La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

31/03/2004 | FRANCE | N°244595

France | France, Conseil d'État, 6eme et 1ere sous-sections reunies, 31 mars 2004, 244595


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 28 mars et 4 juin 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Henri X, demeurant ... ; M. X demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler sans renvoi l'arrêt du 17 janvier 2002 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 13 octobre 2000 du tribunal administratif de Strasbourg rejetant sa demande d'annulation de l'arrêté du 18 février 2000 du préfet du Bas-Rhin le mettant en demeure de procéder, dans un délai de de

ux mois à compter de la notification dudit arrêté, à la suppression des...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 28 mars et 4 juin 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Henri X, demeurant ... ; M. X demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler sans renvoi l'arrêt du 17 janvier 2002 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 13 octobre 2000 du tribunal administratif de Strasbourg rejetant sa demande d'annulation de l'arrêté du 18 février 2000 du préfet du Bas-Rhin le mettant en demeure de procéder, dans un délai de deux mois à compter de la notification dudit arrêté, à la suppression des étangs qu'il avait créés, au rétablissement du cours d'eau Lekenbach dans son tracé initial et à la suppression des prises et rejets des deux étangs ;

2°) d'annuler le jugement du 13 octobre 2000 du tribunal administratif de Strasbourg ;

3°) d'annuler l'arrêté du préfet du Bas-Rhin du 18 février 2000 ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le décret n° 93-743 du 29 mars 1993 modifié relatif à la nomenclature des opérations soumises à autorisation ou à déclaration en application de l'article 10 de la loi n° 92-3 sur l'eau ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Dacosta, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Vincent, Ohl, avocat de M. X,

- les conclusions de M. Guyomar, Commissaire du gouvernement ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

Considérant qu'aux termes des I, II et III de l'article 10 de la loi du 3 janvier 1992 sur l'eau, dont les dispositions sont désormais reprises aux articles L. 214-1 à L. 214-3 du code de l'environnement : I. - Sont soumis aux dispositions du présent article les installations ne figurant pas à la nomenclature des installations classées, les ouvrages, travaux et activités réalisés à des fins non domestiques par toute personne physique ou morale, publique ou privée et entraînant des prélèvements sur les eaux superficielles ou souterraines, restitués ou non, une modification du niveau ou du mode d'écoulement des eaux ou des déversements, écoulements, rejets ou dépôts directs ou indirects, chroniques ou épisodiques, même non polluants. II. - Les installations, ouvrages, travaux et activités visés au I sont définis dans une nomenclature, établie par décret en Conseil d'Etat après avis du Comité national de l'eau, et soumis à autorisation ou à déclaration suivant les dangers qu'ils présentent et la gravité de leurs effets sur la ressource en eau et les écosystèmes aquatiques (...). III. - Sont soumis à autorisation de l'autorité administrative les installations, ouvrages, travaux et activités susceptibles de présenter des dangers pour la santé et la sécurité publique, de nuire au libre écoulement des eaux, de réduire la ressource en eau, d'accroître notablement le risque d'inondation, de porter atteinte gravement à la qualité ou à la diversité du milieu aquatique (...) ; qu'aux termes de l'article 18 de la même loi, dont les dispositions sont désormais reprises à l'article L. 211-5 du code de l'environnement : Le préfet et le maire intéressés doivent être informés, dans les meilleurs délais par toute personne qui en a connaissance, de tout incident ou accident présentant un danger pour la sécurité civile, la qualité, la circulation ou la conservation des eaux. La personne à l'origine de l'incident ou de l'accident et l'exploitant ou, s'il n'existe pas d'exploitant, le propriétaire sont tenus, dès qu'ils en ont connaissance, de prendre ou de faire prendre toutes les mesures possibles pour mettre fin à la cause de danger ou d'atteinte au milieu aquatique, évaluer les conséquences de l'incident ou de l'accident et y remédier. Le préfet peut prescrire aux personnes mentionnées ci-dessus les mesures à prendre pour mettre fin au dommage constaté ou en circonscrire la gravité et, notamment, les analyses à effectuer (...) ; qu'enfin aux termes de la première phrase de l'article 27 de la même loi, dont les dispositions sont désormais reprises au I de l'article L. 216-1 du code de l'environnement : Indépendamment des poursuites pénales, en cas d'inobservation des dispositions prévues par la présente loi ou les règlements et décisions individuelles pris pour son application, le préfet met en demeure d'y satisfaire dans un délai déterminé ;

Considérant que, par un arrêté en date du 18 février 2000, le préfet du Bas-Rhin a mis en demeure M. X de supprimer les deux bassins qu'il avait aménagés sur sa propriété et de remettre les lieux en l'état au motif qu'il n'avait pas obtenu l'autorisation requise et que ceux-ci présentaient un risque pour la sécurité publique ; que le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande d'annulation de cet arrêté présentée par M. X en rattachant la décision du préfet à l'exercice des compétences que celui-ci tire de l'article 18 de la loi sur l'eau ; que, par l'arrêt attaqué, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté la demande de M. X tendant à l'annulation dudit jugement, au motif que le préfet tire des dispositions combinées des articles 18 et 27 de la loi sur l'eau, devenus les articles L. 211-5 et L. 216-1 du code de l'environnement, la compétence de mettre en demeure la personne qui est à l'origine d'un incident présentant un danger pour la sécurité civile de prendre les mesures permettant de mettre fin à la cause du danger et que la création des bassins en cause constituait un incident au sens de ces dispositions ;

Considérant qu'il résulte de l'article L. 211-5 du code de l'environnement que le préfet peut prescrire à l'exploitant ou au propriétaire d'une installation ou d'un ouvrage de prendre toutes les mesures permettant, en cas d'incident ou d'accident, de mettre fin au dommage constaté ou d'en circonscrire la gravité ; qu'il peut même, en cas de nécessité, et en l'absence de toute autre solution, prescrire la suppression de l'installation ou de l'ouvrage qui est à l'origine de l'incident ou de l'accident ;

Considérant, toutefois, qu'il ressort du dossier soumis au juge du fond que la cour a fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 211-5 du code de l'environnement en jugeant que la création des bassins aménagés par M. X, qui n'était à l'origine d'aucun dommage constaté, constituait en elle-même un incident présentant un danger pour la sécurité civile ; que, par suite, M. X est fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

Considérant qu'en vertu de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;

Considérant, d'une part, que, pour les motifs indiqués ci-dessus, M. X est fondé à soutenir que le jugement du tribunal administratif a fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 211-5 du code de l'environnement ;

Considérant, d'autre part, que s'il résulte de l'article L. 216-1 du code de l'environnement que le préfet, lorsqu'il constate que des installations, ouvrages, travaux ou activités ont été réalisés sans autorisation, en méconnaissance du décret pris pour l'application du II du même article, peut mettre en demeure l'exploitant ou le propriétaire de déposer une demande d'autorisation, aucun texte ne lui confère, dans une telle hypothèse, le pouvoir d'enjoindre à l'intéressé de procéder à la remise en l'état des lieux ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Bas-Rhin ;

Sur les conclusions de M. X tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner l'Etat à payer à M. X la somme de 2 500 euros que demande celui-ci au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy en date du 17 janvier 2002 et le jugement du tribunal administratif de Strasbourg en date du 13 octobre 2000 sont annulés.

Article 2 : L'arrêté du préfet du Bas-Rhin en date du 18 février 2000 est annulé.

Article 3 : L'Etat versera à M. X une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Henri X, au ministre de l'écologie et du développement durable et au ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.


Synthèse
Formation : 6eme et 1ere sous-sections reunies
Numéro d'arrêt : 244595
Date de la décision : 31/03/2004
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

44-05-02 NATURE ET ENVIRONNEMENT - AUTRES MESURES PROTECTRICES DE L'ENVIRONNEMENT - LUTTE CONTRE LA POLLUTION DES EAUX - POUVOIRS DU PRÉFET SUR LE FONDEMENT DE L'ARTICLE L. 211-15 DU CODE DE L'ENVIRONNEMENT - DÉCLENCHEMENT PAR LA SURVENANCE D'UN INDICENT OU ACCIDENT AYANT ENTRAÎNÉ UN DOMMAGE.

44-05-02 Il résulte de l'article L. 211-5 du code de l'environnement que le préfet peut prescrire à l'exploitant ou au propriétaire d'une installation ou d'un ouvrage de prendre toutes les mesures permettant, en cas d'incident ou d'accident présentant un danger pour la sécurité civile, la qualité, la circulation ou la conservation des eaux, de mettre fin au dommage constaté ou d'en circonscrire la gravité. En l'espèce, la création de bassins aménagés, qui n'a été à l'origine d'aucun dommage constaté, ne constitue pas en elle-même un incident présentant un danger pour la sécurité civile et justifiant la mise en oeuvre des pouvoirs prévus par l'article L. 211-5 du code de l'environnement.


Références :



Publications
Proposition de citation : CE, 31 mar. 2004, n° 244595
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Robineau
Rapporteur ?: M. Bertrand Dacosta
Rapporteur public ?: M. Guyomar
Avocat(s) : SCP VINCENT, OHL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2004:244595.20040331
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award