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03/05/2004 | FRANCE | N°261292

France | France, Conseil d'État, President de la section du contentieux, 03 mai 2004, 261292


Vu la requête sommaire et le mémoire ampliatif, enregistrés les 24 octobre et 19 décembre 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Naguib A et Mme Nahima B, épouse A, demeurant ... ; M. et Mme A demandent au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 16 avril 2003 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande tendant à l'annulation de deux arrêtés du 28 mars 2003 par lesquels le préfet de la Savoie a décidé leur reconduite à la

frontière et fixé le pays à destination duquel ils seront reconduits ;

2°...

Vu la requête sommaire et le mémoire ampliatif, enregistrés les 24 octobre et 19 décembre 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Naguib A et Mme Nahima B, épouse A, demeurant ... ; M. et Mme A demandent au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 16 avril 2003 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande tendant à l'annulation de deux arrêtés du 28 mars 2003 par lesquels le préfet de la Savoie a décidé leur reconduite à la frontière et fixé le pays à destination duquel ils seront reconduits ;

2°) d'annuler ces arrêtés ;

3°) de condamner l'Etat au versement de la somme de 2 200 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- les observations de la SCP de Chaisemartin, Courjon, avocat de M. A et de Mme B épouse A,

- les conclusions de M. Goulard, Commissaire du gouvernement ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

Considérant qu'aux termes du jugement attaqué le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Grenoble a estimé que le seul fait établi par Mme B, épouse A, pour soutenir qu'elle est de nationalité française, est sa naissance le 20 août 1959 à Saint-Etienne ; qu'il ressort toutefois du mémoire présenté devant ce tribunal par Mme B, épouse A, que celle-ci soutenait également que sa nationalité française était établie par le fait qu'elle avait obtenu un passeport français et une carte nationale d'identité française ; qu'ainsi Mme B, épouse A, est fondée à soutenir que le jugement en cause n'était pas suffisamment motivé et à en demander pour ce motif l'annulation ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de M. et Mme A devant le tribunal administratif de Grenoble ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. et Mme A, de nationalité algérienne, se sont maintenus sur le territoire français plus d'un mois après la notification des décisions du préfet de la Savoie du 14 novembre 2002 et du 9 décembre 2002 leur refusant la délivrance d'un titre de séjour et les invitant à quitter le territoire ; qu'ils entraient ainsi dans le champ d'application de la disposition précitée ;

Considérant que les circonstances, d'une part qu'un passeport français et une carte nationale d'identité française aient été délivrés par erreur, respectivement le 7 septembre 1999 et le 25 octobre 2001, à Mme B, épouse A, et que celle-ci ait d'ailleurs de bonne grâce restitué ces documents le 15 octobre 2002 à la demande des autorités françaises, et d'autre part que Mme B, épouse A, soit née en France le 20 août 1959, ne sont pas de nature à faire naître une difficulté sérieuse sur l'appréciation de la nationalité de la requérante, de nature à ce que le juge administratif doive saisir le juge judiciaire d'une question préjudicielle à ce sujet ; qu'il ressort en effet clairement des pièces du dossier que les parents de Mme B, épouse A, nés avant le 3 juillet 1962 en Algérie, n'ont pas souscrit de déclaration de reconnaissance de la nationalité française et que la nationalité française n'a jamais été reconnue à Mme B, épouse A ; que par suite Mme B, épouse A, ne saurait se prévaloir de la nationalité française ;

Considérant que si M. et Mme A soutiennent qu'ils résident en France avec deux de leurs enfants scolarisés, il ressort des pièces du dossier que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment du fait que trois de leurs enfants résident encore en Algérie et que rien ne s'oppose à ce qu'ils emmènent avec eux leurs deux enfants qui sont auprès d'eux en France, les arrêtés du préfet de la Savoie en date du 28 mars 2003 n'ont pas porté à leur droit au respect d'une vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels ils ont été pris ; qu'ils n'ont ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur la légalité de la décision distincte fixant le pays de destination :

Considérant que si M. et Mme A soutiennent qu'ils craignent des poursuites et des traitements dégradants en cas de retour dans leur pays d'origine, ils ne fournissent aucune précision ni justification probante à l'appui de leurs allégations ; que, par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article 27 de l'ordonnance de 1945 modifiée doivent être écartés ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la demande de M. et Mme A devant le tribunal administratif de Grenoble ainsi que le surplus de leurs conclusions devant le Conseil d'Etat ne peuvent qu'être rejetés ;

Sur l'application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer au conseil de M. et Mme A la somme qu'il demande au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du 16 avril 2003 du tribunal administratif de Grenoble est annulé.

Article 2 : La demande de M. et Mme A devant le tribunal administratif de Grenoble et le surplus de leurs conclusions devant le Conseil d'Etat sont rejetés.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Naguib A, à Mme Nahima B épouse A, au préfet de la Savoie et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.


Synthèse
Formation : President de la section du contentieux
Numéro d'arrêt : 261292
Date de la décision : 03/05/2004
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 03 mai. 2004, n° 261292
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Stasse
Rapporteur public ?: M. Goulard
Avocat(s) : SCP DE CHAISEMARTIN, COURJON

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2004:261292.20040503
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