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10/05/2004 | FRANCE | N°241777

France | France, Conseil d'État, 6eme et 1ere sous-sections reunies, 10 mai 2004, 241777


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 8 janvier et 10 mai 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Henry X, domicilié ... ; M. Henry X demande au Conseil d'État d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 1er octobre 2001, par laquelle le Conseil de discipline de la gestion financière lui a infligé une interdiction définitive d'exercer une activité dans le domaine de la gestion pour compte de tiers et une sanction pécuniaire de 400 000 F (60 979,60 euros) ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la c

onvention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fon...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 8 janvier et 10 mai 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Henry X, domicilié ... ; M. Henry X demande au Conseil d'État d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 1er octobre 2001, par laquelle le Conseil de discipline de la gestion financière lui a infligé une interdiction définitive d'exercer une activité dans le domaine de la gestion pour compte de tiers et une sanction pécuniaire de 400 000 F (60 979,60 euros) ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code monétaire et financier ;

Vu l'ordonnance n° 67-833 du 27 septembre 1968 ;

Vu le décret du 28 mars 1990 relatif au Conseil de discipline de la gestion financière ;

Vu le règlement n° 96-03 du 6 janvier 1997 de la Commission des opérations de bourse ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Henrard, Auditeur,

- les observations de la SCP Baraduc, Duhamel, avocat de M. X, de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la Banque clément et de la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat du Crédit du nord,

- les conclusions de M. Guyomar, Commissaire du gouvernement ;

Sur les moyens tirés de la participation du rapporteur au délibéré :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que les moyens tirés de ce que le rapporteur aurait participé au délibéré manquent, en tout état de cause, en fait ;

Sur les moyens tirés de l'illégalité du règlement de la Commission des opérations de bourse n° 96-03 :

Considérant que l'article 4-1 de l'ordonnance du 28 septembre 1968 dispose : Pour l'exécution de sa mission, la Commission peut prendre des règlements concernant le fonctionnement des marchés placés sous son contrôle ou prescrivant des règles de pratique professionnelle qui s'imposent ... aux personnes qui, à raison de leur activité professionnelle, ... assurent la gestion individuelle ou collective de portefeuilles de titres ; qu'ainsi la Commission des opérations de bourse pouvait légalement inclure dans le champ d'application de certaines dispositions de son règlement n° 96-03, relatif aux règles de bonne conduite applicables au service de gestion de portefeuille pour le compte de tiers, les dirigeants des personnes morales gestionnaires pour le compte de tiers de portefeuilles de titres ; que, par suite, M. X n'est pas fondé à soutenir que la commission des opérations de bourse aurait, ce faisant, excédé les limites de la délégation consentie par l'ordonnance et entaché d'illégalité le règlement n° 96-03 ;

Sur les moyens tirés de la non-applicabilité aux dirigeants de sociétés des articles 9, 10, 11 et 12 du règlement n° 96-03 et de la non-rétroactivité des dispositions répressives :

Considérant, en premier lieu, que pour infliger à M. X la sanction attaquée, le Conseil de discipline de la gestion financière a fondé sa décision sur des manquements aux articles 2, 9, 10, 11, 12 et 23 du règlement ; que l'article 1er de celui-ci dispose que ses articles 2 à 7, 14 à 17 et 19 à 23 ... s'appliquent également aux dirigeants des sociétés gestionnaires pour le compte de tiers de portefeuilles de titres ; que, par suite, le Conseil de discipline de la gestion financière ne pouvait légalement fonder sa décision sur la méconnaissance par M. X des articles 9, 10, 11 et 12, mais seulement sur la violation des articles 2 et 23 ; que, toutefois, cette circonstance n'entache pas d'illégalité la décision contestée dès lors qu'il était reproché à M. X de ne pas avoir recherché avant tout l'intérêt de ses mandants, de ne pas les avoir suffisamment informés, notamment des risques courus et de ne pas avoir exercé ces activités avec l'intégrité et la transparence nécessaire, et que ces faits justifiaient à eux seuls la sanction prononcée ;

Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction que les manquements aux articles 2 et 23 sur lesquels s'est fondé le Conseil avaient commencé antérieurement à l'entrée en vigueur du règlement n° 96-03, homologué par un arrêté du ministre de l'économie et des finances publié le 22 janvier 1997 au Journal officiel ; que ces griefs sont matériellement exacts et de nature à entraîner une sanction disciplinaire en application des articles L. 623-2 à L. 623-4 du code monétaire et financier ; que si les manquements sur lesquels s'est fondé le Conseil de discipline de la gestion financière avaient commencé antérieurement à l'entrée en vigueur du règlement n° 96-03, il résulte de l'instruction qu'ils se sont poursuivis pendant tout le cours de l'année 1997 et qu'ils étaient de nature à justifier la sanction prononcée ; que, par suite, ce moyen doit être écarté ;

Sur le moyen tiré de la violation du principe de personnalité des peines :

Considérant qu'en méconnaissant les articles 2 et 23 du règlement cité, M. X a manqué aux obligations qui lui incombaient en qualité de président d'une société qui gère, à titre principal ou accessoire, des portefeuilles de titres pour le compte de tiers ; que la motivation de la décision attaquée mentionne explicitement sa qualité de président comme fondement de la sanction prise à son encontre ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée, en s'abstenant de préciser le rôle propre de M. X dans la commission des infractions reprochées à la banque Clément, aurait méconnu le principe de la personnalité des peines, doit être écarté ;

Sur les moyens relatifs à la méconnaissance des articles 2 et 23 du règlement n° 96-03 :

Considérant que l'article 2 du règlement n° 96-03 de la Commission des opérations de bourse dispose : Le prestataire doit promouvoir les intérêts de ses mandants ou des porteurs de parts ou d'actions des OPCVM gérés. A cet effet, il doit exercer ses activités dans le respect de l'intégrité, la transparence et la sécurité du marché./ La fréquence des opérations réalisées dans le cadre d'une gestion de portefeuille doit être motivée exclusivement par l'intérêt des mandants ou des porteurs de parts ou d'actions./ Le prestataire doit s'abstenir de toute initiative qui aurait pour objet de privilégier ses intérêts propres, ou ceux de ses actionnaires ou sociétaires, au détriment des intérêts de ses mandants ou des porteurs de parts ou d'actions ; que cette règle, qui a pour objet la protection des droits des clients et opérateurs et s'impose aux prestataires de services d'investissement qui gèrent, à titre principal ou accessoire, des portefeuilles de titres pour le compte de tiers, revêt le caractère d'une obligation substantielle dont la violation est de nature à motiver une sanction disciplinaire ; que, par suite, M. X n'est pas fondé à soutenir que l'article 2 serait un simple rappel déontologique, insusceptible de fonder légalement la sanction des erreurs de prévisions qu'il aurait commises ; qu'il résulte de l'instruction que les faits sur lesquels le Conseil a fondé le constat de la méconnaissance de cet article sont matériellement exacts et de nature à entraîner une sanction en application des articles L. 623-2 à L. 623-4 du code monétaire et financier ;

Considérant que l'article 23 du règlement n° 96-03 de la Commission des opérations de bourse dispose : Le prestataire doit assurer au mandant ou aux porteurs de parts ou d'actions toute l'information nécessaire sur la gestion de portefeuille effectuée... Lorsque le mandat de gestion autorise les opérations à effet de levier et que le portefeuille comporte des positions ouvertes (qui ne sont pas couvertes par une position ouverte symétrique ou la détention des actifs sous-jacents), une information au moins mensuelle doit être prévue comprenant notamment une appréciation des risques représentés par les positions ouvertes... ; que si la banque Clément adressait à ses clients des avis après chaque opération effectuée ainsi que des relevés mensuels, il résulte de l'instruction qu'elle n'a pas délivré d'information sur les risques représentés par les positions ouvertes avant la fin du mois de mai 1997 ; qu'ainsi, M. X n'est pas fondé à soutenir que le Conseil de discipline de la gestion financière aurait inexactement qualifié les faits de l'espèce en retenant à son encontre, en sa qualité de président de la banque Clément, le grief tiré de la méconnaissance de l'article 23 du règlement cité ;

Sur le moyen relatif à gravité de la sanction prononcée :

Considérant que l'article L. 623-4 du code monétaire et financier dispose notamment que le Conseil de discipline de la gestion financière peut prononcer l'interdiction à titre temporaire ou définitif de tout ou partie des activités ; que les activités ainsi visées par le législateur sont celles à l'occasion desquelles l'infraction sanctionnée a été commise ;

Considérant que M. X a fait l'objet de la décision attaquée au titre de ses activités dans le domaine de la gestion de portefeuilles pour le compte de tiers ; que si le Conseil de discipline de la gestion financière a décidé de lui infliger, outre une sanction pécuniaire de quatre cent mille francs (60 979,80 euros), une interdiction définitive d'exercer une activité dans le domaine de la gestion pour compte de tiers... , celle-ci doit s'entendre comme limitée à la gestion de portefeuilles de titres ; que, par suite, les moyens tirés de ce que le Conseil de discipline de la gestion financière aurait, en interdisant définitivement à M. X toute activité de gestion pour le compte de tiers, excédé la compétence qu'il tire de l'article L. 623-4 du code monétaire et financier et prononcé une sanction disproportionnée, ne sont pas fondés ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du 1er octobre 2001 du Conseil de discipline de la gestion financière ;

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de M. X est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Henry X, au Crédit du Nord, à la banque Clément, à l'Autorité des marchés financiers et au ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Synthèse
Formation : 6eme et 1ere sous-sections reunies
Numéro d'arrêt : 241777
Date de la décision : 10/05/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 10 mai. 2004, n° 241777
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Stirn
Rapporteur ?: M. Olivier Henrard
Rapporteur public ?: M. Guyomar
Avocat(s) : SCP BARADUC, DUHAMEL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2004:241777.20040510
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