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10/05/2004 | FRANCE | N°241587

France | France, Conseil d'État, 6eme et 1ere sous-sections reunies, 10 mai 2004, 241587


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 3 janvier et 3 mai 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le CREDIT DU NORD dont le siège est ... ; le CREDIT DU NORD demande au Conseil d'État :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 1er octobre 2001, par laquelle le Conseil de discipline de la gestion financière lui a infligé un blâme et une sanction pécuniaire d'un million de francs (152 449 euros) sur le fondement des articles L. 632-2 et L. 623-4 du Code monétaire et financier ;

2°) de mettre à l

a charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de L. 761-1 du code de ju...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 3 janvier et 3 mai 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le CREDIT DU NORD dont le siège est ... ; le CREDIT DU NORD demande au Conseil d'État :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 1er octobre 2001, par laquelle le Conseil de discipline de la gestion financière lui a infligé un blâme et une sanction pécuniaire d'un million de francs (152 449 euros) sur le fondement des articles L. 632-2 et L. 623-4 du Code monétaire et financier ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le pacte international relatif aux droits civils et politiques ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code monétaire et financier ;

Vu le décret du 28 mars 1990 relatif au Conseil de discipline de la gestion financière ;

Vu le règlement n° 96-03 du 6 janvier 1997 de la Commission des opérations de bourse ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Henrard, Auditeur,

- les observations de la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat du CREDIT DU NORD, de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la banque Clément et de la SCP Baraduc, Duhamel, avocat de M. X... X,

- les conclusions de M. Guyomar, Commissaire du gouvernement ;

Sur les moyens relatifs à la procédure suivie devant le Conseil de discipline de la gestion financière :

Considérant qu'aucune disposition législative ou réglementaire ni aucun principe général du droit ne prévoient que les décisions du Conseil de discipline de la gestion financière, qui n'est pas une juridiction, portent mention de sa composition ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que les moyens tirés de ce que le quorum de sept membres prévu par l'article 1er du décret du 28 mars 1990 relatif au Conseil de discipline de la gestion financière n'aurait pas été atteint et de ce que le Conseil aurait été irrégulièrement composé, manquent en fait ;

Considérant que le 5ème alinéa de l'article 6 du même décret, qui dispose que la décision est prise en la seule présence du président, des membres, du secrétaire du Conseil et du commissaire du Gouvernement , n'a pour effet d'interdire ni la présence, ni la participation au délibéré du rapporteur, dont l'article 4 du décret prévoit qu'il est désigné par le président parmi les membres du Conseil ; qu'au surplus, il résulte de l'instruction que le rapporteur de l'affaire a assisté au délibéré du 1er octobre 2001 sans y prendre part ; que, par suite, le CREDIT DU NORD n'est pas fondé à soutenir que l'assistance et la participation du rapporteur au délibéré auraient méconnu l'article 6 du décret du 28 mars 1990 et ainsi entaché d'illégalité la décision attaquée ;

Considérant que l'exigence de signature par le président, le rapporteur et le secrétaire du Conseil de discipline de la gestion financière, formulée au 5ème alinéa de l'article 6 du décret cité, porte sur le seul procès-verbal de la séance ; que, par suite, le CREDIT DU NORD n'est pas fondé à soutenir que l'absence de signature par le rapporteur de la décision attaquée méconnaît ces dispositions ;

Considérant que les autorités administratives investies par la loi d'un pouvoir de sanction et qui doivent, eu égard à leur nature, leur composition et leurs attributions être regardées comme des tribunaux au sens de l'article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et comme décidant du bien-fondé d'accusations en matière pénale au sens du même article, doivent offrir toutes les garanties d'impartialité que prévoient ces stipulations ; que toutefois l'examen devant le Conseil d'Etat d'un recours de plein contentieux assure le respect des garanties de l'article 6§1 de la convention et notamment celui de la publicité de l'audience ; que, par suite, alors même que le Conseil de discipline de la gestion financière doit être regardé comme un tribunal au sens de l'article 6§1 de la convention et comme décidant au bien-fondé d'accusation en matière pénale lorsqu'il exerce le pouvoir disciplinaire que lui confèrent les articles L. 623-2 à L. 623-4 du code monétaire et financier, le CREDIT DU NORD n'est pas fondé à soutenir que les stipulations de l'article 6§1 auraient été méconnues du fait du caractère non public de la séance à l'issue de laquelle le Conseil a prononcé à son encontre la sanction attaquée ;

Sur la compétence du Conseil de discipline de la gestion financière pour prendre à l'encontre du CREDIT DU NORD la sanction attaquée :

Considérant que le dernier alinéa de l'article 1er du règlement n° 96-03 de la commission des opérations de bourse prévoit l'application de plusieurs des dispositions de ce texte, au nombre desquelles l'article 2 au titre duquel le CREDIT DU NORD fait l'objet de la sanction attaquée, aux dirigeants des sociétés prestataires de services d'investissement qui gèrent, à titre principal ou accessoire, des portefeuilles pour le compte de tiers ; que cette disposition vise les dirigeants tant de droit que de fait ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que le CREDIT DU NORD, actionnaire de référence de la banque Clément, possédait une minorité de blocage au sein du conseil d'administration de Verveine, holding détenant la totalité du capital de la banque ; que le CREDIT DU NORD exerçait à l'égard de la banque Clément un pouvoir d'inspection ayant notamment donné lieu, au mois de janvier 1997, à un rapport soulignant l'ampleur des risques encourus par les clients dont la banque gérait les portefeuilles de titres ; qu'à compter du mois d'avril 1997 le CREDIT DU NORD a détaché auprès de la banque Clément un de ses salariés, particulièrement chargé, en qualité de directeur général, du suivi des opérations sur les marchés à terme ; que le CREDIT DU NORD assurait la gestion, pour le compte de la banque Clément, de l'ensemble des opérations effectuées sur le marché des options négociables de Paris (MONEP) et notamment la tenue des comptes de ses clients ; que son intervention en qualité de compensateur conditionnait l'existence même des opérations de la banque Clément sur le MONEP ; qu'il résulte également de l'instruction, notamment du rapport d'inspection de la commission des opérations de bourse, que le CREDIT DU NORD a pris une part active à la gestion du portefeuille des clients de la banque Clément et que les principes et modalités d'intervention de celle-ci sur le MONEP ont été définis, durant l'année 1997, en concertation avec le CREDIT DU NORD ; qu'ainsi, au cours de la période considérée, le CREDIT DU NORD contribuait à la définition des choix stratégiques de la banque Clément, particulièrement ceux portant sur les marchés à terme et assurait donc un rôle dirigeant au sens de l'article 1er du règlement n° 96-03 de la Commission des opérations de bourse ; que, par suite, le CREDIT DU NORD n'est pas fondé à soutenir que l'article 2 de ce règlement ne lui était pas applicable et que le Conseil de discipline de la gestion financière n'aurait donc pas eu compétence pour prendre à son encontre la sanction attaquée ;

Sur les moyens tirés de l'illégalité du cumul de deux sanctions administratives au titre des mêmes manquements :

Considérant que les dispositions de l'article L. 623-4 du code monétaire et financier en vertu desquelles le Conseil de discipline de la gestion financière peut, d'une part, infliger un avertissement, un blâme et une interdiction d'exercer à titre temporaire ou définitif de tout ou partie des activités, d'autre part, prononcer également des sanctions pécuniaires, ne méconnaissent en rien les stipulations de l'article 4 du 7ème protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales aux termes desquelles Nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement par des juridictions du même Etat en raison d'une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de cet Etat ; qu'elles ne sont pas davantage incompatibles avec les stipulations du paragraphe 7 de l'article 14 du pacte international relatif aux droits civils en réplique ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le CREDIT DU NORD n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du 1er octobre 2001 du Conseil de discipline de la gestion financière ; que ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent par voie de conséquence être rejetées ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête du CREDIT DU NORD est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée au CREDIT DU NORD, à M. X... X, à la banque Clément, à l'Autorité des marchés financiers et au ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Synthèse
Formation : 6eme et 1ere sous-sections reunies
Numéro d'arrêt : 241587
Date de la décision : 10/05/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

CAPITAUX - MONNAIE - BANQUES - CAPITAUX - OPÉRATIONS DE BOURSE - COMMISSION DES OPÉRATIONS DE BOURSE - RÈGLEMENT DU 6 JANVIER 1997 RELATIF AUX RÈGLES DE BONNE CONDUITE APPLICABLES AU SERVICE DE GESTION DE PORTEFEUILLE POUR LE COMPTE DE TIERS - ARTICLE 2 AYANT POUR OBJET LA PROTECTION DES CLIENTS - APPLICATION AUX DIRIGEANTS DE DROIT COMME DE FAIT DES SOCIÉTÉS PRESTATAIRES DE SERVICES D'INVESTISSEMENT GÉRANT DES PORTEFEUILLES POUR LE COMPTE DE TIERS.

13-01-02-01 Le dernier alinéa de l'article 1er du règlement du 6 janvier 1997 de la Commission des opérations de bourse relatif aux règles de bonne conduite applicables au service de gestion de portefeuille pour le compte de tiers prévoit l'application de plusieurs des dispositions de ce texte, et notamment de l'article 2 relatif à la protection des clients, aux dirigeants des sociétés prestataires de services d'investissement qui gèrent, à titre principal ou accessoire, des portefeuilles pour le compte de tiers. Cette disposition vise les dirigeants tant de droit que de fait.

DROITS CIVILS ET INDIVIDUELS - CONVENTION EUROPÉENNE DES DROITS DE L'HOMME - DROITS GARANTIS PAR LA CONVENTION - DROIT À UN PROCÈS ÉQUITABLE (ART 6) - CONSEIL DE DISCIPLINE DE LA GESTION FINANCIÈRE SIÉGEANT EN MATIÈRE DISCIPLINAIRE - ABSENCE DE PUBLICITÉ DES AUDIENCES - MÉCONNAISSANCE DU PRINCIPE D'IMPARTIALITÉ - ABSENCE - DÈS LORS QUE L'EXAMEN D'UN RECOURS DE PLEIN CONTENTIEUX DEVANT LE CONSEIL D'ETAT ASSURE LE RESPECT DU PRINCIPE DE PUBLICITÉ [RJ1].

26-055-01-06 Les autorités administratives investies par la loi d'un pouvoir de sanction et qui doivent, eu égard à leur nature, leur composition et leurs attributions être regardées comme des tribunaux au sens de l'article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et comme décidant du bien-fondé d'accusations en matière pénale au sens du même article, doivent offrir toutes les garanties d'impartialité que prévoient ces stipulations. Toutefois, l'examen devant le Conseil d'Etat d'un recours de plein contentieux assure le respect des garanties prévues par l'article 6§1 de la convention et notamment celui de la publicité de l'audience. Par suite, alors même que le Conseil de discipline de la gestion financière doit être regardé comme un tribunal au sens de l'article 6§1 de la convention et comme décidant du bien-fondé d'accusations en matière pénale lorsqu'il exerce le pouvoir disciplinaire que lui confèrent les articles L. 623-2 à L. 623-4 du code monétaire et financier, le caractère non public de la séance à l'issue de laquelle le Conseil prononce une sanction ne suffit pas à méconnaître les stipulations de l'article 6§1 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales.


Références :

[RJ1]

Cf. 31 mars 2004, Société Etna Finance et M. Parent, n° 243579, à mentionner aux tables.


Publications
Proposition de citation : CE, 10 mai. 2004, n° 241587
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Stirn
Rapporteur ?: M. Olivier Henrard
Rapporteur public ?: M. Guyomar
Avocat(s) : SCP BARADUC, DUHAMEL ; SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER ; SCP DELAPORTE, BRIARD, TRICHET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2004:241587.20040510
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