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28/04/2004 | FRANCE | N°252621

France | France, Conseil d'État, 1ere et 6eme sous-sections reunies, 28 avril 2004, 252621


Vu la décision en date du 30 juin 2003 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a, sur la requête du PREFET DE POLICE, enregistrée sous le n° 252621 et tendant à ce que le Conseil d'Etat, d'une part, annule le jugement du 15 octobre 2002 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 27 février 2002 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Kamal X et, d'autre part, rejette la demande présentée par ce dernier devant le tribunal administratif, ordonné une expertise en vue d'apprécier la réalité et

l'importance des troubles invoqués par M. X, l'état d'avancement du...

Vu la décision en date du 30 juin 2003 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a, sur la requête du PREFET DE POLICE, enregistrée sous le n° 252621 et tendant à ce que le Conseil d'Etat, d'une part, annule le jugement du 15 octobre 2002 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 27 février 2002 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Kamal X et, d'autre part, rejette la demande présentée par ce dernier devant le tribunal administratif, ordonné une expertise en vue d'apprécier la réalité et l'importance des troubles invoqués par M. X, l'état d'avancement du traitement hormonal suivi, ainsi que la nature et la gravité des risques pour la santé de l'intéressé liés à une éventuelle interruption de ce traitement ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré présentée le 26 avril 2004, pour M. Boubkari ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mlle Courrèges, Auditeur,

- les conclusions de M. Devys, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par une décision en date du 30 juin 2003, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a ordonné, avant de se prononcer sur l'appel du PREFET DE POLICE dirigé contre un jugement du 15 octobre 2002 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris ayant annulé son arrêté du 27 février 2002 ordonnant, sur le fondement du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, la reconduite à la frontière de M. X au motif tiré des conséquences pour la santé de l'intéressé de l'exécution de cette mesure de reconduite, qu'il soit procédé, par un expert désigné par le président de la Section du contentieux du Conseil d'Etat, à une expertise en vue de déterminer la réalité et l'importance des troubles invoqués par M. X, l'état d'avancement du traitement hormonal suivi, ainsi que la nature et la gravité des risques pour la santé de l'intéressé liés à une éventuelle interruption de ce traitement ; que l'expert a déposé son rapport le 8 janvier 2004 ;

Sur la légalité de la mesure de reconduite :

Considérant que si M. X fait valoir qu'entré en France en décembre 1999, il suit depuis janvier 2000 une hormonothérapie féminisante préparatoire à une intervention chirurgicale, il ressort des pièces du dossier, et notamment des conclusions du rapport d'expertise, que la prise d'hormones par l'intéressé, initialement sans aucun suivi médical, ne correspondait pas à une indication thérapeutique mais à un choix personnel et que l'interruption de ce traitement, dont les effets sont en grande partie réversibles, est possible sur le plan physiologique ; que les différents documents produits doivent être regardés comme n'établissant pas que cette interruption pourrait entraîner pour M. X des conséquences, notamment psychologiques, d'une exceptionnelle gravité ; que, dans ces conditions et sans qu'il soit besoin d'ordonner la contre-expertise sollicitée par M. X, le PREFET DE POLICE n'a pas méconnu les dispositions combinées du 11° de l'article 12 bis et du 8° de l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ; que l'invocation des mauvais traitements auxquels la transformation physique de l'intéressé risquerait de l'exposer dans le pays de renvoi est sans incidence sur la légalité de la mesure de reconduite prise à son encontre ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE POLICE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris, faisant droit aux seuls moyens soulevés devant lui à l'encontre de la mesure de reconduite, a annulé l'arrêté du 27 février 2002 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :

Considérant qu'à l'encontre de cette décision rendant possible une reconduite à destination de l'Algérie, pays de résidence habituelle de M. X avant son entrée en France, l'intéressé, invoquant les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, fait valoir les mauvais traitements auxquels son mode de vie est susceptible de l'exposer personnellement, ainsi que les menaces sérieuses dont il a déjà fait l'objet, notamment de la part de sa propre famille ; que la réalité des risques invoqués en cas de retour en Algérie doit être regardée comme suffisamment établie par les pièces au dossier ; qu'en revanche, M. X n'apporte aucun élément de nature à établir l'existence de risques personnels en cas de reconduite à destination du Maroc, pays dont il a la nationalité ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE POLICE n'est pas fondé à se plaindre de ce que le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 27 février 2002 en tant qu'il permet l'exécution de la mesure de reconduite à destination de l'Algérie ; qu'en revanche, il est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat délégué a annulé son arrêté en tant qu'il fixe d'autres pays, dont le Maroc, comme destinations possibles de la reconduite à la frontière de M. X ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre les frais de l'expertise ordonnée par le Conseil d'Etat, pour moitié à la charge de l'Etat, pour moitié à la charge de M. X ;

D E C I D E :

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Article 1er : Le jugement du 15 octobre 2002 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris annulant l'arrêté du 27 février 2002 du PREFET DE POLICE décidant la reconduite à la frontière de M. X est annulé.

Article 2 : L'arrêté précité du 27 février 2002 est annulé en tant qu'il fixe l'Algérie comme pays de destination de la reconduite à la frontière.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la demande présentée par M. X devant le tribunal administratif de Paris est rejeté.

Article 4 : Les frais d'expertise sont mis, pour moitié, à la charge de l'Etat, pour moitié, à la charge de M. X.

Article 5 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE POLICE, à M. Kamal X et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.


Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

54-04-02-02-01 Procédure - Instruction - Moyens d'investigation - Expertise - Recours à l'expertise


Références :



Publications
Proposition de citation: CE, 28 avr. 2004, n° 252621
Mentionné aux tables du recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Lasserre
Rapporteur ?: Mlle Anne Courrèges
Rapporteur public ?: M. Devys

Origine de la décision
Formation : 1ere et 6eme sous-sections reunies
Date de la décision : 28/04/2004
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 252621
Numéro NOR : CETATEXT000008155006 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2004-04-28;252621 ?
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