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28/04/2004 | FRANCE | N°250390

France | France, Conseil d'État, 1ere et 6eme sous-sections reunies, 28 avril 2004, 250390


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 17 septembre 2002 et 17 janvier 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE AGA AB, dont le siège est S-181 81 à Lidingö, Suède, et la SOCIETE INO THERAPEUTICS, dont le siège est ... ; la SOCIETE AGA AB et la SOCIETE INO THERAPEUTICS demandent au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir les décisions n°s 589110.4, 589055.3, 589109.6, 589057.6 en date du 25 janvier 2002 par lesquelles le directeur général de l'agence française de sécurité sanitaire des produits de s

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Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 17 septembre 2002 et 17 janvier 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE AGA AB, dont le siège est S-181 81 à Lidingö, Suède, et la SOCIETE INO THERAPEUTICS, dont le siège est ... ; la SOCIETE AGA AB et la SOCIETE INO THERAPEUTICS demandent au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir les décisions n°s 589110.4, 589055.3, 589109.6, 589057.6 en date du 25 janvier 2002 par lesquelles le directeur général de l'agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) a délivré à la société Air liquide santé international, quatre autorisations de mise sur le marché de la spécialité pharmaceutique dénommée Kinox , sous différents conditionnements, ainsi que la décision du 17 juillet 2002 par laquelle l'agence française de sécurité sanitaire des produits de santé a rejeté leur demande tendant au retrait de ces décisions ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré présentée le 2 avril 2004 pour la société Air liquide santé international ;

Vu la note en délibéré présentée le 5 avril 2004 pour les SOCIETES AGA AB et SOCIETE INO THERAPEUTICS ;

Vu la directive du Parlement européen et du Conseil 2001/83/CE du 6 novembre 2001 instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu l'arrêté du ministre chargé de la santé du 9 décembre 1996 fixant les normes et protocoles applicables aux essais analytiques, aux essais toxicologiques et pharmacologiques ainsi qu'à la documentation clinique auxquels sont soumis les médicaments ou produits mentionnés à l'article L. 601 du code de la santé publique tel que modifié par l'arrêté du 3 mars 2000 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mlle Courrèges, Auditeur,

- les observations de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la SOCIETE AGA AB et de la SOCIETE INO THERAPEUTICS et de la SCP Vier, Barthélemy, avocat de la société Air liquide santé international,

- les conclusions de M. Devys, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par plusieurs décisions en date du 25 janvier 2002, le directeur général de l'agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) a, sur le fondement du 2 du c) du I de l'article R. 5133 du code de la santé publique, autorisé la mise sur le marché par la société Air liquide santé international des quatre spécialités pharmaceutiques Kinox 225 ppm mole/mole et Kinox 450 ppm mole/mole , gaz pour inhalation conditionné en bouteilles respectivement de 5 litres et de 20 litres et composé à partir du monoxyde d'azote (NO), le principe actif, et d'azote (N2), l'excipient ; que la SOCIETE AGA AB, titulaire d'une autorisation de mise sur le marché délivrée par la Commission européenne le 1er août 2001 pour la commercialisation de la spécialité pharmaceutique Inomax monoxyde d'azote - 400 ppm mole/mole - gaz d'inhalation - voie endotrachéopulmonaire - 10 litres - 1 bouteille , sous le numéro EU/1/01/194/001, et la SOCIETE INO THERAPEUTICS, responsable de la distribution de cette spécialité pharmaceutique en France, demandent l'annulation des autorisations de mise sur le marché délivrées par l'agence française de sécurité sanitaire des produits de santé pour les spécialités Kinox mentionnées ci-dessus ainsi que de la décision du 17 juillet 2002 par laquelle le directeur général de l'agence française de sécurité sanitaire des produits de santé a rejeté le recours gracieux qu'elles avaient formé contre ces décisions ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation des décisions du 25 janvier 2002 :

Considérant qu'aux termes des dispositions combinées des articles R. 5140 et R. 5135 du code de la santé publique, les décisions accordant une autorisation de mise sur le marché d'une spécialité pharmaceutique ne peuvent faire l'objet d'un recours contentieux qu'après l'exercice d'un recours gracieux ; que, compte tenu du caractère obligatoire de ce recours administratif préalable, la décision statuant sur ce recours se substitue à la décision administrative initiale ; qu'il en résulte que la décision du 17 juillet 2002 rejetant le recours gracieux des sociétés requérantes s'est substituée aux décisions du directeur général de l'agence française de sécurité sanitaire des produits de santé du 25 janvier 2002 ; que, dès lors, les conclusions présentées le 17 septembre 2002 et dirigées contre ces dernières décisions sont sans objet et donc irrecevables ;

Sur les conclusions dirigées contre la décision du 17 juillet 2002 rejetant le recours gracieux :

Considérant qu'en vertu des dispositions combinées des articles R. 5128 et R. 5129 du code de la santé publique, les demandes d'autorisation de mise sur le marché d'un médicament doivent être accompagnées d'un dossier comportant notamment les comptes rendus des expertises analytiques, pharmacologiques, toxicologiques et cliniques ; qu'aux termes du I de l'article R. 5133 du même code : Par dérogation aux dispositions des articles R. 5128 et R. 5129 : (...) / c) le demandeur n'est pas tenu de fournir les résultats des essais pharmacologiques et toxicologiques ni les résultats des essais cliniques s'il peut démontrer : (...)/2. soit, par référence détaillée à la littérature scientifique publiée, que le ou les composants de la spécialité pharmaceutique sont d'un usage médical bien établi et présentent une efficacité reconnue, ainsi qu'un niveau acceptable de sécurité ; (...) ; que le paragraphe I bis Usage médical bien établi de l'arrêté du 9 décembre 1996, dans sa rédaction issue de l'arrêté du 3 mars 2000, définit les facteurs à prendre en considération aux fins de démontrer, pour l'application des dispositions précitées de l'article R. 5133 du code de la santé publique, que les constituants d'un médicament ont un usage bien établi, parmi lesquels figure la durée d'utilisation d'une substance, en précisant que le laps de temps nécessaire pour démontrer que l'usage médical d'un constituant d'un médicament est bien établi ne peut, en tout état de cause, pas être inférieur à dix ans comptés à partir de la première application systématique et documentée de cette substance en tant que spécialité pharmaceutique à l'intérieur de l'Union européenne ;

Considérant que, pour justifier du recours à la procédure documentaire à l'occasion des demandes d'autorisation de mise sur le marché du Kinox présentées en décembre 1999 par la société Air liquide santé international, l'agence française de sécurité sanitaire des produits de santé et cette société font état d'une expérience d'administration de NO par inhalation à sept patients dans le cadre des travaux du professeur Tim X..., qui a fait l'objet d'une communication au congrès annuel de la société thoracique américaine en mai 1988 ainsi que de plusieurs articles publiés au cours des années suivantes, dont l'un d'eux indique qu'il s'agit de la première étude clinique démontrant les effets vasodilatateurs spécifiques à la circulation pulmonaire du NO , et dont les résultats ont été confirmés par une publication de 1991 du professeur Y... à la suite d'une nouvelle expérimentation sur dix-huit patients ; que, toutefois, ces expériences, pas plus que la référence générale à l'usage presque centenaire des dérivés nitrés , à la connaissance ancienne que l'on pouvait avoir de leurs effets sur la circulation et de leur toxicité ou encore au fait que le NO a été consacrée molécule de l'année en 1992, ne constituent une utilisation systématique et documentée du monoxyde d'azote en qualité de spécialité pharmaceutique au sens des dispositions précitées de l'arrêté du 9 décembre 1996 ; que si la prescription de la spécialité Kinox à plus de 5 000 patients par an entre 1996 et 2001, dans le cadre d'autorisations temporaires d'utilisation délivrées en application de l'article L. 5121-2 du code de la santé publique, peut, en revanche, être regardée comme une utilisation systématique et documentée du monoxyde d'azode, la durée d'utilisation ainsi couverte est inférieure à dix ans ; que, dans ces conditions, le monoxyde d'azote ne constituait pas, à la date de demande des autorisations de mise sur le marché, un composant dont l'usage médical était bien établi et les spécialités pharmaceutiques Kinox constituées à partir de ce composant ne pouvaient, dès lors, se voir délivrer une autorisation de mise sur le marché selon la procédure abrégée dite bibliographique prévue par le 2 du c) du I de l'article R. 5133 du code de la santé publique ; qu'il est constant que les dossiers au vu desquels l'agence française de sécurité sanitaire des produits de santé a délivré les autorisations de mise sur le marché contestées ne répondaient pas aux exigences posées par l'article R. 5129 du code de la santé publique pour la délivrance d'autorisations de mise sur le marché selon la procédure dite normale ; que, par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, la SOCIETE AGA AB et la SOCIETE INO THERAPEUTICS sont fondées à demander l'annulation de la décision du 17 juillet 2002 du directeur général de l'agence française de sécurité sanitaire des produits de santé rejetant le recours gracieux formé contre les autorisations de mise sur le marché délivrées à la société Air liquide santé international pour la spécialité Kinox ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le paiement d'une somme soit mis à la charge de la SOCIETE AGA AB et de la SOCIETE INO THERAPEUTICS, qui ne sont pas les parties perdantes ;

D E C I D E :

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Article 1er : La décision du 17 juillet 2002 du directeur général de l'agence française de sécurité sanitaire des produits de santé est annulée.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 3 : Les conclusions présentées par la société Air liquide santé international au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE AGA AB, à la SOCIETE INO THERAPEUTICS, à l'agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, à la société Air liquide santé international et au ministre de la santé et de la protection sociale.


Synthèse
Formation : 1ere et 6eme sous-sections reunies
Numéro d'arrêt : 250390
Date de la décision : 28/04/2004
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

61-04-01-01 SANTÉ PUBLIQUE - PHARMACIE - PRODUITS PHARMACEUTIQUES - AUTORISATIONS DE MISE SUR LE MARCHÉ - OCTROI SELON LA PROCÉDURE ABRÉGÉE DITE BIBLIOGRAPHIQUE (ART. R. 5133, C, 2 DU CODE DE LA SANTÉ PUBLIQUE) - CONDITION - COMPOSANT DONT L'USAGE MÉDICAL EST BIEN ÉTABLI - ABSENCE EN L'ESPÈCE.

61-04-01-01 Le demandeur d'une autorisation de mise sur le marché d'une spécialité pharmaceutique peut être dispensé, en vertu des dispositions du 2 du c) de l'article R. 5133 du code de la santé publique, de fournir les résultats de certains essais lorsqu'il peut démontrer que le ou les composants de la spécialité qu'il souhaite commercialiser sont, notamment, d'un usage médical bien établi. Les éléments permettant d'apprécier qu'un usage médical est bien établi sont définis par l'arrêté du 9 décembre 1996. Pour justifier le recours à cette procédure abrégée à l'occasion de l'examen de demandes d'autorisation de mise sur le marché de spécialités pharmaceutiques dont le composant est le monoxyde d'azote, l'agence française de sécurité sanitaire des produits de santé et la société qui produit les spécialités font état d'une expérience d'administration de ce composant à sept patients, confirmée par une nouvelle expérimentation sur dix-huit patients. Toutefois, ces expériences, pas plus que la référence générale à l'usage presque centenaire des dérivés nitrés, à la connaissance ancienne que l'on pouvait avoir de leurs effets et de leur toxicité ou encore au fait que le monoxyde d'azote a été consacré molécule de l'année en 1992, ne constituent une utilisation systématique et documentée du monoxyde d'azote en qualité de spécialité pharmaceutique au sens des dispositions de l'arrêté du 9 décembre 1996.... ...La prescription de la spécialité à plus de 5000 patients peut en revanche être regardée comme une utilisation systématique et documentée du monoxyde d'azote mais la période d'utilisation est inférieure à dix ans et ne répond donc pas à l'une des autres conditions posées par l'arrêté du 9 décembre 1996.


Références :



Publications
Proposition de citation : CE, 28 avr. 2004, n° 250390
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Lasserre
Rapporteur ?: Mlle Anne Courrèges
Rapporteur public ?: M. Devys
Avocat(s) : SCP VIER, BARTHELEMY ; SCP PIWNICA, MOLINIE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2004:250390.20040428
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