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09/06/2004 | FRANCE | N°257807

France | France, Conseil d'État, 3eme sous-section jugeant seule, 09 juin 2004, 257807


Vu la requête, enregistrée le 18 juin 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE LA SEINE-MARITIME ; le PREFET DE LA SEINE-MARITIME demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 16 mai 2003 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 12 mai 2003 décidant la reconduite à la frontière de Mme Antumina X, ensemble la décision du même jour fixant le pays de destination ;

2°) de rejeter la demande de Mme X devant le tribunal administratif ;

Vu les a

utres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l...

Vu la requête, enregistrée le 18 juin 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE LA SEINE-MARITIME ; le PREFET DE LA SEINE-MARITIME demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 16 mai 2003 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 12 mai 2003 décidant la reconduite à la frontière de Mme Antumina X, ensemble la décision du même jour fixant le pays de destination ;

2°) de rejeter la demande de Mme X devant le tribunal administratif ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Robineau-Israël, Maître des Requêtes,

- les conclusions de M. Glaser, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) ; qu'il ressort des pièces du dossier que Mme X, de nationalité comorienne, s'est maintenue sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 13 décembre 2002, de la décision du PREFET DE LA SEINE-MARITIME du 12 décembre 2002 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour ; qu'elle entrait ainsi dans le champ d'application de la disposition précitée ;

Considérant qu'aux termes de l'article 15 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 susvisée : Sauf si la présence de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public, la carte de résident est délivrée de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour et, pour les cas mentionnés aux 1° à 5° du présent article, de celle de l'entrée sur le territoire français : 1°) à l'étranger marié depuis au moins un an avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie entre les époux n'ait pas cessé, que le conjoint ait conservé la nationalité française et lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français (...) ;

Considérant que si Mme X s'est mariée le 18 août 2001, il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision par laquelle le PREFET DE LA SEINE-MARITIME a refusé de lui délivrer une carte de résident au titre des dispositions précitées, son époux, de nationalité française, avait engagé une procédure de divorce pour faute et demandé à être autorisé à vivre séparément ; que par ordonnance de non-conciliation du 14 novembre 2002, le juge aux affaires familiales avait, dans le cadre de cette procédure, donné deux mois à Mme X pour quitter le domicile conjugal ; qu'ainsi, la communauté de vie entre les époux était interrompue ; que, dans ces conditions, le PREFET DE LA SEINE-MARITIME a pu, sans entacher sa décision d'erreur de fait, refuser à Mme X une carte de résident en qualité d'épouse d'une ressortissant français et l'inviter à quitter le territoire français ; que, dès lors, le PREFET DE LA SEINE-MARITIME est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rouen a estimé illégale la décision de refus de titre de séjour du 12 décembre 2002 et annulé, par voie de conséquence, l'arrêté du 12 mai 2003 décidant la reconduite à la frontière de Mme X ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme X devant le tribunal administratif de Rouen ;

Considérant que si Mme X soutient que le PREFET aurait dû, préalablement à l'examen de sa demande, saisir la commission du titre de séjour mentionnée à l'article 12 quater de l'ordonnance du 2 novembre 1945, il ressort des pièces du dossier que l'intéressée ne relevait d'aucun des cas dans lesquels cette commission doit être consultée ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble des dispositions de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, relatives à la reconduite à la frontière des étrangers en situation irrégulière, et notamment de ses articles 22 et 22 bis qui ouvrent un recours suspensif devant le juge administratif, organisent les garanties dont bénéficie l'étranger pour pouvoir exercer utilement ce recours et fixent les délais dans lesquels ces recours doivent être présentés et jugés, que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des arrêtés de reconduite à la frontière ; que, par suite, Mme X ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 aux termes desquelles les décisions individuelles qui doivent être motivées n'interviennent qu'après une procédure contradictoire préalable ;

Considérant que si Mme X soutient que sa vie familiale est en France, il ressort des pièces du dossier qu'elle a trois enfants mineurs qui demeurent dans son pays d'origine ; qu'ainsi compte-tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté attaqué n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que, par suite, le moyen tiré de ce qu'il méconnaîtrait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être accueilli ;

Considérant qu'il résulte de l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 que ne peut faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière : 8° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; que si Mme X fait valoir que la pathologie dont elle est atteinte nécessite un traitement quotidien dont le défaut pourrait entraîner pour elle des conséquences graves, il ne ressort pas des pièces du dossier, en tout état de cause, qu'elle ne pourrait suivre un traitement approprié dans le pays à destination duquel elle doit être renvoyée ; qu'elle n'est, dès lors, pas fondée à soutenir que l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière a été pris en méconnaissance du 8° de l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE LA SEINE-MARITIME est fondé à demander l'annulation du jugement du 16 mai 2003 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 12 mai 2003 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme X et la décision distincte fixant le pays de destination ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant que la présente décision, qui rejette les conclusions de Mme X tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 mai 2003, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que les sommes que Mme Xdemande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens soient mises à la charge de l'Etat qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rouen du 16 mai 2003 est annulé.

Article 2 : La demande de Mme X devant le tribunal administratif de Rouen est rejetée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE SEINE-MARITIME, à Mme Antumina X et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.


Synthèse
Formation : 3eme sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 257807
Date de la décision : 09/06/2004
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 09 jui. 2004, n° 257807
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin Laprade
Rapporteur ?: Mme Aurélie Robineau-Israël
Rapporteur public ?: M. Glaser

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2004:257807.20040609
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