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03/05/2004 | FRANCE | N°249210

France | France, Conseil d'État, 3eme et 8eme sous-sections reunies, 03 mai 2004, 249210


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 31 juillet 2002 et 2 décembre 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Jean Y, demeurant ... ; M. Y demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler sans renvoi l'arrêt du 23 mai 2002 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation du jugement du 25 juin 1998 du tribunal administratif de Toulouse ayant rejeté sa demande de condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 1 500 000 F ;

2°) réglant l'affaire au fond, de condamner l'Etat

à lui verser une indemnité de 230 000 euros, avec intérêts à compter de la...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 31 juillet 2002 et 2 décembre 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Jean Y, demeurant ... ; M. Y demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler sans renvoi l'arrêt du 23 mai 2002 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation du jugement du 25 juin 1998 du tribunal administratif de Toulouse ayant rejeté sa demande de condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 1 500 000 F ;

2°) réglant l'affaire au fond, de condamner l'Etat à lui verser une indemnité de 230 000 euros, avec intérêts à compter de la demande préalable en date du 10 octobre 1995 et capitalisation des intérêts ;

3°) de condamner l'Etat à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré présentée pour M. Y ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Tiberghien, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Bachellier, Potier de la Varde, avocat de M. Jean Y,

- les conclusions de M. Glaser, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que devant la cour administrative d'appel de Bordeaux M. Y a demandé que l'Etat l'indemnise des préjudices de toute nature résultant des conditions dans lesquelles le préfet du Lot a mis fin à ses fonctions de chef de bureau des collectivités locales à la préfecture du Lot, le 25 octobre 1984, puis l'a remis à la disposition du département du Lot le 27 février 1985 et enfin, l'a fait interner dans un hôpital psychiatrique le 18 mars 1985 ;

Considérant qu'en se fondant sur la circonstance que M. Y, mis à la disposition de l'Etat par le département du Lot, ne tenait ni de la convention de mise à disposition conclue le 24 mars 1982 ni de la loi du 2 mars 1982 aucun droit acquis au maintien dans ses fonctions ni, par suite, aucun droit à indemnisation, sans examiner si le préfet avait commis, en prenant les trois décisions litigieuses, des illégalités de nature à ouvrir droit à réparation et porté préjudice à l'intéressé en interrompant sa carrière, la cour administrative d'appel a omis de statuer sur les moyens dont elle était saisie ; que le requérant est dès lors fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

Considérant qu'en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;

Sur la mutation d'office décidée le 25 octobre 1984 :

Considérant que M. Y, qui occupait les fonctions de chef du bureau des collectivités locales à la préfecture du Lot et, à temps partiel, celles de secrétaire administratif de l'Entente interdépartementale de la vallée du Lot, a fait l'objet le 25 octobre 1984 d'une mutation d'office auprès de l'Architecte des Bâtiments de France chef du service départemental de l'architecture à compter du 29 octobre au motif qu'il bloquait les dossiers de l'entente et avait manqué au devoir de réserve ;

Considérant d'une part, que par lettre du 18 octobre 1984, dont l'intéressé a accusé réception le 21 octobre, le préfet du Lot a communiqué à M. Y les griefs retenus à son encontre et lui a indiqué qu'il avait l'intention de revoir son affectation ; qu'ainsi l'intéressé a été mis en mesure de demander la communication de son dossier ;

Considérant d'autre part que l'atteinte portée au bon fonctionnement de l'entente interdépartementale et les manquements au devoir de réserve commis par M. Y étaient de nature à justifier la mutation d'office critiquée ; que M. Y n'est par suite pas fondé à soutenir que cette mesure prise en considération de sa personne était illégale ;

Sur la remise à disposition du département du Lot décidée le 27 février 1985 :

Considérant que M. Y, placé en congé de maladie du 16 octobre 1984 jusqu'au 12 février 1985, n'a pas rejoint à l'issue de ce congé sa nouvelle affectation auprès de l'Architecte des Bâtiments de France ; que par lettre du 19 février 1985 le secrétaire général de la préfecture, après avoir rappelé à l'intéressé qu'il aurait dû reprendre son service le 13 février, a informé l'intéressé de ce que faute de rejoindre sa nouvelle affectation, il serait remis à la disposition du département ;

Considérant d'une part, que la mesure par laquelle l'administration a tiré les conséquences du refus par le requérant de rejoindre sa nouvelle affectation présentait le caractère d'une mesure prise en considération de la personne ; que l'intéressé ayant été informé de ce qu'il serait remis à la disposition du département du Lot faute pour lui de rejoindre sa nouvelle affectation, le moyen tiré de ce qu'il n'aurait pas été mis en mesure de demander la communication de son dossier manque en fait ;

Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction, et notamment de l'examen médical auquel il a été procédé au domicile du requérant le 15 février 1985, que l'arrêt de travail dont il a bénéficié était justifié pour la période allant du 25 octobre 1984 au 12 février 1985 mais que rien ne s'opposait à ce que l'intéressé reprenne son activité à l'issue de cette période ; que la décision du 20 mai 1985, postérieure à la décision du 27 février 1985 ayant remis le requérant à la disposition du département du Lot, par laquelle le président du conseil général a placé l'intéressé en congé de longue durée avec effet rétroactif au 15 février 1985 ne constitue pas, dans les circonstances de l'espèce, une justification valable à l'absence de reprise d'activité à compter du 13 février 1985 et est dépourvue d'influence sur la légalité de la décision du 27 février 1985 ; qu'ainsi le moyen tiré par le requérant de ce qu'il se trouvait toujours placé en congé de maladie le 27 février 1985 manque en fait ;

Sur l'internement d'office décidé les 18 et 19 mars 1985 :

Considérant que le requérant demande réparation à l'Etat des préjudices de toute nature résultant des conditions illégales dans lesquelles le préfet du Lot a fait procéder à son arrestation et à son internement d'office par deux arrêtés pris les 18 et 19 mars 1985 sur le fondement de l'article L. 343 du code de la santé publique ; que ces conclusions, qui relèvent de la compétence de l'autorité judiciaire, sont portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. Y n'est pas fondé à se plaindre de ce que le tribunal administratif de Toulouse a, par le jugement du 25 juin 1998, rejeté sa requête ;

Sur les conclusions tendant à la condamnation du département du Lot :

Considérant que ces conclusions sont nouvelles en appel et par suite irrecevables ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance la partie perdante, la somme que M. demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux en date du 23 mai 2002 est annulé.

Article 2 : La requête présentée par M. Y devant la cour administrative d'appel de Bordeaux et le surplus des conclusions de sa requête devant le Conseil d'Etat sont rejetés.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Jean Y et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.


Synthèse
Formation : 3eme et 8eme sous-sections reunies
Numéro d'arrêt : 249210
Date de la décision : 03/05/2004
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 03 mai. 2004, n° 249210
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin Laprade
Rapporteur ?: M. Gilles Bardou
Rapporteur public ?: M. Glaser
Avocat(s) : SCP BACHELLIER, POTIER DE LA VARDE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2004:249210.20040503
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