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28/04/2004 | FRANCE | N°251396

France | France, Conseil d'État, 10eme et 9eme sous-sections reunies, 28 avril 2004, 251396


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 4 novembre 2002 et 5 mars 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. et Mme Fernand X, demeurant ... ; M. et Mme X demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt en date 7 août 2002 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté leur demande d'annulation du jugement du 22 juin 2000 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à l'annulation des deux décisions du 25 octobre 1996 du président de la Commission nationale de l'infor

matique et des libertés leur faisant savoir, en réponse à leur deman...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 4 novembre 2002 et 5 mars 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. et Mme Fernand X, demeurant ... ; M. et Mme X demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt en date 7 août 2002 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté leur demande d'annulation du jugement du 22 juin 2000 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à l'annulation des deux décisions du 25 octobre 1996 du président de la Commission nationale de l'informatique et des libertés leur faisant savoir, en réponse à leur demande de communication des informations les concernant contenues dans les fichiers des services des renseignements généraux, que l'un des membres de cette commission avait procédé aux vérifications prévues à l'article 39 de la loi du 6 janvier 1978, relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés et que la procédure devant la commission était désormais terminée ;

2°) d'annuler les décisions du 25 octobre 1996 de la Commission nationale de l'informatique et des libertés ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés ;

Vu le décret n° 91-1051 du 14 octobre 1991 portant application aux fichiers informatisés, manuels ou mécanographiques gérés par les services des renseignements généraux ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mlle Herry, Auditeur,

- les observations de la SCP Bachellier, Potier de la Varde, avocat de M. et Mme ;

- les conclusions de Mme Boissard, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. et Mme X ont saisi la Commission nationale de l'informatique et des libertés d'une demande tendant à ce que leur soient communiquées les informations les concernant contenues dans les fichiers des services des renseignements généraux, que les mentions inexactes ou contraires aux limites prévues par la loi soient modifiées et que la Commission nationale de l'informatique et des libertés engage des poursuites pénales pour toutes les infractions qu'elle pourrait constater ; que, par deux lettres en date du 25 octobre 1996, le président de cette commission les a informés que l'un des membres de la commission chargé de l'exercice du droit d'accès avait procédé aux vérifications demandées en application des dispositions de l'article 39 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés et du décret du 14 octobre 1991 relatif aux fichiers des renseignements généraux et que la procédure auprès de la commission était terminée ; que M. et Mme X ont contesté ces décisions de refus de communication du ministre de l'intérieur, révélées par les lettres du 25 octobre 1996 devant le tribunal administratif de Paris ; que celui-ci a rejeté ces demandes par un jugement en date du 22 juin 2000 ; que M. et Mme X demandent l'annulation de l'arrêt en date du 7 août 2002 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a confirmé le jugement du tribunal administratif de Paris ;

Considérant qu'aux termes de l'article 36 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés : Le titulaire du droit d'accès peut exiger que soient rectifiées, complétées, clarifiées, mises à jour ou effacées les informations le concernant et qui sont inexactes, incomplètes, équivoques, périmées ou dont la collecte, ou l'utilisation, la communication ou la conservation est interdite ; qu'aux termes de l'article 39 de la même loi, dans sa rédaction alors en vigueur : En ce qui concerne les traitements intéressant la sûreté de l'Etat, la défense et la sécurité publique, la demande est adressée à la Commission qui désigne l'un de ses membres appartenant ou ayant appartenu au Conseil d'Etat, à la Cour de cassation ou à la Cour des comptes pour mener toutes investigations utiles et faire procéder aux modifications nécessaires. Celui-ci peut se faire assister d'un agent de la commission. Il est notifié au requérant qu'il a été procédé aux vérifications ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1er du décret du 14 octobre 1991 portant application aux fichiers informatisés, manuels ou mécanographiques gérés par les services des renseignements généraux des dispositions de l'article 31, alinéa 3, de la loi du 6 janvier 1978 : L'interdiction résultant des articles 31 et 45 de la loi du 6 janvier 1978 susvisée de mettre ou conserver en mémoire des données nominatives qui font apparaître, directement ou indirectement, les origines raciales ou les opinions politiques, philosophiques ou religieuses ainsi que les appartenances syndicales des personnes, est applicable aux services des renseignements généraux ; qu'aux termes de l'article 2 de ce même décret : Par dérogation aux dispositions de l'article 1er, sont autorisés, pour les seules fins et dans le strict respect des conditions définies aux articles 3 à 6 du présent décret, la collecte, la conservation et le traitement dans les fichiers des services des renseignements généraux d'informations nominatives relatives aux personnes majeures qui font apparaître : - les signes physiques particuliers, objectifs et inaltérables, comme éléments de signalement dans les seuls cas visés par le 1° de l'article 3 ; - les activités politiques, philosophiques, religieuses ou syndicales ; qu'aux termes de l'article 3 de ce même décret : Les informations mentionnées à l'article 2 ne pourront être collectées, conservées et traitées dans les fichiers des renseignements généraux, à l'exclusion de toute autre finalité, que dans les cas suivants : 1° Lorsqu'elles concernent des personnes qui peuvent, en raison de leur activité individuelle ou collective, porter atteinte à la sûreté de l'Etat ou à la sécurité publique, par le recours ou le soutien actif apporté à la violence ainsi que les personnes entretenant ou ayant entretenu des relations directes et non fortuites avec celles-ci ; 2° Lorsque ces informations concernent des personnes ayant obtenu ou sollicitant une autorisation d'accès à des informations protégées en application du décret du 12 mai 1981 susvisé et qu'elles sont nécessaires pour apprécier la vulnérabilité de ces personnes à des pressions exercées par des personnes physiques ou morales susceptibles de porter atteinte à la sûreté de l'Etat ou à la sécurité publique (...) ; 3° Lorsque ces informations sont relatives à des personnes physiques ou morales qui ont sollicité, exercé ou exercent un mandat politique, syndical ou économique ou qui jouent un rôle politique, économique, social ou religieux significatif, sous condition que ces informations soient nécessaires pour donner au Gouvernement ou à ses représentants les moyens d'apprécier la situation politique, économique ou sociale et de prévoir son évolution ; qu'aux termes de l'article 7 de ce même décret : Le droit d'accès aux informations figurant dans les fichiers constitués par les services des renseignements généraux s'exerce auprès de la Commission nationale de l'informatique et des libertés. Le droit d'accès s'exerce conformément aux dispositions de l'article 39 de la loi du 6 janvier 1978. Toutefois, lorsque des informations sont enregistrées conformément aux finalités prévues au 2° ou au 3° de l'article 3, la Commission nationale de l'informatique et des libertés, en accord avec le ministre de l'intérieur, peut constater que ces informations ne mettent pas en cause la sûreté de l'Etat, la défense ou la sécurité publique et qu'il y a donc lieu de les communiquer à l'intéressé. Lorsque le requérant n'est pas connu du service des renseignements généraux, la Commission nationale de l'informatique et des libertés lui indique, avec l'accord du ministre de l'intérieur, qu'aucune information le concernant ne figure dans le fichier. Le ministre de l'intérieur peut s'opposer à la communication au requérant de tout ou partie des informations le concernant lorsque cette communication peut nuire à la sûreté de l'Etat, à la défense ou à la sécurité publique. Dans ce cas, la Commission nationale de l'informatique et des libertés informe le requérant qu'il a été procédé aux vérifications ;

Considérant qu'il résulte des dispositions précitées que les fichiers des renseignements généraux peuvent comprendre, d'une part, des informations intéressant la sûreté de l'Etat et la sécurité publique dont la communication à l'intéressé serait susceptible de mettre en cause les fins assignées à ce traitement et, d'autre part, des informations dont la communication ne mettrait pas en cause ces mêmes fins ; que, pour les premières, il incombe à la Commission nationale de l'informatique et des libertés, saisie par la personne visée par ces informations, de l'informer qu'il a été procédé aux vérifications nécessaires ; que, pour les autres, la Commission nationale de l'informatique et des libertés, saisie par cette personne, peut lui en donner communication, avec l'accord du ministre ;

Considérant que, pour estimer que le ministre était tenu de s'opposer à la communication directe des informations demandées par M. et Mme X, la cour administrative d'appel de Paris s'est bornée à relever que ces informations ont été collectées au titre des dispositions du 1° de l'article 3 du décret du 14 octobre 1991 relatives aux informations sur les personnes qui peuvent, en raison de leur activité individuelle ou collective, porter atteinte à la sûreté de l'Etat ou à la sécurité publique ; qu'en estimant que ce seul motif faisait obstacle à la communication des informations demandées, la cour a commis une erreur de droit ; que, par suite, M. et Mme X sont fondés à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

Considérant qu'en vertu de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que pour refuser globalement l'accès aux informations demandées à M. et Mme X, le ministre a estimé que la seule circonstance que celles-ci ont été collectées au titre du 1° de l'article 3 du décret du 14 octobre 1991 suffisait à faire obstacle à ce qu'elles soient communiquées directement aux intéressés sans chercher à distinguer les informations qui étaient communicables de celles qui ne l'étaient pas ; qu'il a ainsi entaché sa décision d'une erreur de droit ; que dès lors, M. et Mme X sont fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du ministre de l'intérieur, révélée par la lettre du 25 octobre 1996 ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat, qui a la qualité de partie perdante tant en appel que devant le juge de cassation, la somme de 2 000 euros que demandent M. et Mme X au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris en date du 7 août 2002, le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 22 juin 2000 et les décisions du ministre de l'intérieur, révélées par les lettres en date du 25 octobre 1996 du président de la Commission nationale de l'informatique et des libertés sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera à M. et Mme X la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme Fernand X, au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales et au président de la Commission nationale de l'informatique et des libertés.


Synthèse
Formation : 10eme et 9eme sous-sections reunies
Numéro d'arrêt : 251396
Date de la décision : 28/04/2004
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 28 avr. 2004, n° 251396
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Stirn
Rapporteur ?: Mlle Laurence Herry
Rapporteur public ?: Mme Boissard
Avocat(s) : SCP BACHELLIER, POTIER DE LA VARDE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2004:251396.20040428
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