La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/02/2004 | FRANCE | N°252572

France | France, Conseil d'État, 3eme sous-section jugeant seule, 27 février 2004, 252572


Vu la requête, enregistrée le 16 décembre 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DU PUY-DE-DOME ; le PREFET DU PUY-DE-DOME demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 29 novembre 2002 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé ses arrêtés du 18 novembre 2002 décidant la reconduite à la frontière de M. Sinasi YX et fixant le pays de destination de cette mesure d'éloignement ;

2°) de rejeter la demande de M. YX devant le tribunal administratif ;
<

br>Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des ...

Vu la requête, enregistrée le 16 décembre 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DU PUY-DE-DOME ; le PREFET DU PUY-DE-DOME demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 29 novembre 2002 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé ses arrêtés du 18 novembre 2002 décidant la reconduite à la frontière de M. Sinasi YX et fixant le pays de destination de cette mesure d'éloignement ;

2°) de rejeter la demande de M. YX devant le tribunal administratif ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Burguburu, Conseiller d'Etat,

- les observations de la SCP Bouzidi, Bouhanna, avocat de M. Sinasi YX,

- les conclusions de M. Glaser, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que pour annuler l'arrêté en date du 18 novembre 2002 par lequel le PREFET DU PUY-DE-DOME a ordonné la reconduite à la frontière de M. YX ainsi que l'arrêté du même jour fixant le pays de destination de cette mesure d'éloignement, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand s'est fondé sur la circonstance que l'administration n'a pas été en mesure de produire l'arrêté portant délégation de signature à M. Henri ZY, secrétaire général de la préfecture du Puy-de-Dome, qui a signé ces arrêtés ;

Mais considérant qu'il ressort des pièces versées au dossier en appel que, par arrêté du 31 juillet 2002 régulièrement publié au recueil des actes administratifs du département, M. Pierre Y, PREFET DU PUY-DE-DOME, a donné délégation à M. Henri ZY, secrétaire général de la préfecture du Puy-de-Dôme, pour signer, notamment, les arrêtés de reconduite à la frontière et décisions y afférentes fixant le pays de renvoi ; que, par suite, le PREFET DU PUY-DE-DOME est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé les arrêtés du 18 novembre 2002 au motif qu'ils avaient été pris par une autorité incompétente ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient au juge d'appel saisi par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. YX devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;

Sur l'arrêté du 18 novembre 2002 décidant la reconduite à la frontière :

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. YX, de nationalité turque, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois à compter de la notification, le 19 septembre 2002, de l'arrêté du 16 septembre 2002 par lequel le PREFET DU PUY-DE-DOME lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour ; qu'il se trouvait ainsi dans le cas où, en application du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;

Considérant qu'en vertu du 4° de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est, sous réserve que sa présence ne constitue pas une menace pour l'ordre public, délivrée de plein droit A l'étranger qui, ne vivant pas en état de polygamie, est marié avec une ressortissante de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière (...) ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. YX est entré irrégulièrement sur le territoire français cette irrégularité n'étant pas couverte par le fait que l'intéressé a produit un passeport muni d'un visa, postérieur à sa date d'entrée en France ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le PREFET DU PUY-DE-DOME ne pouvait légalement décider sa reconduite à la frontière sans méconnaître ces dispositions doit être écarté ;

Considérant que si M. YX fait valoir qu'il s'est marié le 26 octobre 2002 avec une ressortissante française, il ressort des pièces du dossier que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment de la brièveté du séjour de M. YX en France et du caractère récent de son mariage, l'arrêté de reconduite à la frontière pris par le PREFET DU PUY-DE-DOME n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que, par suite, le moyen tiré de ce que cet arrêté méconnaîtrait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être accueilli ; qu'il n'est pas davantage entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette mesure sur la situation personnelle de M. YX ;

Sur l'arrêté du 18 novembre 2002 fixant le pays de destination :

Considérant que l'arrêté attaqué prévoit que M. YX sera reconduit à destination du pays dont il a la nationalité ou de tout autre pays dans lequel il établit être légalement admissible ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé, dont la demande d'admission au statut de réfugié a, d'ailleurs, été rejetée par une décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides confirmée par la commission des recours des réfugiés, serait recherché par les autorités policières turques pour son activité politique militante et serait de ce fait exposé à des risques personnels graves en cas de retour dans son pays d'origine ; que le moyen tiré de ce que la décision contestée méconnaîtrait l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut, dès lors, être accueilli ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DU PUY-DE-DOME est fondé à demander l'annulation du jugement du 29 novembre 2002 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé ses arrêtés du 18 novembre 2002 ordonnant la reconduite à la frontière de M. YX et fixant le pays de destination de cette mesure d'éloignement ;

Sur les conclusions de M. YX tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que M. YX a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; que, toutefois, ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, YXla somme correspondant aux frais exposés qu'il aurait réclamée à son client si ce dernier n'avait pas bénéficié de l'aide juridictionnelle ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du 29 novembre 2002 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand est annulé.

Article 2 : Les demandes présentées devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand par M. YX sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions de la SCP Bouzidi, BouhannaYX tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au PREFET DU PUY-DE-DOME, à M. Sinasi YX à la SCP Bouzidi, Bouhanna et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 27 fév. 2004, n° 252572
Inédit au recueil Lebon
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Président : M. Martin Laprade
Rapporteur ?: Mme Burguburu
Rapporteur public ?: M. Glaser
Avocat(s) : SCP BOUZIDI, BOUHANNA

Origine de la décision
Formation : 3eme sous-section jugeant seule
Date de la décision : 27/02/2004
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 252572
Numéro NOR : CETATEXT000008195111 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2004-02-27;252572 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award