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27/02/2004 | FRANCE | N°249957

France | France, Conseil d'État, 6eme sous-section jugeant seule, 27 février 2004, 249957


Vu la requête, enregistrée le 30 août 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 4 juillet 2002 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 20 février 2002 décidant la reconduite à la frontière de Mme Djohar X..., épouse Y ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme X..., épouse Y, devant le tribunal administratif de Paris ;

Vu les autres pièces du dossier établ

issant que la requête a été communiquée à Mme X..., épouse Y, qui n'a pas produit de mémoi...

Vu la requête, enregistrée le 30 août 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 4 juillet 2002 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 20 février 2002 décidant la reconduite à la frontière de Mme Djohar X..., épouse Y ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme X..., épouse Y, devant le tribunal administratif de Paris ;

Vu les autres pièces du dossier établissant que la requête a été communiquée à Mme X..., épouse Y, qui n'a pas produit de mémoire en défense ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mlle Vialettes, Auditeur,

- les conclusions de M. Guyomar, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants (...) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme X..., épouse Y, ressortissante algérienne, s'est maintenue sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 29 mai 2001, de la décision du PREFET DE POLICE, du même jour, lui ayant refusé la délivrance d'un titre de séjour ; qu'elle se trouvait, ainsi, dans le cas, mentionné au 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, où le préfet peut décider la reconduite à la frontière ;

Considérant que si, à l'appui de sa demande d'annulation de l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière, Mme X..., épouse Y, fait valoir qu'elle est entrée en France, où se trouvait déjà une de ses filles, avec trois de ses enfants, le 31 mars 2000, que son fils âgé de seize ans est scolarisé en France, qu'un de ses oncles et deux de ses cousins y résident et qu'elle n'a plus de contacts avec son mari et l'un de ses fils resté en Algérie, il ressort des pièces du dossier que ses trois enfants, majeurs, résident en France irrégulièrement, qu'elle a continué à avoir des contacts avec son mari, au moins jusqu'au 28 février 2002, date d'enregistrement de sa demande au greffe du tribunal administratif de Paris et qu'elle a conservé des liens familiaux en Algérie, où résident sa mère, son mari et un de ses fils, majeur ; qu'ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et, notamment, des conditions d'entrée et de son séjour en France, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté du PREFET DE POLICE du 20 février 2002 n'a pas, porté une atteinte disproportionnée au droit de Mme X..., épouse Y, au respect de sa vie privée et familiale et n'a pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, dès lors, le PREFET DE POLICE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris a retenu l'existence d'une telle atteinte pour annuler son arrêté du 20 février 2002 ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet l'évolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés dans sa demande devant le tribunal administratif de Paris par Mme X..., épouse Y ;

Sur l'exception d'illégalité de la décision de refus de titre de séjour du 29 mai 2001 :

Considérant qu'une décision de refus de titre de séjour est une décision individuelle et ne peut, dès lors, être contestée, par voie d'action ou par voie d'exception, que jusqu'à l'expiration du délai de recours contentieux ouvert contre elle ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la décision du PREFET DE POLICE du 29 mai 2001 ayant refusé un titre de séjour à Mme X..., épouse Y, a été notifiée, le même jour, à celle-ci, et que cette notification mentionnait les voies et délais de recours ; qu'il n'est ni établi, ni même allégué que cette décision a fait l'objet d'un recours gracieux ou d'un recours contentieux dans les deux mois suivant sa notification ; que, dès lors, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de cette décision, qui a été présenté dans la demande enregistrée le 28 février 2002, soit après l'expiration du délai de recours ouvert contre cette décision, est irrecevable, comme tardif ;

Sur les autres moyens :

Considérant qu'aux termes de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 susvisée : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ;

Considérant qu'indépendamment de l'énumération donnée par l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'éloignement, qu'il s'agisse d'un arrêté d'expulsion pris selon la procédure normale ou d'un arrêté de reconduite à la frontière, l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une mesure de reconduite à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour ; que lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière ;

Considérant que si Mme X..., épouse Y, soutient qu'elle avait droit à une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale, il résulte des circonstances de l'espèce mentionnées plus haut que l'arrêté attaqué n'a pas porté au droit de la requérante au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels a été décidée cette mesure et n'est pas intervenu en méconnaissance des dispositions du 7° de l'article 12 bis de l'ordonnance précitée ;

Considérant, enfin, que les circonstances que Mme X..., épouse Y, dispose d'une promesse d'embauche et que son beau-père a combattu pour la France sont sans influence sur la légalité de l'arrêté du PREFET DE POLICE du 20 février 2002 décidant sa reconduite à la frontière ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE POLICE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 20 février 2002 décidant la reconduite à la frontière de Mme X..., épouse Y ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du 4 juillet 2002 du conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme X..., épouse Y, devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE POLICE, à Mme Djohar X..., épouse Y et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.


Synthèse
Formation : 6eme sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 249957
Date de la décision : 27/02/2004
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 27 fév. 2004, n° 249957
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Bonichot
Rapporteur ?: Mlle Maud Vialettes
Rapporteur public ?: M. Guyomar

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2004:249957.20040227
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