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31/03/2004 | FRANCE | N°248228

France | France, Conseil d'État, 6eme et 1ere sous-sections reunies, 31 mars 2004, 248228


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 28 juin et 28 octobre 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la FEDERATION NATIONALE DE L'IMMOBILIER ; la FEDERATION NATIONALE DE L'IMMOBILIER demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2002-642 du 29 avril 2002 modifiant le décret n° 72-678 du 20 juillet 1972 fixant les conditions d'application de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d'exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubl

es et les fonds de commerce ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la ...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 28 juin et 28 octobre 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la FEDERATION NATIONALE DE L'IMMOBILIER ; la FEDERATION NATIONALE DE L'IMMOBILIER demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2002-642 du 29 avril 2002 modifiant le décret n° 72-678 du 20 juillet 1972 fixant les conditions d'application de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d'exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, et notamment son article 22 ;

Vu le code rural ;

Vu la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 ;

Vu le décret n° 72-678 du 20 juillet 1972 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Dacosta, Maître des Requêtes,

- les observations de Me Ricard, avocat de la FEDERATION NATIONALE DE L'IMMOBILIER,

- les conclusions de M. Guyomar, Commissaire du gouvernement ;

Sur la légalité externe du décret attaqué :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le décret attaqué ne diffère pas à la fois du projet soumis par le Gouvernement à la consultation du Conseil d'Etat et du texte adopté par celui-ci ; qu'ainsi la FEDERATION NATIONALE DE L'IMMOBILIER n'est pas fondée à prétendre que les dispositions dont elle demande l'annulation seraient entachées d'incompétence ;

Considérant qu'aux termes de l'article 22 de la Constitution : Les actes du Premier ministre sont contresignés, le cas échéant, par les ministres chargés de leur exécution ; que, s'agissant d'un acte de nature réglementaire, les ministres contresignataires sont ceux qui ont compétence pour signer ou contresigner les mesures réglementaires ou individuelles que comporte nécessairement son exécution ; que l'exécution du décret attaqué ne comporte nécessairement l'intervention d'aucune mesure réglementaire ou individuelle qu'un autre ministre que le ministre de la justice aurait été compétent pour signer ou contresigner ; que, dès lors, le décret pouvait légalement être revêtu du seul contreseing du ministre de la justice ;

Sur la légalité interne du décret attaqué :

Considérant, d'une part, qu'aux termes du II de l'article L. 141-1 du code rural, les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural peuvent, pour la réalisation de leurs missions : 1° Acquérir, dans le but de les rétrocéder, des biens ruraux, des terres, des exploitations agricoles ou forestières ; 2° Se substituer un ou plusieurs attributaires pour réaliser la cession de tout ou partie des droits conférés, soit par une promesse unilatérale de vente, soit par une promesse synallagmatique de vente, portant sur les biens visés au 1°, dès lors que la substitution intervient dans un délai maximal de six mois à compter du jour où ladite promesse a acquis date certaine et, au plus tard, au jour de l'acte authentique réalisant ou constatant la vente ; que, d'autre part, aux termes de l'article 1er de la loi du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d'exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce : les dispositions de la présente loi s'appliquent aux personnes physiques ou morales qui, d'une manière habituelle, se livrent ou prêtent leur concours, même à titre accessoire, aux opérations portant sur les biens d'autrui et relatives à : 1° L'achat, la vente, l'échange, la location ou sous-location en nu ou en meublé d'immeubles bâtis ou non bâtis...6° La gestion immobilière et qu'aux termes de son article 2 : Les dispositions de la présente loi ne sont pas applicables : aux membres des professions dont la liste sera fixée par décret, en considération du contrôle dont leur activité professionnelle fait l'objet ainsi que des garanties financières qu'ils offrent pour l'exercice de cette activité ;

Considérant que l'article 1er du décret attaqué a pour objet d'exclure du champ d'application de la loi du 2 janvier 1970, pour l'ensemble de leurs activités, les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural, alors qu'elles n'en étaient exclues, avant l'intervention de ce texte, que pour les missions qui leur étaient confiées par les collectivités territoriales ou les établissements publics qui leur sont rattachés ;

Considérant, en premier lieu, que les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural, lorsqu'elles utilisent la possibilité qui leur est ouverte par les dispositions précitées du code rural de se substituer un attributaire pour réaliser la cession de droits conférés par une promesse de vente, se livrent à des opérations portant sur les biens d'autrui au sens de l'article 1er de la loi du 2 janvier 1970 ; que, toutefois, eu égard aux dispositions du code rural relatives notamment à l'agrément des sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural, à l'approbation de la désignation de leurs organes dirigeants et aux attributions conférées aux commissaires du gouvernement placés auprès d'elles, le pouvoir réglementaire était fondé, en application de l'article 2 de la même loi, à considérer que l'activité de ces sociétés fait l'objet d'un contrôle et offre des garanties financières justifiant que les dispositions de la loi ne leur soient pas applicables ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'article 1er du décret attaqué aurait méconnu les dispositions de la loi du 2 janvier 1970 doit être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, que si les dispositions combinées du 4° du II et du 3° du III de l'article L. 141-1 du code rural font obligation aux sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural, lorsqu'elles se livrent ou prêtent leur concours à des opérations immobilières portant sur les biens d'autrui et relatives au louage, de souscrire une assurance garantissant les conséquences pécuniaires de leur responsabilité civile professionnelle et une garantie financière résultant d'un cautionnement spécialement affecté au remboursement des fonds, effets ou valeurs détenus par autrui , le pouvoir réglementaire n'était pas tenu de soumettre à des règles comparables les opérations de substitution mentionnées au 2° du II du même article ;

Considérant, en troisième lieu que, comme il l'a été dit plus haut, le pouvoir réglementaire a exclu les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural du champ d'application de la loi du 2 janvier 1970 en prenant en considération les garanties que présente leur réglementation ; qu'en ne leur imposant pas les mêmes sujétions qu'aux autres intervenants sur le marché de l'immobilier, pour tenir compte de ces garanties, le décret attaqué, contrairement à ce que soutient la requérante, n'a pas méconnu le principe d'égalité ;

Considérant, enfin, que le moyen tiré de la méconnaissance des principes de la libre concurrence n'est assorti d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la FEDERATION NATIONALE DE L'IMMOBILIER n'est pas fondée à demander l'annulation du décret attaqué ;

Sur les conclusions de la FEDERATION NATIONALE DE L'IMMOBILIER tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à la FEDERATION NATIONALE DE L'IMMOBILIER la somme que demande celle-ci au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de la FEDERATION NATIONALE DE L'IMMOBILIER est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la FEDERATION NATIONALE DE L'IMMOBILIER, au Premier ministre et au garde des sceaux, ministre de la justice.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 31 mar. 2004, n° 248228
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Robineau
Rapporteur ?: M. Bertrand Dacosta
Rapporteur public ?: M. Guyomar
Avocat(s) : RICARD

Origine de la décision
Formation : 6eme et 1ere sous-sections reunies
Date de la décision : 31/03/2004
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 248228
Numéro NOR : CETATEXT000008181381 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2004-03-31;248228 ?
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