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30/04/2004 | FRANCE | N°247436

France | France, Conseil d'État, 8eme et 3eme sous-sections reunies, 30 avril 2004, 247436


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 30 mai et 30 septembre 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Jean-Claude X, demeurant ... ; M. X demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 4 avril 2002 de la cour administrative d'appel de Nancy rejetant sa requête dirigée contre le jugement du 25 mars 1997 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant, d'une part, à la réduction des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des a

nnées 1988 à 1990, d'autre part, à la décharge du complément de taxe sur...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 30 mai et 30 septembre 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Jean-Claude X, demeurant ... ; M. X demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 4 avril 2002 de la cour administrative d'appel de Nancy rejetant sa requête dirigée contre le jugement du 25 mars 1997 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant, d'une part, à la réduction des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1988 à 1990, d'autre part, à la décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période courant du 1er janvier au 31 décembre 1988 ;

2°) statuant au fond, de lui accorder la réduction et la décharge sollicitées ;

3°) de condamner l'Etat à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Bereyziat, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Peignot, Garreau, avocat de M. X,

- les conclusions de M. Collin, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. X, exerçant la profession d'architecte et imposé à ce titre dans la catégorie des bénéfices non commerciaux selon le régime de la déclaration contrôlée prévu à l'article 99 du code général des impôts, a cédé au cours des années 1989 et 1990 les droits qu'il détenait dans deux sociétés civiles de construction-vente, dénommées respectivement Brulinber et Au Tulez, et avait inscrits au registre des immobilisations afférent à son activité professionnelle ; que M. X a, en premier lieu, déduit de la base de son imposition à l'impôt sur le revenu les honoraires versés en 1988 à un intermédiaire, à l'occasion des négociations précédant ces cessions, en deuxième lieu, déduit la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé ces frais de la base de son imposition à cette taxe au titre de la période courant du 1er janvier 1988 au 31 décembre 1988, en troisième et dernier lieu, déclaré dans la catégorie des bénéfices non commerciaux les plus-values engendrées par lesdites cessions ; que M. X a ultérieurement fait l'objet d'une vérification de sa comptabilité professionnelle, doublée d'un examen de sa situation fiscale personnelle, à l'issue desquels le vérificateur a estimé, entre autres chefs de redressement, que les parts sociales dont s'agit ne constituaient pas des éléments d'actif affectés à l'exercice par M. X de sa profession d'architecte et, par voie de conséquence, d'une part, que les plus-values nées de la cession de ces titres devaient être imposées selon les règles de droit commun prévues à l'article 150 A du code général des impôts, d'autre part, que ni les frais susmentionnés, ni la taxe les ayant grevés ne pouvaient être respectivement déduits des bases d'imposition de M. X à l'impôt sur le revenu et à la taxe sur la valeur ajoutée ; que sa réclamation ayant été rejetée sur ces points, M. X a saisi le tribunal administratif de Nancy d'une demande tendant à la décharge des droits complémentaires de taxe sur la valeur ajoutée et à la réduction, dans la limite des impositions établies du chef du redressement susmentionné, des suppléments d'impôt sur le revenu mis à sa charge au terme de ces contrôles ; qu'il se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 4 avril 2002 de la cour administrative d'appel de Nancy rejetant son appel dirigé contre le jugement du 25 mars 1997 par lequel le tribunal a rejeté cette demande ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du 1 de l'article 93 du code général des impôts, relatif aux bénéfices des professions non commerciales : Le bénéfice à retenir dans les bases de l'impôt sur le revenu est constitué par l'excédent des recettes totales sur les dépenses nécessitées par l'exercice de la profession (...). Il tient compte des gains ou pertes provenant (...) de la réalisation des éléments d'actif affectés à l'exercice de la profession (...) ; qu'en vertu de l'article 99 du même code, les contribuables soumis au régime de la déclaration contrôlée doivent tenir un document appuyé des pièces justificatives correspondantes, comportant la date d'acquisition ou de création et le prix de revient des éléments d'actif affectés à l'exercice de leur profession, le montant des amortissements effectués sur ces éléments, ainsi qu'éventuellement le prix et la date de cession de ces mêmes éléments ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions qu'il appartient au contribuable, lorsque celui-ci souhaite inclure dans la base de ses revenus imposables dans la catégorie des bénéfices non commerciaux les gains et pertes afférents à la détention d'un élément d'actif non affecté par nature à l'exercice de son activité non commerciale, de justifier, d'une part, que cet actif est inscrit au registre de ses immobilisations professionnelles, dans les conditions prévues à l'article 99 susmentionné, d'autre part, que cette détention est utile à l'exercice de ladite activité ;

Considérant que s'il n'est pas allégué que les parts que M. X avait acquises, à leur constitution, dans le capital des sociétés civiles de construction-vente dénommées Brulinber et Au Tulez, soit respectivement en juin 1986 et juin 1988, auraient été affectées par nature à l'exercice de sa profession d'architecte, il ressort en revanche des énonciations non contestées de l'arrêt attaqué que le contribuable a inscrit ces parts au registre de ses immobilisations professionnelles, à la date de leur acquisition ; qu'il ressort en outre des pièces du dossier soumis aux juges du fond, et n'est d'ailleurs pas contesté par l'administration, que l'exercice par M. X du pouvoir de contrôle attaché aux droits ainsi détenus dans ces sociétés, dont il était respectivement gérant et associé à hauteur de 50 p. 100 des parts, lui a permis d'être désigné comme architecte des opérations de construction commerciale engagées par ces sociétés ; qu'au demeurant, une fois cette désignation obtenue, et avant même l'exécution par M. X de ses prestations d'architecte, le contribuable a cédé la totalité des droits sociaux en cause ; qu'il suit de là qu'en se fondant, pour rejeter l'ensemble des conclusions en réduction et décharge dont elle était saisie, sur ce que lesdites parts sociales ne pouvaient être regardées comme utiles à l'exercice par le contribuable de sa profession non commerciale et, par suite, comme affectées à cet exercice, au sens et pour l'application de l'article 93-1 précité du code général des impôts, la cour a donné aux faits qui lui étaient soumis une qualification juridique inexacte ; que, pour ce motif, M. X est fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu pour le Conseil d'Etat de faire application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler l'affaire au fond ;

Considérant, en premier lieu, que, pour les motifs exposés ci-dessus, M. X doit être regardé comme justifiant, dans les circonstances de l'espèce et pour l'application de l'article 93-1 susmentionné, que les droits qu'il a acquis et détenus, entre 1986 et 1990, dans les deux sociétés civiles de construction-vente Brulinber et au Tulez ont été affectés, au cours de la période vérifiée et jusqu'à la date de leur cession, à l'exercice de sa profession d'architecte ;

Considérant, en second lieu, qu'en vertu du 6° de l'article 257 du code général des impôts, sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les opérations qui portent sur des immeubles, des fonds de commerce ou des actions ou parts de sociétés immobilières et dont les résultats doivent être compris dans les bases de l'impôt sur le revenu au titre des bénéfices industriels ou commerciaux ; que, par application des dispositions combinées des articles 8, 35-I et 239 ter I de ce code, les bénéfices réalisés par les sociétés civiles ayant pour objet la construction d'immeubles en vue de la vente et dont l'activité est conforme à cet objet sont soumis, entre les mains de leurs associés, à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux ; qu'enfin, en vertu de l'article 271 du même code, la taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions législatives, d'une part, qu'est soumise à la taxe sur la valeur ajoutée dans les conditions de droit commun la cession à titre onéreux, par un contribuable assujetti à cette taxe au titre d'une activité donnée, de parts de sociétés civiles de construction-vente affectées à l'exercice de cette activité, d'autre part, que la taxe ayant grevé l'opération d'entremise destinée à réaliser un telle cession est déductible de la taxe collectée par l'assujetti dans l'exercice de son activité ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X est fondé à soutenir que c'est à tort que, par son jugement du 25 mars 1997, le tribunal administratif de Nancy a écarté les moyens par lesquels le contribuable soutenait, d'une part, que les plus-values nées de la cession à titre onéreux des parts qu'il détenait dans les sociétés civiles de construction-vente susmentionnées, nettes des frais engagés en vue de cette cession, devaient être imposées selon les règles que l'article 93-1 du code général des impôts rend applicables à la réalisation, par le titulaire de bénéfices non commerciaux, des éléments d'actif affectés à l'exercice de sa profession, d'autre part, que ladite cession était soumise à la taxe sur la valeur ajoutée et que, par suite, la taxe ayant grevé les frais de négociation engagés en vue de sa réalisation pouvaient être légalement déduits de la taxe collectée par le contribuable au titre de son activité professionnelle ; qu'il y a lieu, dès lors, d'annuler ce jugement et, évoquant la demande présentée par M. X devant ce tribunal, d'accorder à l'intéressé, d'une part, la réduction sollicitée des suppléments d'impôt sur le revenu, assortis des intérêts de retard, auxquels M. X a été assujetti au titre des années 1988 à 1990, d'autre part, la décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée, assorti des intérêts de retard, mis à sa charge au titre de la période courant du 1er janvier au 31 décembre 1988 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros que M. X demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt du 4 avril 2002 de la cour administrative d'appel de Nancy, ensemble le jugement du 25 mars 1997 du tribunal administratif de Nancy, sont annulés.

Article 2 : Les suppléments d'impôt sur le revenu, assortis des intérêts de retard, auxquels M. X a été assujetti au titre des années 1988 à 1990 sont réduits à concurrence des impositions établies du chef de la cession par l'intéressé des droits qu'il détenait dans les sociétés civiles de construction-vente dénommées Brulinber et Au Tulez et de l'engagement de frais de négociation en vue de la réalisation de cette cession.

Article 3 : M. X est déchargé des droits complémentaires de taxe sur la valeur ajoutée et des intérêts de retard mis à sa charge au titre de la période courant du 1er janvier au 31 décembre 1988.

Article 4 : L'Etat paiera à M. X la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Jean-Claude X et au ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Synthèse
Formation : 8eme et 3eme sous-sections reunies
Numéro d'arrêt : 247436
Date de la décision : 30/04/2004
Sens de l'arrêt : Décharge de l'imposition
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 30 avr. 2004, n° 247436
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Lasserre
Rapporteur ?: M. Frédéric Bereyziat
Rapporteur public ?: M. Collin
Avocat(s) : SCP PEIGNOT, GARREAU

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2004:247436.20040430
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