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05/04/2004 | FRANCE | N°261009

France | France, Conseil d'État, 3ème et 8ème sous-sections réunies, 05 avril 2004, 261009


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 13 octobre 2003 et 28 octobre 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE DE PERTUIS (Vaucluse), représentée par son maire en exercice, domicilié en cette qualité à l'Hôtel de ville de Pertuis (84120) ; la COMMUNE DE PERTUIS demande au demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du 22 septembre 2003 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Marseille, à la demande de M. et Mme ZY, a suspendu l'exécution de la décision du 16 avril 200

3 par laquelle le maire de la commune s'est opposé au raccordement de la ...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 13 octobre 2003 et 28 octobre 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE DE PERTUIS (Vaucluse), représentée par son maire en exercice, domicilié en cette qualité à l'Hôtel de ville de Pertuis (84120) ; la COMMUNE DE PERTUIS demande au demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du 22 septembre 2003 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Marseille, à la demande de M. et Mme ZY, a suspendu l'exécution de la décision du 16 avril 2003 par laquelle le maire de la commune s'est opposé au raccordement de la parcelle cadastrée section H n° 388 au réseau de distribution d'électricité ;

2°) statuant comme juge des référés, de rejeter la demande de suspension de cette décision ;

3°) de mettre à la charge de M. et Mme ZY une somme de 5 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Crépey, Auditeur,

- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la COMMUNE DE PERTUIS et de la SCP Defrénois, Lévis, avocat de M. et Mme Paul Y,

- les conclusions de M. Séners, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation (...), le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision (...) lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision » ;

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Marseille que ce dernier ne s'est pas fondé, pour prononcer la suspension de la décision du 16 avril 2003 par laquelle le maire de la commune s'est opposé au raccordement de la parcelle cadastrée section H n° 388, qui leur appartient et sur laquelle ils ont stationné leur caravane, au réseau de distribution d'électricité, sur des arguments de fait ou de droit auxquels la commune requérante n'aurait pas été mise en mesure de répondre ; qu'ainsi le moyen tiré par la COMMUNE DE PERTUIS de ce qu'aurait été méconnu le principe du caractère contradictoire de la procédure manque en fait ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'en jugeant que le maire de Pertuis avait, par la décision contestée, enjoint à Electricité de France de ne pas raccorder la parcelle appartenant à M. et Mme ZY au réseau de distribution électrique, le juge des référés a porté sur les faits de l'espèce une appréciation souveraine exempte de dénaturation ; que le moyen tiré de ce que la requête aurait été dirigée contre un acte non décisoire et qu'ainsi, le juge des référés aurait commis une erreur de droit en n'opposant pas d'office une irrecevabilité à ce titre ne peut qu'être écarté ;

Considérant, en troisième lieu, que la COMMUNE DE PERTUIS soutient que, pour juger que la condition d'urgence définie à l'article L. 521-1 du code de justice administrative précité était satisfaite, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a entaché son ordonnance de dénaturation et d'erreur de droit ; que, d'une part, la circonstance que les intéressés connaissaient la décision du maire lorsqu'ils ont stationné leur caravane sur la parcelle litigieuse est sans incidence sur l'urgence s'attachant à la suspension demandée dès lors que, ainsi que l'a relevé le juge des référés par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, il n'était contesté ni que deux adultes de santé fragile et leur fils de quatorze ans vivaient sur ladite parcelle ni qu'ils ne disposaient d'aucune autre possibilité de logement ; que, d'autre part, le moyen tiré de ce que les intéressés se seraient placés dans une situation illégale faute d'avoir sollicité l'autorisation de stationnement prévue par l'article R. 443-1 du code de l'urbanisme ne peut, en tout état de cause, être accueilli dès lors qu'une telle autorisation n'est requise que pour un stationnement d'une durée de plus de trois mois et que ce délai n'avait pas expiré lorsque le juge des référés a statué ; qu'enfin, si la COMMUNE DE PERTUIS produit, pour la première fois en cassation, un extrait du règlement du plan d'occupation des sols établissant que cette parcelle est située en zone inondable, il ressort des pièces du dossier que la commune n'avait pas été en mesure, devant le juge des référés, d'assortir ses allégations relatives au risque d'inondation de précisions permettant à celui-ci d'en apprécier la portée et le bien-fondé ; que, par suite, le moyen tiré ce qu'il aurait entaché son ordonnance de dénaturation en jugeant qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier, en l'état de l'instruction, que le stationnement de la caravane sur cette parcelle exposait ses occupants à un risque grave et immédiat ne peut qu'être écarté ; qu'il appartient à la COMMUNE DE PERTUIS, si elle s'y croit fondée, de saisir le juge des référés, sur le fondement de l'article L. 521-4 du code de justice administrative, d'une demande tendant à ce qu'il soit mis fin à la suspension de l'exécution de la décision litigieuse au vu de ces éléments nouveaux ;

Considérant, en quatrième et dernier lieu, qu'aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'urbanisme : « Les bâtiments, locaux ou installations soumis aux dispositions des articles L. 111-1, L. 421-1 ou L. 510-1, ne peuvent, nonobstant toutes clauses contraires des cahiers des charges de concession, d'affermage ou de régie intéressée, être raccordés définitivement aux réseaux d'électricité, d'eau, de gaz ou de téléphone si leur construction ou leur transformation n'a pas été, selon le cas, autorisée ou agréée en vertu des articles précités » ; qu'en jugeant qu'était, en l'état de l'instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée, même en tant qu'elle concernait une demande de raccordement définitif, le moyen tiré de ce que ces dispositions n'étaient pas applicables au cas de la caravane de M. et Mme ZY dès lors que celle-ci avait conservé sa mobilité, le juge des référés n'a ni dénaturé les faits de l'espèce ni, eu égard à son office et compte tenu de la portée imprécise du renvoi que l'article L. 111-6 du code de l'urbanisme fait à l'article L. 111-1 du même code, commis d'erreur de droit ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la COMMUNE DE PERTUIS n'est pas fondée à demander l'annulation de l'ordonnance du 22 septembre 2003 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a ordonné la suspension de l'exécution de la décision du 16 avril 2003 par laquelle le maire de Pertuis a opposé un refus à la demande de raccordement de la parcelle cadastrée section H n° 388 au réseau de distribution électrique ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant, d'une part, que ces dispositions font obstacle à ce que la somme que la COMMUNE DE PERTUIS demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens soit mise à la charge de M. et Mme ZY, qui ne sont pas dans la présente instance la partie perdante ;

Considérant, d'autre part, que M. et Mme ZY ont obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, leur avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Defrénois et Lévis renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de la COMMUNE DE PERTUIS la somme de 3 000 euros ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de la COMMUNE DE PERTUIS est rejetée.

Article 2 : La COMMUNE DE PERTUIS versera à la SCP Defrénois et Lévis, avocat de M. et Mme ZY, une somme de 3 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que ladite société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE PERTUIS, à M. et Mme Paul ZY et au ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer.


Synthèse
Formation : 3ème et 8ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 261009
Date de la décision : 05/04/2004
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

54-035-02-05 PROCÉDURE. PROCÉDURES INSTITUÉES PAR LA LOI DU 30 JUIN 2000. RÉFÉRÉ SUSPENSION (ART. L. 521-1 DU CODE DE JUSTICE ADMINISTRATIVE). VOIES DE RECOURS. - CASSATION - CONTRÔLE DE L'ERREUR DE DROIT COMPTE TENU DE L'OFFICE ATTRIBUÉ AU JUGE DES RÉFÉRÉS [RJ1] - CONSÉQUENCE - CONFIRMATION, EN L'ABSENCE DE DÉCISION DU CONSEIL D'ETAT TRANCHANT LA QUESTION AU FOND, D'UNE ORDONNANCE INTERPRÉTANT DES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES POUR EN CONCLURE À L'EXISTENCE D'UN DOUTE SÉRIEUX QU'UNE ORDONNANCE ÉGALEMENT CONFIRMÉE EN CASSATION ÉCARTAIT [RJ2].

54-035-02-05 Si, saisi d'un moyen en ce sens, le juge de cassation contrôle l'erreur de droit commise par le juge des référés qui a désigné un moyen propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ou qui, au contraire, a écarté l'ensemble des moyens comme insusceptibles de créer ce doute, il ne doit le faire qu'en tenant compte de la nature de l'office attribué au juge des référés par les articles L. 511-1 et L. 521-1 du code de justice administrative. Il en résulte que le Conseil d'Etat saisi en cassation peut être conduit, s'il n'a pas lui-même tranché la question au fond, à confirmer deux ordonnances de juges des référés donnant des interprétations divergentes d'un même texte pour en conclure, l'un, à l'existence d'un doute sérieux et, l'autre, à son absence. En l'espèce, l'ordonnance confirmée juge que crée un doute sérieux le moyen tiré de ce que l'article L. 111-6 du code de l'urbanisme relatif au raccordement au réseau électrique ne serait pas applicable aux caravanes, contrairement à ce que jugeait une ordonnance également confirmée en cassation [RJ3].


Références :

[RJ1]

Cf Section, 29 novembre 2002, Communauté d'agglomération de Saint-Etienne c/ Société Antona et autres, p. 421.,,

[RJ2]

Comp. 12 décembre 2003, Cancy, n° 257794.,,

[RJ3]

Rappr. 7 juillet 2004, Epoux Herlemann, n° 266478, à publier pour la position prise par le Conseil d'Etat sur l'interprétation, postérieure aux deux ordonnances, des dispositions de l'article L. 111-6 du code de l'urbanisme.


Publications
Proposition de citation : CE, 05 avr. 2004, n° 261009
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Lasserre
Rapporteur ?: M. Edouard Crépey
Rapporteur public ?: M. Séners
Avocat(s) : SCP DEFRENOIS, LEVIS ; SCP LYON-CAEN, FABIANI, THIRIEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2004:261009.20040405
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