Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 30 juillet et 16 octobre 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Raymond B, demeurant ... ; M. B demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt en date du 6 juin 2002 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a, d'une part, après avoir annulé le jugement du tribunal administratif de Limoges en date du 12 novembre 1998 en tant qu'il avait prononcé un non-lieu sur les conclusions dirigées contre l'arrêté d'alignement délivré à M. B, dit qu'il n'y avait pas lieu à statuer sur ces conclusions et, d'autre part, rejeté le surplus des conclusions de la requête d'appel de M. B ;
2°) statuant au fond, de faire droit aux conclusions de la requête d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la voirie routière ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Mourier, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Vincent, Ohl, avocat de M. B et Me Odent, avocat de la commune de Saint-Martin-de-Jussac,
- les conclusions de M. Collin, Commissaire du gouvernement ;
Sur les conclusions dirigées contre l'arrêté du 18 novembre 1994 par lequel le maire de Saint-Martin de Jussac a autorisé M. C à réaliser les travaux mentionnés dans sa déclaration de clôture :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 112-1 du code de la voirie routière : L'alignement est la détermination par l'autorité administrative de la limite du domaine public routier au droit des propriétés riveraines. Il est fixé soit par un plan d'alignement, soit par un alignement individuel. Le plan d'alignement, auquel est joint un plan parcellaire, détermine après enquête publique la limite entre voie publique et propriétés riveraines. L'alignement individuel est délivré au propriétaire conformément au plan d'alignement s'il en existe un. En l'absence d'un tel plan, il constate la limite de la voie publique au droit de la propriété riveraine ; qu'il résulte de ces dispositions que l'alignement individuel ne saurait résulter d'une décision implicite ; que, par suite, la cour administrative d'appel de Bordeaux n'a pas commis d'erreur de droit ni inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis en jugeant que la décision de ne pas faire opposition à la clôture délivrée à M. C ne contenait pas de décision implicite d'alignement dont M. B aurait été recevable à demander l'annulation ; que, dès lors, le requérant n'est pas fondé à demander l'annulation de son arrêt sur ce point ;
Sur les conclusions dirigées contre l'arrêté d'alignement individuel notifié le 15 mars 1995 à M. B :
Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de l'article L. 112-1 du code de la voirie routière que l'alignement individuel, qui, en l'absence d'un plan d'alignement, constate la limite de la voie publique au droit de la propriété riveraine, est un acte purement déclaratif qui reste valable, en ce qui concerne la délimitation de la voie publique, tant qu'il ne se produit pas de fait nouveau, alors même que l'autorité qui le délivre aurait fixé un délai pour la réalisation des travaux en vue desquels l'alignement a été demandé ; que par suite, en se fondant, pour estimer que les conclusions de M. B dirigées contre l'arrêté d'alignement individuel notifié le 15 mars 1995 étaient devenues sans objet, sur la seule circonstance que l'intéressé n'avait pas entrepris dans le délai d'un an mentionné par l'arrêté les travaux en vue desquels il avait demandé l'alignement de sa propriété, sans rechercher si la caducité de l'alignement était justifiée par un fait nouveau, la cour administrative d'appel de Bordeaux a entaché son arrêt d'erreur de droit ; que, dès lors, M. B est fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il a prononcé un non-lieu sur les conclusions dirigées contre l'arrêté d'alignement individuel qui lui a été notifié le 15 mars 1995 ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;
Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la requête de M. B conserve un objet ; qu'il ressort des pièces du dossier que l'arrêté d'alignement attaqué a pour effet d'imposer à M. B, à certains endroits, un retrait de près de 2 mètres par rapport à la limite existante de la voie communale n° 46, matérialisée en l'espèce par le bord extérieur du caniveau ; qu'ainsi, la décision attaquée, qui ne s'est pas bornée à constater les limites actuelles de la voie publique, est entachée d'excès de pouvoir ; que, par suite, M. B est fondé à en demander l'annulation ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.761-1du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. B, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la commune de Saint-Martin-de-Jussac demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Saint-Martin-de-Jussac la somme de 2 500 euros que M. B demande en application desdites dispositions ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux en date du 6 juin 2002 est annulé en tant qu'il déclare qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. B dirigées contre l'arrêté d'alignement individuel qui lui a été notifié le 15 mars 1995 par le maire de Saint-Martin-de-Jussac.
Article 2 : L'arrêté du maire de Saint-Martin-de-Jussac notifié à M. B le 15 mars 1995 est annulé.
Article 3 : La commune de Saint-Martin-de-Jussac versera à M. B une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B et les conclusions de la commune de Saint-Martin-de-Jussac tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Raymond B, à la commune de Saint-Martin-de-Jussac, à M. André C et au ministre de l'équipement, de l'aménagement du territoire, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.