Vu la requête, enregistrée le 13 novembre 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mlle Ismahaine X, demeurant ... ; Mlle X demande au Conseil d'Etat :
1°) d'enjoindre au consul général de France à Alger de produire son entier dossier ;
2°) d'annuler la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 5 septembre 2002 rejetant son recours contre la décision du 27 mars 2002 du consul général de France à Alger lui refusant la délivrance d'un visa de long séjour sur le territoire français ;
3°) d'enjoindre au consul général de France à Alger de lui délivrer le visa sollicité sous une astreinte de 762 euros par jour de retard ;
4°) de condamner le consul général de France à Alger à lui verser la somme de 1 524 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le décret n° 2000-1993 du 10 novembre 2000 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Artaud-Macari, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mme de Silva, Commissaire du gouvernement ;
Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre des affaires étrangères :
Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 1er du décret du 10 novembre 2000 que la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France se substitue à celle de l'autorité diplomatique ou consulaire qui lui est déférée ; que, dans les termes où elle est rédigée, la requête de Mlle X doit être regardée comme dirigée contre la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, en date du 5 septembre 2002, rejetant son recours contre la décision du consul général de France à Alger du 27 mars 2002, lui refusant la délivrance d'un visa de long séjour ; que, par suite, la fin de non-recevoir opposée par le ministre des affaires étrangères et tirée de ce que la requête serait dirigée contre une décision qui a disparu ne peut qu'être écartée ;
Sur la légalité de la décision attaquée :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;
Considérant que, s'il est constant que Mlle X, célibataire et majeure, conserve certaines attaches en Algérie, où elle était hébergée par une cousine, il ressort des pièces du dossier que sa mère, venue travailler en France après le décès de son époux en 1982, ses grands-parents, qui ont assuré sa garde avant de venir s'établir en France en 1998, et sa soeur, entrée en France en 2000 dans le cadre du regroupement familial, résident tous régulièrement sur le territoire national ; que, dans les circonstances particulières de l'espèce, la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, fondée sur l'insuffisance des ressources de l'intéressée pour pouvoir bénéficier d'un titre de séjour visiteur, a porté une atteinte excessive au droit de Mlle X au respect de sa vie privée et familiale et méconnu ainsi les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que Mlle X est, par suite, et sans qu'il soit besoin d'ordonner la mesure d'instruction sollicitée, fondée à en demander l'annulation ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction sous astreinte :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une décision dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ; qu'eu égard aux motifs de la présente décision, et alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la situation de Mlle X se serait modifiée, en droit ou en fait, depuis l'intervention de la décision attaquée, l'exécution de celle-ci implique nécessairement la délivrance d'un visa de long séjour à l'intéressée ; que, par suite, il y a lieu pour le Conseil d'Etat de prescrire au ministre des affaires étrangères de faire délivrer à Mlle X un visa de long séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de décider que l'Etat versera à Mlle X la somme de 1 500 euros au titre des sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : La décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France en date du 5 septembre 2002 est annulée.
Article 2 : Il est enjoint au ministre des affaires étrangères de faire délivrer à Mlle X un visa de long séjour sur le territoire français dans le délai d'un mois suivant la notification de la présente décision.
Article 3 : L'Etat versera à Mlle X la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mlle Ismahaine X et au ministre des affaires étrangères.