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16/06/2004 | FRANCE | N°261924

France | France, Conseil d'État, President de la section du contentieux, 16 juin 2004, 261924


Vu la requête, enregistrée le 20 novembre 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Mourad X, demeurant ... ; M. X demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 23 octobre 2003 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 octobre 2003 par lequel le préfet de la Savoie a décidé sa reconduite à la frontière et de la décision du même jour désignant l'Algérie comme pays de destination d

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2°) d'annuler cet arrêté et cette décision pour excès de p...

Vu la requête, enregistrée le 20 novembre 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Mourad X, demeurant ... ; M. X demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 23 octobre 2003 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 octobre 2003 par lequel le préfet de la Savoie a décidé sa reconduite à la frontière et de la décision du même jour désignant l'Algérie comme pays de destination de la reconduite ;

2°) d'annuler cet arrêté et cette décision pour excès de pouvoir ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Savoie de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de trente jours à compter de la notification de la présente décision et de lui délivrer, pour cette période, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;

Vu la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 modifiée relative au droit d'asile ;

Vu le décret n° 98-503 du 23 juin 1998 relatif à l'asile territorial ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- les conclusions de M. Glaser, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, de nationalité algérienne, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 7 juillet 2003, de la décision du préfet de la Savoie du 1er juillet 2003, lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'il entrait ainsi dans le champ d'application de la disposition précitée ;

Sur l'exception d'illégalité de la décision du ministre de l'intérieur refusant le bénéfice de l'asile territorial :

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 2 du décret du 23 juin 1998 relatif à l'asile territorial : L'étranger est entendu en préfecture au jour que lui a fixé la convocation. Il peut demander au préalable l'assistance d'un interprète et peut être accompagné d'une personne de son choix ; qu'il résulte de ces dispositions que l'administration n'est pas tenue, dans la convocation qu'elle adresse au demandeur, d'informer celui-ci qu'il peut être assisté d'un interprète ; que, par suite, M. X n'est pas fondé à soutenir que la décision lui refusant le bénéfice de l'asile territorial aurait été rendu au terme d'une procédure irrégulière ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'en application de l'article 3 du décret du 23 juin 1998 susvisé, le ministre de l'intérieur avait recueilli l'avis du ministre des affaires étrangères avant de se prononcer sur la demande d'asile territorial dont il était saisi ; qu'ainsi le moyen tiré de ce que le refus d'asile territorial qui a été opposé à M. X est intervenu au terme d'une procédure irrégulière manque en fait ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme Annick Anniel, attaché d'administration centrale à la sous-direction des étrangers et de la circulation transfrontière au ministère de l'intérieur bénéficiait d'une délégation de signature du ministre de l'intérieur pour les actes, arrêtés et décisions relevant de la sous-direction des étrangers et de la circulation transfrontière en vertu de l'arrêté du 22 mai 2002 régulièrement publié le 24 mai 2002 au journal officiel ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que Mme Annick Anniel n'aurait pas été compétente pour signer la décision du 16 juin 2003 refusant à M.X le bénéfice de l'asile territorial manque en fait ;

Considérant que si M. X soutient qu'il a subi des menaces dans son pays d'origine de la part de groupes d'autodéfense qui voulaient se servir des compétences techniques qu'il avait acquises durant l'accomplissement de son service militaire, il n'apporte aucun élément de nature à établir la réalité des risques auxquels il serait personnellement exposé en cas de retour en Algérie ; que, dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que le ministre de l'intérieur ait commis une erreur manifeste d'appréciation en lui refusant le bénéfice de l'asile territorial et que sa décision ait méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que le refus de titre de séjour qui lui a été opposé serait illégal en raison de l'illégalité de la décision du ministre de l'intérieur refusant de lui accorder le bénéfice de l'asile territorial ;

Sur l'exception d'illégalité de la décision de refus de séjour :

Considérant que, par un arrêté du 31 juillet 2002, régulièrement publié au recueil des actes administratifs du département du même jour, M. Thierry Lataste, préfet de la Savoie, a donné à M. Pierre Ravanat, directeur de l'administration générale et de la réglementation, délégation pour signer notamment les décisions de refus de séjour ; que, par suite, le moyen tiré de ce que M. Pierre Ravanat n'aurait pas été compétent faute d'être titulaire d'une délégation régulière pour signer la décision attaquée manque en fait ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la décision du 1er juillet 2003, par laquelle le préfet de la Savoie a refusé de délivrer un titre de séjour à M. X, énonce les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et indique de surcroît que la situation de l'intéressé a été examinée au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que cette décision est ainsi suffisamment motivée ;

Considérant que si M. X, qui est entré en France au mois de juin 2001 à l'âge de vingt-cinq ans, fait valoir que plusieurs membres de sa famille, dont ses grands-parents, vivent en France, que sa mère y a vécu jusqu'à l'âge de quinze ans et qu'il justifie de sa volonté de s'y intégrer, il ressort des pièces du dossier que M. X est célibataire et sans charge de famille et qu'il conserve l'essentiel de ses attaches familiales en Algérie où vivent ses parents et ses quatre frères et soeurs ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la brève durée et des conditions de séjour de M. X en France, la décision du préfet de la Savoie en date du 1er juillet 2003 n'a pas porté au droit de celui-ci au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'elle n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que le refus de séjour qui lui a été opposé serait illégal et que l'arrêté de reconduite à la frontière pris sur son fondement serait lui-même, par voie de conséquence, illégal ;

Sur les autres moyens dirigés contre l'arrêté de reconduite à la frontière :

Considérant que, par un arrêté du 31 juillet 2002, régulièrement publié au recueil des actes administratifs du département du même jour, M. Thierry Lataste, préfet de la Savoie, a donné à M. Pierre Ravanat, directeur de l'administration générale et de la réglementation, délégation pour signer notamment les arrêtés de reconduite à la frontière ; que, par suite, le moyen tiré de ce que M. Pierre Ravanat n'aurait pas été compétent faute d'être titulaire d'une délégation régulière pour signer l'arrêté attaqué et la décision fixant le pays de destination de la reconduite manque en fait ;

Considérant que l'arrêté du 9 octobre 2003, par lequel le préfet de la Savoie a décidé la reconduite à la frontière de M. X, comporte l'indication des motifs de droit et de fait qui en constituent le fondement ; qu'il est ainsi suffisamment motivé ;

Considérant que pour les raisons qui ont été analysées précédemment, l'arrêté du préfet de la Savoie du 9 octobre 2003 n'a pas porté au droit de M. X au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'il n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est entaché d'aucune erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle ;

Sur les conclusions relatives à la décision fixant le pays de destination de la reconduite :

Considérant que, pour les mêmes raisons que celles indiquées ci-dessus, la décision fixant l'Algérie comme pays à destination duquel M. X doit être reconduit n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant que la présente décision, qui rejette la requête de M. X, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Savoie de lui délivrer un titre de séjour sont irrecevables et ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que demande M. X au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de M. X est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Mourad X, au préfet de la Savoie et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.


Synthèse
Formation : President de la section du contentieux
Numéro d'arrêt : 261924
Date de la décision : 16/06/2004
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 16 jui. 2004, n° 261924
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme Imbert-Quaretta
Rapporteur public ?: M. Glaser

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2004:261924.20040616
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