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19/05/2004 | FRANCE | N°251015

France | France, Conseil d'État, 2eme sous-section jugeant seule, 19 mai 2004, 251015


Vu la requête, enregistrée le 16 octobre 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET D'ILLE-ET-VILAINE ; le PREFET D'ILLE-ET-VILAINE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 27 septembre 2002 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rennes a annulé son arrêté du 30 août 2002 décidant la reconduite à la frontière de Mme X... A, épouse B, et fixant la République démocratique du Congo comme pays de destination ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme A, épouse B, deva

nt le président du tribunal administratif de Rennes ;

Vu les autres pièces du do...

Vu la requête, enregistrée le 16 octobre 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET D'ILLE-ET-VILAINE ; le PREFET D'ILLE-ET-VILAINE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 27 septembre 2002 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rennes a annulé son arrêté du 30 août 2002 décidant la reconduite à la frontière de Mme X... A, épouse B, et fixant la République démocratique du Congo comme pays de destination ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme A, épouse B, devant le président du tribunal administratif de Rennes ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signée le 4 novembre 1950 ;

Vu la convention relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;

Vu l'ordonnance n° 45-2648 du 2 novembre 1945, modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Chadelat, Conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Prada Bordenave, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, modifiée : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police, peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A, épouse B, ressortissante de la République démocratique du Congo, s'est maintenue sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 19 avril 2000, de la décision du PREFET D'ILLE-ET-VILAINE du même jour lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'elle était ainsi dans le cas où le préfet peut, en application des dispositions précitées, décider la reconduite à la frontière d'un étranger ;

Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier que M. et Mme B ont fait l'objet d'arrêtés de reconduite à la frontière respectivement le 2 août et le 20 août 2002 ; que l'arrêté ordonnant la reconduite à la frontière de M. B est devenu définitif ; que rien ne s'opposait à ce que les intéressés emmènent avec eux en République démocratique du Congo, où sont demeurés leurs deux enfants les plus âgés, leurs trois autres enfants ; que la seule circonstance que ces enfants soient nés en France ou y soient, pour l'un d'entre eux, arrivé très jeune, qu'ils y aient été scolarisés et y soient bien intégrés ne suffit pas à établir que l'arrêté ordonnant la reconduite à la frontière de Mme A, épouse B porterait une atteinte à leur intérêt supérieur au sens des stipulations de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ; que, par suite, le PREFET D'ILLE-ET-VILAINE est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rennes s'est fondé sur la violation de ces stipulations pour annuler l'arrêté attaqué ;

Considérant, d'autre part, que, si Mme A, épouse B, fait valoir qu'elle est bien insérée en France, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet ait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressée, qui séjourne irrégulièrement en France depuis 1997, dont le mari a fait l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière devenu définitif et qui peut emmener avec elle ses trois enfants ; que, par suite, le PREFET D'ILLE-ET-VILAINE est fondé à soutenir que c'est aussi à tort que le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rennes s'est fondé sur l'erreur manifeste d'appréciation dont avait été entaché l'arrêté attaqué pour en prononcer l'annulation ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par Mme A, épouse B ;

Considérant qu'eu égard à l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment au fait que la vie familiale de Mme A, épouse B, pourra se poursuivre en République démocratique du Congo, où elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales, auprès de son époux et de ses cinq enfants, le PREFET D'ILLE-ET-VILAINE n'a pas porté au droit de celle-ci au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels a été pris l'arrêté attaqué ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté du 30 août 2002 attaqué aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être accueilli ;

Considérant que si Mme A, épouse B, fait valoir qu'elle a dû fuir son pays d'origine au motif que son conjoint était inquiété par les autorités locales, ces allégations ne suffisent pas, par elles-mêmes, à établir que l'intéressée, dont les demandes d'asile politique ont été rejetées par la commission de recours des réfugiés le 19 novembre 1998 puis, à la suite d'une nouvelle demande, le 12 février 1999, et dont la demande d'asile territorial a fait l'objet d'une décision de rejet du 12 février 1999 du ministre de l'intérieur, courrait personnellement des risques pour sa vie en cas de retour en République démocratique du Congo ou qu'elle y serait exposée à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET D'ILLE-ET-VILAINE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rennes a annulé son arrêté du 30 août 2002 décidant la reconduite à la frontière de Mme A, épouse B, et fixant la République démocratique du Congo comme pays de destination ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rennes du 27 septembre 2002 est annulé.

Article 2 : La demande de Mme A, épouse B, devant le tribunal administratif de Rennes est rejetée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET D'ILLE-ET-VILAINE, à Mme X... A, épouse B, et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.


Synthèse
Formation : 2eme sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 251015
Date de la décision : 19/05/2004
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 19 mai. 2004, n° 251015
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Honorat
Rapporteur ?: Mme Catherine Chadelat
Rapporteur public ?: Mme Prada Bordenave

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2004:251015.20040519
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