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27/02/2004 | FRANCE | N°249980

France | France, Conseil d'État, 6ème sous-section jugeant seule, 27 février 2004, 249980


Vu la requête, enregistrée le 2 septembre 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE L'HERAULT ; le PREFET DE L'HERAULT demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement en date du 13 août 2002 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Montpellier a annulé son arrêté du 26 juillet 2002 décidant la reconduite à la frontière de M. Brahim A ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A devant le tribunal administratif de Montpellier ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 ;

Vu le décret n° 46-1574 du 30 juin 1946 ;...

Vu la requête, enregistrée le 2 septembre 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE L'HERAULT ; le PREFET DE L'HERAULT demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement en date du 13 août 2002 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Montpellier a annulé son arrêté du 26 juillet 2002 décidant la reconduite à la frontière de M. Brahim A ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A devant le tribunal administratif de Montpellier ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 ;

Vu le décret n° 46-1574 du 30 juin 1946 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mlle Vialettes, Auditeur,

- les conclusions de M. Guyomar, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà d'un mois à compter de la notification du refus ou du retrait ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A, ressortissant marocain, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification de la décision du 11 mars 2002, par laquelle le PREFET DE L'HERAULT lui avait refusé un titre de séjour ; qu'il était ainsi dans le cas, mentionné au 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, où le préfet peut ordonner la reconduite d'un étranger à la frontière ;

Considérant que l'arrêté du 26 juillet 2002, décidant la reconduite à la frontière de M. A est signé par M. Vignes, secrétaire général de la préfecture de l'Hérault ; qu'il ressort des pièces du dossier que, par arrêté du 14 décembre 2001, M. Daniel Constantin, PREFET DE L'HERAULT, a donné délégation à M. Vignes, secrétaire général, à l'effet de signer tous les actes, arrêtés, décisions et circulaires relevant des attributions de l'Etat dans le département et que cet arrêté a été publié, le 17 décembre 2001, dans le recueil des actes de la préfecture ; que si M. Constantin a été nommé, par décret du 4 juillet 2002, Haut Commissaire de la République en Nouvelle Calédonie, l'installation de son successeur, M. Idrac, nommé PREFET DE L'HERAULT par décret du 4 juillet 2002, n'est intervenue que le 31 juillet 2002 ; que, jusqu'à cette date, l'arrêté de délégation du 14 décembre 2001 demeurait applicable ; que dès lors M. Vignes, secrétaire général de la préfecture de l'Hérault, était compétent pour signer l'arrêté contesté du 26 juillet 2002 ; que, par suite, le préfet est fondé à soutenir que c'est à tort, que le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Montpellier s'est fondé sur l'incompétence du signataire de cet arrêté pour en prononcer l'annulation ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. A devant le tribunal administratif de Montpellier ;

Sur le moyen tiré, par voie de l'exception, de l'illégalité de la décision du PREFET DE L'HERAULT du 11 mars 2002 ayant refusé un titre de séjour à M. A :

Considérant que si M. A soutient que la décision du PREFET DE L'HERAULT du 11 mars 2002 lui ayant refusé une carte de séjour temporaire est illégale, comme méconnaissant les dispositions des 3° et 7° de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, il ressort des pièces du dossier, d'une part, que les documents qu'il produit ne sont pas de nature à établir qu'il résidait habituellement en France depuis plus de dix ans, à la date de la décision du préfet, d'autre part, que M. A, âgé de 48 ans, à la date de la décision contestée, est célibataire et ne justifie d'aucune vie familiale en France ; que par suite, M. A n'est pas fondé à se prévaloir de ces dispositions ;

Considérant que les circonstances que M. A justifie d'un domicile et de ressources issues d'une activité régulière sont sans influence sur la légalité de la décision du 11 mars 2002 ;

Considérant qu'aux termes du 1er alinéa de l'article 7 du décret du 30 juin 1946, modifié : L'étranger qui, n'étant pas admis à résider en France, sollicite la délivrance d'un titre de séjour temporaire présente à l'appui de sa demande : 2°) les documents mentionnés à l'article 1er du présent décret justifiant qu'il est entré régulièrement en France ; que, si le deuxième alinéa du même article, dans sa rédaction issue du décret du 5 mai 1999, dispose : Ne sont pas soumis aux dispositions du 2° de l'alinéa 1er du présent article, les étrangers mentionnés à l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 (...), cette dispense de présentation des documents justifiant d'une entrée régulière en France ne peut bénéficier qu'aux étrangers justifiant que leur situation les fait entrer dans l'une des catégories mentionnées à l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ; que tel n'est pas le cas de M. A, qui ne peut, ainsi qu'il a été dit, se prévaloir utilement des dispositions des 3° et 7° de l'article 12 bis de cette ordonnance ;

Considérant, enfin, que si selon le 3ème alinéa de l'article 12 quater de l'ordonnance du 2 novembre 1945, la commission de séjour est saisie par le préfet lorsque celui-ci envisage de refuser une carte de séjour à un étranger mentionné à l'article 12 bis, la consultation de cette commission ne s'impose que lorsque les dispositions de l'article 12 bis sont applicables à l'étranger intéressé ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A relève des dispositions des 3° et 7° de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ; que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 12 quater de cette ordonnance doit, par suite, être écarté ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'exception d'illégalité invoquée n'est pas fondée ;

Sur les autres moyens :

Considérant que si M. .A fait valoir qu'il vit depuis de nombreuses années en France, où il a établi le centre de ses intérêts privés et familiaux, il ressort des pièces du dossier que, compte tenu des circonstances de l'espèce et notamment des conditions de séjour de M. A, qui n'établit pas ne plus avoir de liens familiaux au Maroc et qui ne justifie d'aucune vie familiale en France et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté du 26 juillet 2002 du PREFET DE L'HERAULT n'a pas porté au droit de M. A au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et n'a pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par suite, le PREFET DE L'HERAULT est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Montpellier a annulé l'arrêté de reconduite à la frontière de M. A ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui dans la présente instance n'est pas la partie perdante, soit condamné à payer à M. A la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : Le jugement du 13 août 2002 du conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Montpellier est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A devant le tribunal administratif de Montpellier est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par M. A au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE L'HERAULT, à M. Brahim A et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.


Synthèse
Formation : 6ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 249980
Date de la décision : 27/02/2004
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 27 fév. 2004, n° 249980
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Bonichot
Rapporteur ?: Mme Maud Vialettes
Rapporteur public ?: M. Guyomar Mattias

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2004:249980.20040227
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