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15/03/2004 | FRANCE | N°255392

France | France, Conseil d'État, 2ème et 7ème sous-sections réunies, 15 mars 2004, 255392


Vu la requête, enregistrée le 25 mars 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Jean-Yves A, demeurant ...; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le décret du 5 mars 2003 du Président de la République prononçant son déplacement d'office par mesure disciplinaire ;

2°) d'ordonner sa réintégration dans ses fonctions antérieures dans le délai d'un mois sous astreinte de 300 euros par jour de retard ;

3°) d'ordonner la suppression de toute mention de cette sanction dans son dossier personnel ;

4°) d'ordonner que lu

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Vu la requête, enregistrée le 25 mars 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Jean-Yves A, demeurant ...; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le décret du 5 mars 2003 du Président de la République prononçant son déplacement d'office par mesure disciplinaire ;

2°) d'ordonner sa réintégration dans ses fonctions antérieures dans le délai d'un mois sous astreinte de 300 euros par jour de retard ;

3°) d'ordonner la suppression de toute mention de cette sanction dans son dossier personnel ;

4°) d'ordonner que lui soit restituée l'allocation mensuelle de service qui lui a été retirée à compter du second semestre de 2002 ;

5°) que soit mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 150 000 euros en réparation du préjudice subi ;

6°) que soit mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, modifiée, portant droits et obligations des fonctionnaires ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984, modifiée, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;

Vu la loi n° 2002-1062 du 6 août 2002 portant amnistie ;

Vu le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984, modifié, relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'Etat ;

Vu le décret n° 86-592 du 18 mars 1986 porte code de déontologie de la police nationale ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Philippe Boucher, Conseiller d'Etat,

- les observations de Me Haas, avocat de M. A,

- les conclusions de Mme Prada Bordenave, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que, pour prononcer la sanction du déplacement d'office à l'encontre de M. Jean-Yves A, commissaire principal de police, le Président de la République s'est fondé sur ce que M. A avait manqué gravement à ses obligations déontologiques de loyauté et de dignité, d'une part, en présentant de manière tendancieuse dans une lettre du 6 mars 2002 adressée au directeur central de la sécurité publique, des propos tenus par le directeur départemental de la sécurité publique des Bouches-du-Rhône à l'occasion d'une réunion de travail, d'autre part, en critiquant, sans retenue, dans une lettre du 29 mars 2002 adressée au préfet délégué pour la sécurité et la défense des Bouches-du-Rhône, les modalités mises en oeuvre par sa hiérarchie départementale pour mener une enquête sur les absences pour motif médical des personnels de police de la circonscription de sécurité d'Aubagne ;

Sur la régularité de la procédure disciplinaire :

Considérant qu'aucune disposition législative ou réglementaire, ni aucun principe général du droit, n'obligeait l'administration à procéder à une enquête disciplinaire et, notamment, à entendre les témoins éventuels des faits invoqués par M. A dans la lettre du 6 mars 2002 ; que l'administration n'avait pas non plus à communiquer à M. A le rapport établi par l'adjoint au directeur départemental de la sécurité publique des Bouches-du-Rhône à l'issue de l'enquête administrative contestée par M. A dans sa lettre du 29 mars 2002 ainsi que le rapport de l'Inspection générale de la police nationale sur le fonctionnement de la circonscription de sécurité publique que dirigeait M. A, dont le contenu était sans rapport avec les griefs formulés à l'encontre du requérant ; que, par suite, M. A n'est pas fondé à soutenir que la procédure suivie pour prononcer la sanction attaquée n'aurait pas été régulière ;

Sur la légalité interne de la décision attaquée :

Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la loi du 6 août 2002 portant amnistie : Sont amnistiés les faits commis avant le 17 mai 2002 en tant qu'ils constituent des fautes passibles de sanctions disciplinaires ou professionnelles. Sauf mesure individuelle accordée par décret du Président de la République, sont exceptés du bénéfice de l'amnistie prévue par le présent article les faits constituant des manquements à la probité, aux bonnes moeurs ou à l'honneur ; que si les faits reprochés à M. A sont antérieurs au 17 mai 2002, ils ont constitué, dans les circonstances où ils ont été commis, des manquements à l'honneur et n'ont ainsi pas été amnistiés par l'effet de l'article 11 de la loi du 6 août 2002 ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, dans les termes où elles étaient rédigées et compte tenu des autorités auxquelles elles étaient directement adressées, les lettres du 6 et du 29 mars 2002 mettaient gravement en cause le comportement des supérieurs hiérarchiques de M. A et étaient destinées à nuire à ces derniers ; qu'eu égard notamment au grade et aux fonctions de l'intéressé, M. A a commis, en adressant de tels courriers, une faute de nature à justifier une sanction disciplinaire ;

Considérant que, compte tenu de la gravité de la faute ainsi commise par l'intéressé, l'autorité administrative n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en prononçant la sanction du déplacement d'office ;

Considérant que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à demander l'annulation du décret prononçant son déplacement d'office pour motif disciplinaire ; que, par suite, les conclusions de M. A tendant à la réparation du préjudice que lui aurait causé cette décision ainsi que ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. A demande au titre des frais qu'il a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Jean-Yves A et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.


Synthèse
Formation : 2ème et 7ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 255392
Date de la décision : 15/03/2004
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 15 mar. 2004, n° 255392
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Stirn
Rapporteur ?: M. Philippe Boucher
Rapporteur public ?: Mme Prada Bordenave Emmanuelle
Avocat(s) : HAAS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2004:255392.20040315
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