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23/03/2004 | FRANCE | N°265139

France | France, Conseil d'État, Juge des referes, 23 mars 2004, 265139


Vu la requête, enregistrée le 2 mars 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Claude X, ... ; il demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) de suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la décision du 5 février 2004 par laquelle le ministre de la jeunesse, de l'éducation et de la recherche a rejeté sa demande d'admission à la retraite à compter du 1er septembre 2004, avec jouissance d'une pension concédée conformément aux dispositions de l' article L. 24-I-3° du code des pensions civiles

et militaires de retraite ;

2°) d'enjoindre au ministre de la jeunesse...

Vu la requête, enregistrée le 2 mars 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Claude X, ... ; il demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) de suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la décision du 5 février 2004 par laquelle le ministre de la jeunesse, de l'éducation et de la recherche a rejeté sa demande d'admission à la retraite à compter du 1er septembre 2004, avec jouissance d'une pension concédée conformément aux dispositions de l' article L. 24-I-3° du code des pensions civiles et militaires de retraite ;

2°) d'enjoindre au ministre de la jeunesse, de l'éducation et de la recherche de procéder à une nouvelle instruction de sa demande dans un délai d'un mois, sous astreinte de 500 euros par jours de retard ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient qu'eu égard aux délais dans lesquels les demandes d'admission à la retraite sont instruites, la décision litigieuse a pour conséquence de l'empêcher de bénéficier de ce droit au 1er septembre 2004 ; qu'ainsi la condition d'urgence est remplie ; que l'application que la décision contestée a faite des dispositions de l' article L. 24-I-3° du code des pensions civiles et militaires de retraite méconnaît le principe d'égalité entre les travailleurs masculins et féminins tel qu'il est affirmé par le droit communautaire ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 11 mars 2004, présenté par le ministre de la jeunesse, de l'éducation et de la recherche ; il tend au rejet de la requête ; il soutient qu'en l'absence de circonstances particulières établissant la nécessité pour le requérant d'être délivré de toute obligation professionnelle à la date du 1er septembre 2004, la condition d'urgence ne peut être regardée comme remplie ;

Vu le mémoire en réplique enregistré le 16 mars 2004, présenté pour M. X ; il reprend les mêmes conclusions et les mêmes moyens ; il évoque en outre des circonstances particulières, à la fois familiales et professionnelles, de nature à caractériser l'urgence ;

Vu les observations enregistrées le 23 mars 2004, présentées par le ministre de la jeunesse, de l'éducation et de la recherche ; il reprend les mêmes moyens et les mêmes conclusions ; il ajoute que M. X ne peut se prévaloir de choix familiaux pour justifier l'urgence ; qu'en outre, les circonstances professionnelles invoquées ne sont pas fondées ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le traité de Rome instituant la Communauté économique européenne devenue la Communauté européenne ;

Vu la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 ;

Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. X et d'autre part, le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche ;

Vu le procès verbal de l'audience publique du mardi 23 mars 2004 à 11 heures à laquelle ont été entendus :

- Me PARMENTIER, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, représentant M. X ;

- le représentant du ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche ;

Considérant que M. X a demandé, sur le fondement de l'article L. 24-I-3-a) du code des pensions civiles et militaires de retraite, le bénéfice d'une pension à jouissance immédiate à compter du 1er septembre 2004 en faisant valoir qu'il avait élevé trois enfants ; que par décision du 5 février 2004, le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche a rejeté sa demande au motif que le bénéfice des dispositions de l'article L. 24-I-3-a) est réservé aux femmes fonctionnaires et ne saurait s'étendre aux fonctionnaires masculins ; que M. X demande au juge des référés de suspendre cette décision sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : quand une décision administrative (...) fait l'objet d'une requête en annulation (...) le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision (...) lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision - ;

Considérant que le a) du 3° du I de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite prévoit, au profit des femmes fonctionnaires qui sont mères de trois enfants vivants ou décédés par faits de guerre ou les ont élevés pendant au moins neuf ans, le bénéfice d'une pension à jouissance immédiate ; que le principe d'égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et féminins tel qu'il est affirmé par le Traité instituant la communauté européenne implique, selon l'interprétation que la Cour de justice des communautés européennes et le Conseil d'Etat ont donnée tant de ce principe que de ces dispositions de l'article L. 24, que celles-ci -dont la portée n'a pas été modifiée par la loi du 22 août 2003 portant réforme des retraites- s'applique de la même façon aux travailleurs masculins et féminins ; que l'administration ne soutient pas que M. X ne satisferait pas aux autres conditions d'obtention d'une pension de retraite à compter du 1er septembre 2004 ; que dès lors le moyen tiré de ce que la décision dont la suspension est demandée ferait une inexacte application des dispositions précitées de l'article L. 24 parait, en l'état de l'instruction, de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de cette décision ;

Considérant par ailleurs que si la proximité de la date pour laquelle M. X a demandé son admission à la retraite ne serait pas, à elle seule, de nature à révéler une situation d'urgence, il résulte de l'instruction que M. X, qui enseigne à l'université de Caen, a, pour des considérations relatives aux études de ses plus jeunes enfants -qui ont respectivement 19, 17 et 12 ans- fixé depuis plusieurs années le domicile de sa famille à Paris ; qu'il doit en conséquence s'absenter fréquemment de son domicile et se déplacer entre Paris et Caen ; que, dans ces conditions, l'impossibilité découlant de la décision ministérielle attaquée de mettre en oeuvre le droit que lui confèrent les dispositions précitées crée en l'espèce une situation d'urgence justifiant que soit prononcée la suspension de la décision litigieuse ; que cette suspension implique l'obligation pour le ministre de de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche de réexaminer la demande de M. X ; que dans les circonstances de l'espèce il y a lieu de fixer à un mois à compter de la notification de la présente ordonnance de délai pour procéder à ce réexamen ; qu'en cas d'inexécution de cette injonction au terme de ce délai, l'Etat est condamné à une astreinte de 500 euros par jour de retard ;

Sur les conclusions de M. X tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que dans les circonstances de l'espèce il y a lieu de faire droit aux conclusions de M. X tendant à ce que l'Etat lui verse une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

O R D O N N E :

------------------

Article 1er : L'exécution de la décision du 5 février 2004 est suspendue.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche de procéder au réexamen de la demande de M. X dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente ordonnance.

Article 3 : En cas d'inexécution de l'injonction au terme du délai d'un mois fixé par l'article 2 de la présente ordonnance, l'Etat est condamné à une astreinte de 500 euros par jour de retard.

Article 4 : L'Etat versera à M. X une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à M. X et au ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche.


Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 23 mar. 2004, n° 265139
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Labetoulle
Avocat(s) : SCP PARMENTIER, DIDIER

Origine de la décision
Formation : Juge des referes
Date de la décision : 23/03/2004
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 265139
Numéro NOR : CETATEXT000008174672 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2004-03-23;265139 ?
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