La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/05/2004 | FRANCE | N°255461

France | France, Conseil d'État, 5eme sous-section jugeant seule, 19 mai 2004, 255461


Vu la requête, enregistrée le 27 mars 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Djamel X, demeurant ... ; M. X demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 8 janvier 2003 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 janvier 2003 du préfet de l'Eure ordonnant sa reconduite à la frontière et de la décision distincte fixant le pays à destination duquel il doit être reconduit ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêt

et cette décision ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européen...

Vu la requête, enregistrée le 27 mars 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Djamel X, demeurant ... ; M. X demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 8 janvier 2003 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 janvier 2003 du préfet de l'Eure ordonnant sa reconduite à la frontière et de la décision distincte fixant le pays à destination duquel il doit être reconduit ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté et cette décision ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Fabre-Aubrespy, Maître des Requêtes,

- les conclusions de M. Chauvaux, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants (...) 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée sur le territoire sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, de nationalité algérienne, s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la date d'expiration de son visa, soit le 5 septembre 2001 ; qu'il se trouvait ainsi dans le cas prévu où, en application du 2° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par le préfet de l'Eure :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 776-19 du code de justice administrative : Le préfet signataire de l'arrêté attaqué et l'étranger peuvent interjeter appel du jugement devant le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat ou un conseiller délégué par lui ; qu'aux termes de l'article R. 776-20 du même code : Le délai d'appel est d'un mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues à l'article R. 776-17, troisième alinéa ; qu'aux termes du troisième alinéa de l'article R. 776-17 du même code : La notification mentionne la possibilité de faire appel et le délai dans lequel cette voie de recours peut être exercée ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le jugement du 8 janvier 2003, par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté la demande de M. X tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 janvier 2003 du préfet de l'Eure décidant sa reconduite à la frontière et de la décision distincte désignant l'Algérie comme pays à destination duquel il doit être reconduit, a été notifié le 13 janvier 2003 à l'hôtel de police de Bernay, où M. X avait été placé en garde en vue, puis en rétention administrative jusqu'à l'audience ; qu'il ressort cependant des pièces versées au dossier que la signature portée sur l'accusé de réception de notification du jugement est différente de celle que M. X a apposée sur d'autres pièces de la procédure ; qu'au surplus, l'avocat de M. X soutient, sans être démenti par l'administration, que son client a été remis en liberté le 9 janvier 2003 et n'a pu de ce fait recevoir la notification qui lui était adressée à l'hôtel de police ; que, par suite, ladite notification, dont la régularité n'est pas établie, n'a pas fait courir les délais de recours contentieux à l'encontre de M. X ; que, dès lors, le préfet de l'Eure n'est pas fondé à soutenir que la requête de M. X tendant à l'annulation du jugement et des décisions attaquées est tardive ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le substitut du procureur de la République de Bernay a ordonné, le 21 novembre 2002, l'ouverture d'une enquête de police afin de vérifier si le projet de mariage conçu par Mlle Y et M. X, qui avaient déposé un dossier à cet effet à la mairie de Menneval (Eure), revêtait un caractère frauduleux ; que M. X s'est rendu le 6 janvier 2003 à une convocation de la police nationale dans le cadre de cette enquête ; qu'il a été placé en garde à vue à la demande du procureur de la République et a reçu le même jour, à l'issue de sa garde à vue, notification d'un arrêté de reconduite à la frontière pris par le préfet de l'Eure ; qu'il ressort des pièces du dossier présenté par le préfet de l'Eure devant le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rouen que la décision de reconduire M. X à la frontière a été prise après que les services préfectoraux ont été informés du projet de mariage de M. X et ont pensé qu'il pourrait revêtir un caractère frauduleux ; que, dans les circonstances de l'espèce, l'arrêté attaqué doit être regardé comme ayant eu pour motif déterminant la prévention du mariage de M. X ; qu'il est, pour ce motif, entaché de détournement de pouvoir ; que, par suite, M. X est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 janvier 2003 ordonnant sa reconduite à la frontière ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du 8 janvier 2003 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rouen et l'arrêté du préfet de l'Eure en date du 6 janvier 2003 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X sont annulés.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Djamel X, au préfet de l'Eure et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.


Synthèse
Formation : 5eme sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 255461
Date de la décision : 19/05/2004
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 19 mai. 2004, n° 255461
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme Ducarouge
Rapporteur ?: M.Fabre-aubrespy
Rapporteur public ?: M. Chauvaux

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2004:255461.20040519
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award