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28/05/2004 | FRANCE | N°256090

France | France, Conseil d'État, 8eme et 3eme sous-sections reunies, 28 mai 2004, 256090


Vu le recours, enregistré le 16 avril 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 27 décembre 2002 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a, d'une part, annulé le jugement du 3 mars 1998 du tribunal administratif de Dijon rejetant la demande de M. Jean X tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et des pénalités y afférentes auxquelles il reste assujetti au titre

de l'année 1993, et, d'autre part, accordé à l'intéressé la...

Vu le recours, enregistré le 16 avril 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 27 décembre 2002 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a, d'une part, annulé le jugement du 3 mars 1998 du tribunal administratif de Dijon rejetant la demande de M. Jean X tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et des pénalités y afférentes auxquelles il reste assujetti au titre de l'année 1993, et, d'autre part, accordé à l'intéressé la décharge des impositions litigieuses ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu la loi n° 94-1162 du 29 décembre 1994, portant loi de finances pour 1995, et notamment son article 24 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Bénard, Auditeur,

- les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de M. X,

- les conclusions de M. Bachelier, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 160 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'espèce : Lorsqu'un associé, actionnaire, commanditaire ou porteur de parts bénéficiaires cède, pendant la durée de la société, tout ou partie de ses droits sociaux, l'excédent du prix de cession sur le prix d'acquisition (...) de ces droits est taxé exclusivement à l'impôt sur le revenu au taux de 16 % (...). L'imposition de la plus-value ainsi réalisée est subordonnée à la seule condition que les droits détenus directement ou indirectement dans les bénéfices sociaux par le cédant ou son conjoint, leurs ascendants et leurs descendants aient dépassé ensemble 25 % de ces bénéfices à un moment quelconque au cours des cinq dernières années ; qu'aux termes du I ter du même article, dans sa rédaction applicable à l'espèce : (...) l'imposition de la plus-value réalisée en cas d'échange de droits sociaux (...) peut, sur demande expresse du contribuable, être reportée au moment où s'opérera la cession ou le rachat des droits sociaux reçus à l'occasion de l'échange ;

Considérant que, lors de la fusion absorption de la société X Père et Fils par la société X Frères, intervenue en octobre 1986, au cours de laquelle il a reçu des titres de la société absorbante en échange de titres de la société absorbée, M. X a réalisé une plus-value, dont il a demandé et obtenu le report d'imposition sur le fondement du I ter de l'article 160 précité du code général des impôts ; que, dans le cadre de la restructuration financière du groupe, les actionnaires de la société X Frères ont cédé, en janvier 1993, la quasi-totalité de leurs droits sociaux, pour un franc symbolique, à la société Pépinières X, dont le président-directeur général est M. X ; qu'une imposition supplémentaire au titre de 1993 a été mise à sa charge du fait de la plus-value réalisée en 1986, la cession des titres ayant entraîné la fin du report d'imposition de celle-ci ; que, par l'arrêt attaqué, la cour administrative d'appel de Lyon l'a déchargé de cette imposition supplémentaire, au motif que la plus-value réalisée en 1986 et imposable en 1993 avait, pour cette dernière année, été compensée par une moins-value ;

Considérant que si les dispositions précitées du I ter de l'article 160 du code général des impôts n'ont pas pour effet de différer le paiement d'une imposition qui aurait été établie au titre de l'année de réalisation de la plus-value, mais seulement de permettre, par dérogation à la règle suivant laquelle le fait générateur de l'imposition d'une plus-value est constitué au cours de l'année de sa réalisation, de la rattacher à l'année au cours de laquelle intervient l'événement qui met fin au report d'imposition, elles ne font pas obstacle à l'application des règles d'assiette fixées par le I du même article, également précité, qui dispose que la plus-value est constituée de l'excédent du prix de cession sur le prix d'acquisition à la date de la cession, mais ne prévoit pas la possibilité d'imputer sur cette base une moins-value réalisée ultérieurement ; que, par suite, en jugeant que l'impôt dû au titre de l'année de cession ou de rachat des droits sociaux reçus à l'occasion d'un échange de titres avait pour base le gain net éventuel résultant de la différence entre le prix obtenu à raison de cette dernière opération de cession ou de rachat et le prix d'acquisition des titres originaux remis lors de l'échange, alors qu'aucune disposition n'autorisait la compensation de la plus-value définie par le I de l'article 160 par une moins-value postérieure, la cour a commis une erreur de droit ; que, dès lors, le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler l'affaire au fond ;

Considérant que M. X soutient qu'en 1993 aucune disposition n'interdisait d'imputer les pertes subies dans le cadre d'opérations relevant de l'article 160 du code général des impôts sur les gains soumis au même régime, et que le refus de procéder à cette imputation introduirait une inégalité devant l'impôt ; que, toutefois, ainsi qu'il a été dit précédemment, il résulte de la combinaison des dispositions précitées du I et du I ter de l'article 160 du code, dans sa version applicable en 1993, que le législateur entendait alors exclure toute compensation entre les moins-values et les plus-values réalisées à l'occasion de cessions de titres ; que M. X ne saurait utilement se prévaloir des dispositions de l'article 24 de la loi de finances pour 1995, modifiant l'article 160 du code général des impôts, ni de l'instruction du 13 février 1995 commentant ces dispositions, celles-ci n'étant applicables qu'aux moins-values résultant de cessions réalisées à compter du 16 novembre 1994 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par son jugement du 3 mars 1998, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande en décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 1993 ;

Sur les conclusions de M. X tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt du 27 décembre 2002 de la cour administrative d'appel de Lyon est annulé.

Article 2 : Les suppléments de cotisations d'impôt sur le revenu et de cotisation sociale généralisée et les pénalités y afférentes auxquels a été assujetti M. X au titre de l'année 1993 sont intégralement remis à sa charge.

Article 3 : Les conclusions présentées par M. X devant le Conseil d'Etat et devant la cour administrative d'appel de Lyon sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE et à M. Jean X.


Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-08-01 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES - REVENUS ET BÉNÉFICES IMPOSABLES - RÈGLES PARTICULIÈRES - PLUS-VALUES DES PARTICULIERS - PLUS-VALUES MOBILIÈRES - IMPOSITION FORFAITAIRE DES PLUS-VALUES (ART. 160 DU CGI) - REPORT D'IMPOSITION EN CAS D'ÉCHANGE (ART. 160 I TER DU CGI) - RÉGIME ANTÉRIEUR À L'ENTRÉE EN VIGUEUR DE L'ARTICLE 24 DE LA LOI DE FINANCES POUR 1995 - ASSIETTE DE L'IMPOSITION FORFAITAIRE - EXCÉDENT DU PRIX DE CESSION SUR LE PRIX D'ACQUISITION À LA DATE DE L'ÉCHANGE [RJ1] - CONSÉQUENCE - IMPOSSIBILITÉ DE DÉDUIRE LA MOINS-VALUE RÉALISÉE LORS DE LA CESSION OU DU RACHAT DES DROITS SOCIAUX REÇUS EN ÉCHANGE.

19-04-02-08-01 En vertu du I ter de l'article 160 du code général des impôts, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'article 24 de la loi de finances pour 1995, l'imposition forfaitaire au taux de 16 p. 100 de la plus-value réalisée en cas d'échange de droits sociaux opéré dans les conditions définies au I du même article pouvait, sur demande expresse du contribuable, être reportée au moment où s'opérerait la cession ou le rachat des droits sociaux reçus à l'occasion de cet échange.,,Ces dispositions, si elles n'avaient pas pour effet de différer le paiement d'une imposition qui aurait été établie au titre de l'année de réalisation de la plus-value mais bien de permettre, par dérogation à la règle suivant laquelle le fait générateur de l'imposition d'une plus-value est constitué au cours de l'année de sa réalisation, de rattacher cette opération à l'année au cours de laquelle intervenait l'événement mettant fin au report d'imposition, ne faisaient pas pour autant obstacle à l'application des règles d'assiette fixées par le I du même article, qui disposait que la plus-value était constituée de l'excédent du prix de cession sur le prix d'acquisition à la date de la cession par voie d'échange de titres, mais ne prévoyait pas la possibilité d'imputer sur cette base une moins-value réalisée ultérieurement.,,Par suite, entache son arrêt d'erreur de droit la cour qui juge que l'impôt dû, sous l'empire de la législation antérieure à l'entrée en vigueur de l'article 24 mentionné ci-dessus, au titre de l'année de cession ou de rachat des droits sociaux reçus à l'occasion d'un échange de titres, avait pour base le gain net éventuel résultant de la différence entre le prix obtenu à raison de cette dernière opération de cession ou de rachat et le prix d'acquisition des titres originaux remis lors de l'échange.


Références :

[RJ1]

Comp., s'agissant du taux forfaitaire applicable à la plus-value imposée, 10 avril 2002, M. de Chaisemartin, p. 125.


Publications
Proposition de citation: CE, 28 mai. 2004, n° 256090
Mentionné aux tables du recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Labetoulle
Rapporteur ?: M. Yohann Bénard
Rapporteur public ?: M. Bachelier
Avocat(s) : SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER

Origine de la décision
Formation : 8eme et 3eme sous-sections reunies
Date de la décision : 28/05/2004
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 256090
Numéro NOR : CETATEXT000008196810 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2004-05-28;256090 ?
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