatiques en petites quantités, conformément aux dispositions de l'article L. 225-5, des dérogations peuvent être accordées./ Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application de cette disposition (...) ; que l'article R*. 224-6 du code rural, introduit par l'article 2 du décret du ler août 2000, prévoit, en application du troisième alinéa de l'article L. 224-2 du code rural : Les dérogations mentionnées au cinquième alinéa de l'article L. 224-2 peuvent être accordées par les préfets pour permettre la capture, la détention, ou toute autre exploitation judicieuse, en petites quantités, des oies, du pigeon ramier et des grives, jusqu'au 20 février./ Un arrêté du ministre chargé de la chasse, pris après avis du Conseil national de la chasse et de la faune sauvage, précise les conditions dans lesquelles ces prélèvements peuvent être autorisés et les modalités des contrôles à mettre en oeuvre. Le ministre fixe également, par espèce, après avis de la fédération nationale de la chasse et de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage, le nombre maximal d'oiseaux susceptibles d'être ainsi prélevés par département./ Les préfets définissent, dans les conditions prévues à l'article L. 225-5, le nombre maximal d'oiseaux susceptibles d'être prélevés par les bénéficiaires de la dérogation. ; qu'il n'est pas contesté que ces dispositions législatives et réglementaires ont entendu faire application de l'article 9, § 1, de la directive «oiseaux» ;

Considérant qu'ainsi que l'a jugé la Cour de justice des Communautés européennes dans son arrêt du 16 octobre 2003, le « c) » de l'article 9, §1, permet à un Etat membre de déroger aux dates d'ouverture et de clôture de la chasse qui résultent de la prise en compte des objectifs énumérés à l'article 7, § 4, à la condition, notamment, qu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante ; qu'il appartenait au pouvoir réglementaire, chargé par le législateur de fixer par décret en Conseil d'Etat les modalités d'application de la dérogation ouverte par l'article 24 de la loi du 26 juillet 2000, de préciser que cette dérogation était subordonnée, notamment, au respect de cette dernière condition ; que, faute de l'avoir fait, l'article R*. 224-6 du code rural tel qu'issu de l'article 2 du décret du 1er août 2000, qui donne aux préfets le pouvoir de déroger aux dates de la chasse sans que cette faculté soit subordonnée à la condition qu'il n'y ait pas d'autre solution satisfaisante, fixe des prescriptions qui sont incompatibles avec les objectifs définis par le c) de l'article 9, §1 de la directive « oiseaux » ; qu'il est, pour ce motif, entaché d'illégalité ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les associations requérantes sont fondées à demander l'annulation pour excès de pouvoir de l'article 2 du décret du 1er août 2000 relatif aux dates de la chasse aux oiseaux d'eau et au gibier de passage et modifiant le code rural ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner l'Etat à payer au RASSEMBLEMENT DES OPPOSANTS A LA CHASSE une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : L'article 2 du décret du 1er août 2000 est annulé.

Article 2 : l'Etat versera au RASSEMBLEMENT DES OPPOSANTS DE LA CHASSE la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la LIGUE POUR LA PROTECTION DES OISEAUX, à l'ASSOCIATION POUR LA PROTECTION DES ANIMAUX SAUVAGES, au RASSEMBLEMENT DES OPPOSANTS A LA CHASSE, à l'association nationale des chasseurs de gibier d'eau, au Premier ministre et au ministre de l'écologie et du développement durable.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

AGRICULTURE - CHASSE ET PÊCHE - CHASSE - RÉGLEMENTATION - DATES D'OUVERTURE ET DE CLÔTURE DE LA CHASSE - RÉGIME DES DÉROGATIONS PRÉFECTORALES (ART - R - 224-6 DU CODE RURAL) - ILLÉGALITÉ [RJ1].

03-08-005 Par un arrêt du 16 octobre 2003 rendu sur renvoi préjudiciel du Conseil d'Etat, la Cour de justice des Communautés européennes a déclaré que l'article 9 de la directive 79/409/CEE du Conseil du 2 avril 1979 concernant la conservation des oiseaux sauvages (directive « oiseaux ») devait être interprété en ce sens que la chasse peut être autorisée au titre du paragraphe 1, c) de cette disposition, notamment lorsqu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante mais que cette condition ferait défaut, en particulier, si la mesure autorisant la chasse à titre dérogatoire avait pour seul objet de prolonger les périodes de chasse de certaines espèces d'oiseaux sur des territoires déjà fréquentés par ces dernières pendant les périodes de chasse fixées conformément à l'article 7 de la directive. Il en résulte qu'en donnant aux préfets le pouvoir de déroger aux dates de la chasse sans que cette faculté soit subordonnée à la condition qu'il n'y ait pas d'autre solution satisfaisante, l'article R*. 224-6 du code rural tel qu'issu de l'article 2 du décret du 1er août 2000, pris pour l'application de l'article 24 de la loi du 26 juillet 2000 relative à la chasse, aujourd'hui codifié à l'article L. 424-2 du code de l'environnement, fixe des prescriptions qui sont incompatibles avec les objectifs définis par le c) de l'article 9, §1 de la directive « oiseaux » et se trouve ainsi, pour ce motif, entaché d'illégalité.

COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES ET UNION EUROPÉENNE - RÈGLES APPLICABLES - ENVIRONNEMENT - DATES D'OUVERTURE ET DE CLÔTURE DE LA CHASSE - RÉGIME DES DÉROGATIONS PRÉFECTORALES (ART - R - 224-6 DU CODE RURAL) - ILLÉGALITÉ [RJ1].

15-05-10 Par un arrêt du 16 octobre 2003 rendu sur renvoi préjudiciel du Conseil d'Etat, la Cour de justice des Communautés européennes a déclaré que l'article 9 de la directive 79/409/CEE du Conseil du 2 avril 1979 concernant la conservation des oiseaux sauvages (directive « oiseaux ») devait être interprété en ce sens que la chasse peut être autorisée au titre du paragraphe 1, c) de cette disposition, notamment lorsqu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante mais que cette condition ferait défaut, en particulier, si la mesure autorisant la chasse à titre dérogatoire avait pour seul objet de prolonger les périodes de chasse de certaines espèces d'oiseaux sur des territoires déjà fréquentés par ces dernières pendant les périodes de chasse fixées conformément à l'article 7 de la directive. Il en résulte qu'en donnant aux préfets le pouvoir de déroger aux dates de la chasse sans que cette faculté soit subordonnée à la condition qu'il n'y ait pas d'autre solution satisfaisante, l'article R*. 224-6 du code rural tel qu'issu de l'article 2 du décret du 1er août 2000, pris pour l'application de l'article 24 de la loi du 26 juillet 2000 relative à la chasse, aujourd'hui codifié à l'article L. 424-2 du code de l'environnement, fixe des prescriptions qui sont incompatibles avec les objectifs définis par le c) de l'article 9, §1 de la directive « oiseaux » et se trouve ainsi, pour ce motif, entaché d'illégalité.

NATURE ET ENVIRONNEMENT - PROTECTION DE LA NATURE - PROTECTION DE LA FAUNE ET DE LA FLORE - CHASSE AUX OISEAUX DE PASSAGE ET AU GIBIER D'EAU - FIXATION DES DATES D'OUVERTURE ET DE CLÔTURE - RÉGIME DES DÉROGATIONS PRÉFECTORALES (ART - R - 224-6 DU CODE RURAL) - ILLÉGALITÉ [RJ1].

44-01-002 Par un arrêt du 16 octobre 2003 rendu sur renvoi préjudiciel du Conseil d'Etat, la Cour de justice des Communautés européennes a déclaré que l'article 9 de la directive 79/409/CEE du Conseil du 2 avril 1979 concernant la conservation des oiseaux sauvages (directive « oiseaux ») devait être interprété en ce sens que la chasse peut être autorisée au titre du paragraphe 1, c) de cette disposition, notamment lorsqu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante mais que cette condition ferait défaut, en particulier, si la mesure autorisant la chasse à titre dérogatoire avait pour seul objet de prolonger les périodes de chasse de certaines espèces d'oiseaux sur des territoires déjà fréquentés par ces dernières pendant les périodes de chasse fixées conformément à l'article 7 de la directive. Il en résulte qu'en donnant aux préfets le pouvoir de déroger aux dates de la chasse sans que cette faculté soit subordonnée à la condition qu'il n'y ait pas d'autre solution satisfaisante, l'article R*. 224-6 du code rural tel qu'issu de l'article 2 du décret du 1er août 2000, pris pour l'application de l'article 24 de la loi du 26 juillet 2000 relative à la chasse, aujourd'hui codifié à l'article L. 424-2 du code de l'environnement, fixe des prescriptions qui sont incompatibles avec les objectifs définis par le c) de l'article 9, §1 de la directive « oiseaux » et se trouve ainsi, pour ce motif, entaché d'illégalité.


Références :

[RJ1]

Rappr. CJCE 16 octobre 2003, Ligue pour la protection des oiseaux et autres c/ République française, aff. C-182/02, arrêt rendu sur la question préjudicielle formulée par la décision CE, Assemblée, 25 janvier 2002, Ligue pour la protection des oiseaux et autres, p. 18.


Publications
Proposition de citation: CE, 27 fév. 2004, n° 224850
Mentionné aux tables du recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Lasserre
Rapporteur ?: Mlle Maud Vialettes
Rapporteur public ?: M. Lamy
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN ; SCP BORE, XAVIER ET BORE

Origine de la décision
Formation : 6ème et 1ère sous-sections réunies
Date de la décision : 27/02/2004
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 224850
Numéro NOR : CETATEXT000020212852 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2004-02-27;224850 ?
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