Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 27 février et 13 mai 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Fatou X, demeurant ... ; Mme X demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 7 novembre 2002 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 mars 2002 du préfet de police décidant sa reconduite à la frontière ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la convention de New York sur les droits de l'enfant ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme de Clausade, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Blanc, avocat de Mme X,
- les conclusions de M. Stahl, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 : Le représentant de l'Etat dans le département et à Paris, le préfet de police, peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) ; qu'il ressort des pièces du dossier que Mme X, de nationalité sénégalaise, s'est maintenue dans de telles conditions sur le territoire français ; qu'elle était ainsi dans l'un des cas où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Considérant toutefois qu'il ressort des pièces du dossier que Mme X, entrée en France sept ans avant l'intervention de la mesure de reconduite attaquée, s'est mariée le 11 mars 1999 à un compatriote qui réside régulièrement en France et avec lequel elle a eu deux enfants nés en France en 1999 et en 2000 ; que, dans les circonstances particulières de l'affaire, l'arrêté attaqué a porté à son droit au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée au but en vue duquel il a été pris ; qu'il a ainsi méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par suite, Mme X est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 mars 2002 par lequel le préfet de police a décidé sa reconduite à la frontière ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le jugement du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris du 7 novembre 2002 et l'arrêté préfectoral du 8 mars 2002 sont annulés.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme Fatou X, au préfet de police et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.