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23/06/2004 | FRANCE | N°224748

France | France, Conseil d'État, 5eme et 4eme sous-sections reunies, 23 juin 2004, 224748


Vu 1°), la décision en date du 10 avril 2002, par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a admis l'intervention de la caisse primaire d'assurance maladie des Ardennes, a annulé l'arrêt du 20 juin 2000 de la cour administrative d'appel de Paris et a ordonné, avant de statuer sur les conclusions de la requête d'appel de Mme et de M. Z une expertise afin de déterminer si M. Michel A a subi des transfusions sanguines entre le 22 novembre 1984 et le 20 octobre 1985, et, dans l'affirmative, d'indiquer les établissements dans lesquels ces transfusions ont été pratiquées, les d

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Vu 1°), la décision en date du 10 avril 2002, par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a admis l'intervention de la caisse primaire d'assurance maladie des Ardennes, a annulé l'arrêt du 20 juin 2000 de la cour administrative d'appel de Paris et a ordonné, avant de statuer sur les conclusions de la requête d'appel de Mme et de M. Z une expertise afin de déterminer si M. Michel A a subi des transfusions sanguines entre le 22 novembre 1984 et le 20 octobre 1985, et, dans l'affirmative, d'indiquer les établissements dans lesquels ces transfusions ont été pratiquées, les dates auxquelles elles ont été effectuées ainsi que la nature des produits transfusés ;

Vu 2°), sous le n° 234151, la requête, enregistrée le 28 mai 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES ARDENNES, dont le siège est 14, avenue G. Corneau à Charleville-Mézières (08101) ; la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES ARDENNES demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 20 mars 2001 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, après avoir partiellement annulé, par un arrêt avant-dire droit du 20 juin 2000, le jugement du tribunal administratif de Paris du 24 février 1998 rejetant la demande de réparation du préjudice subi par M. A en raison de sa contamination par le virus de l'immunodéficience humaine à la suite de transfusions sanguines, a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 57 280 euros (375 732,10 F), en application de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser, en application de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, la somme de 57 280 euros (375 732,10 F), augmentée des intérêts de droit à compter du 16 janvier 1998, capitalisés à compter du 13 décembre 2000 ainsi qu'à chaque échéance annuelle ultérieure et à lui verser, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, 4 573,47 euros (30 000 F) ;

3°) subsidiairement, d'ordonner une expertise aux fins de déterminer les dates auxquelles M. A a reçu des produits sanguins et la nature de ces produits ;

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Aladjidi, Maître des Requêtes,

- les observations de Me Blondel, avocat de Mme Annick Z et de M. Julien Z et de la SCP Gatineau, avocat de la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES ARDENNES,

- les conclusions de M. Olson, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par décision du 10 avril 2002, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a, d'une part, annulé l'arrêt du 20 juin 2000 par lequel la cour administrative d'appel de Paris avait rejeté la requête des consorts Z dirigée contre un jugement du 24 février 1998 du tribunal administratif de Paris, et d'autre part, ordonné une expertise avant de se prononcer sur la requête d'appel des intéressés ; que le pourvoi présenté par la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES ARDENNES est dirigé contre un arrêt du 20 mars 2001 par lequel la cour a statué sur l'appel qu'elle avait formé contre le même jugement du tribunal administratif de Paris ; qu'il y a lieu de joindre les deux pourvois, qui sont relatifs au même litige, pour statuer par une seule décision ;

Considérant qu'aux termes des troisième et quatrième alinéas de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale : Si la responsabilité du tiers est entière ou si elle est partagée avec la victime, la caisse est admise à poursuivre le remboursement des prestations mises à sa charge à due concurrence de la part d'indemnité mise à la charge du tiers qui répare l'atteinte à l'intégrité physique de la victime, à l'exclusion de la part d'indemnité, de caractère personnel, correspondant aux souffrances physiques ou morales par elle endurées et au préjudice esthétique et d'agrément. De même, en cas d'accident suivi de mort, la part d'indemnité correspondant au préjudice moral des ayants droit leur demeure acquise. / L'intéressé ou ses ayants droit doivent indiquer, en tout état de la procédure, la qualité d'assuré social de la victime de l'accident ainsi que les caisses de sécurité sociale auxquelles celle-ci est ou était affiliée pour les divers risques. Ils doivent appeler ces caisses en déclaration de jugement commun. A défaut du respect de l'une de ces obligations, la nullité du jugement sur le fond pourra être demandée pendant deux ans, à compter de la date à partir de laquelle ledit jugement est devenu définitif, soit à la requête du ministère public, soit à la demande des caisses de sécurité sociale intéressées ou du tiers responsable, lorsque ces derniers y auront intérêt. ; que ces dispositions font obligation au juge de rendre une décision commune au tiers auteur, à la victime et aux caisses de sécurité sociale ; qu'eu égard au motif qui a conduit le législateur à édicter cette prescription, la violation de la règle susmentionnée constitue une irrégularité que le Conseil d'Etat, statuant au contentieux doit soulever d'office ; que la cour administrative d'appel de Paris a cependant statué sur la requête d'appel formée par la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES ARDENNES contre le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 24 février 1998, par un arrêt du 20 mars 2001 distinct de l'arrêt en date du 20 juin 2000 par lequel elle a statué sur la requête d'appel formée par les consorts Z contre le même jugement ; qu'il y a lieu, dès lors, d'annuler l'arrêt du 20 mars 2001 ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, et de régler au fond les deux affaires résultant des pourvois de la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES ARDENNES et des consorts Z ;

Sur la responsabilité de l'Etat :

Considérant qu'il appartenait à l'autorité administrative, informée à la date du 22 novembre 1984, de façon non équivoque, de l'existence d'un risque sérieux de contamination des transfusés et de la possibilité d'y parer par l'utilisation des produits chauffés qui étaient alors disponibles sur le marché international, d'interdire, sans attendre d'avoir la certitude que tous les lots de produits dérivés du sang étaient contaminés, la délivrance des produits dangereux, comme elle pouvait le faire par arrêté ministériel pris sur le fondement de l'article L. 669 du code de la santé publique ; qu'une telle mesure n'a été prise que par une circulaire dont il n'est pas établi qu'elle ait été diffusée avant le 20 octobre 1985 ; que cette carence fautive de l'administration est de nature à engager la responsabilité de l'Etat à raison des contaminations provoquées par des transfusions de produits sanguins pratiquées entre le 22 novembre 1984 et le 20 octobre 1985 ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise établi à la demande du Conseil d'Etat, que M. Michel A a subi, le 25 juillet 1985, une transfusion de produits sanguins non chauffés, dont l'administration n'a pas démontré l'innocuité ; que la séropositivité de M. A a été révélée à l'automne 1985 ; que, dès lors, les consorts Z et la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES ARDENNES sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 24 février 1998, le tribunal administratif de Paris a estimé que la responsabilité de l'Etat n'était pas engagée à l'égard de M. A, en raison des conséquences dommageables de sa contamination par le virus de l'immunodéficience humaine ;

Sur le préjudice subi par M. Michel A :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que les frais médicaux et pharmaceutiques versés par la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES ARDENNES à M. A à raison de sa contamination s'élèvent à 57 280 euros ; qu'il serait fait une juste appréciation des troubles de toute nature subis par M. Michel A en les fixant à un montant de 310 000 euros ; que le préjudice subi par M. Michel A s'élève ainsi à 367 280 euros ;

Sur les droits de la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES ARDENNES :

Considérant que la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES ARDENNES a droit, en application de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, au remboursement de la somme de 57 280 euros correspondant aux prestations versées à M. A à raison des conséquences dommageables de sa contamination par le virus de l'immunodéficience humaine ; que cette somme doit être assortie des intérêts légaux à compter du 16 janvier 1998, date de l'intervention en première instance de la caisse, ces intérêts étant capitalisés pour produire eux-même intérêts à compter de la première demande présentée en ce sens, le 9 juin 1999, ainsi qu'à chaque échéance annuelle ultérieure ;

Sur les droits de M. Julien Z :

Considérant que M. Julien Z, agissant au nom de son père décédé, a droit de la part de l'Etat au versement de la somme de 137 204 euros qu'il demande, en complément de la somme de 167 694 euros déjà perçue du fonds d'indemnisation des transfusés et hémophiles, assortie des intérêts légaux à compter du 16 novembre 1996, date à laquelle la demande préalable d'indemnisation a été présentée pour son compte, ces intérêts étant capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts à compter du 28 janvier 2002, date de la première demande en ce sens, et à chaque échéance annuelle ultérieure ;

Sur les frais d'expertise :

Considérant qu'il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat les frais de l'expertise ordonnée par le Conseil d'Etat ;

Sur les conclusions présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 500 euros au titre des frais exposés par M. Julien Z et non compris dans les dépens et une somme de 3 000 euros au titre des frais de même nature exposés par la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES ARDENNES ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris en date du 20 mars 2001, ensemble le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 24 février 1998 sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera à M. Julien Z la somme de 137 204 euros, assortie des intérêts légaux à compter du 16 novembre 1996, ces intérêts étant capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts à compter du 28 janvier 2002 et à chaque échéance annuelle ultérieure.

Article 3 : L'Etat versera à la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES ARDENNES la somme de 57 280 euros, assortie des intérêts légaux à compter du 16 janvier 1998, ces intérêts étant capitalisés pour produire eux-même intérêts à compter du 9 juin 1999 et à chaque échéance annuelle ultérieure.

Article 4 : Les frais de l'expertise effectuée à la demande du Conseil d'Etat sont mis à la charge de l'Etat

Article 5 : L'Etat versera à M. Julien Z la somme de 4 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il versera à la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES ARDENNES la somme de 3 000 euros en application des mêmes dispositions.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à Mme Annick Z, à M. Julien Z, à la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES ARDENNES, au fonds d'indemnisation des transfusés et hémophiles et au ministre de la santé et de la protection sociale.


Synthèse
Formation : 5eme et 4eme sous-sections reunies
Numéro d'arrêt : 224748
Date de la décision : 23/06/2004
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 23 jui. 2004, n° 224748
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Stirn
Rapporteur ?: M. Philippe Logak
Rapporteur public ?: M. Olson
Avocat(s) : BLONDEL ; SCP GATINEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2004:224748.20040623
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