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23/06/2004 | FRANCE | N°251748

France | France, Conseil d'État, 2eme sous-section jugeant seule, 23 juin 2004, 251748


Vu la requête, enregistrée le 15 novembre 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 3 octobre 2002 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 11 mars 2002 décidant la reconduite à la frontière de Mme Fatima A, épouse B ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme B devant le tribunal administratif de Paris ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convent

ion européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'or...

Vu la requête, enregistrée le 15 novembre 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 3 octobre 2002 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 11 mars 2002 décidant la reconduite à la frontière de Mme Fatima A, épouse B ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme B devant le tribunal administratif de Paris ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Mary, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Gaschignard, avocat de Mme B,

- les conclusions de Mme de Silva, Commissaire du gouvernement ;

Sur l'appel du PREFET DE POLICE :

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, modifiée : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police, peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ... 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme Fatima A, épouse B, de nationalité marocaine, s'est maintenue sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 14 mai 2001, de la décision du PREFET DE POLICE du même jour lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'ainsi, elle était dans l'un des cas où le préfet peut ordonner la reconduite à la frontière d'un étranger ;

Considérant, toutefois, qu'il ressort des pièces du dossier que Mme B, entrée en France le 27 novembre 1998, s'est mariée le 27 février 1999 avec un compatriote titulaire d'une carte de séjour temporaire mention vie privée et familiale, avec lequel elle a eu deux enfants nés en France en septembre 1999 et décembre 2000 ; que ses parents ainsi que ses frères et soeurs résident en France, certains d'entre eux ayant acquis la nationalité française ; qu'elle n'a plus d'attaches familiales dans son pays d'origine ; que, dans ces circonstances, et alors même que l'intéressée pourrait bénéficier du regroupement familial, l'arrêté attaqué a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but en vue duquel il a été pris ; qu'il a ainsi méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE POLICE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 11 mars 2002 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme B ;

Sur l'appel incident de Mme B :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une décision dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ; qu'aux termes de l'article L. 911-2 du même code : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette décision doit intervenir dans un délai déterminé ; que le III de l'article 22 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 dispose que : Si l'arrêté de reconduite à la frontière est annulé, (...) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que le préfet ait à nouveau statué sur son cas ;

Considérant que la présente décision confirme l'annulation pour excès de pouvoir d'un arrêté ordonnant la reconduite à la frontière de Mme B et non celle d'une décision refusant de lui délivrer une carte de séjour temporaire ; que, dès lors, elle n'implique pas nécessairement la délivrance d'une carte de séjour temporaire ; qu'en revanche, il appartient au juge administratif, lorsqu'il prononce l'annulation d'un arrêté de reconduite à la frontière et qu'il est saisi de conclusions en ce sens, d'user des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 911-2 du code de justice administrative pour fixer le délai dans lequel la situation de l'intéressé doit être réexaminée, au vu de l'ensemble de la situation de droit et de fait existant à la date de ce réexamen ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de prescrire au PREFET DE POLICE de se prononcer sur la situation de Mme B dans le délai d'un mois suivant la notification de la présente décision ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

Considérant que Mme B a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir de ces dispositions ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros que demande la SCP Gaschignard, avocat de Mme B, qui renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête du PREFET DE POLICE est rejetée.

Article 2 : Le PREFET DE POLICE se prononcera sur la situation de Mme B dans le délai d'un mois suivant la notification de la présente décision.

Article 3 : L'Etat versera à la SCP Gaschignard la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 4 : Le surplus des conclusions de Mme B est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE POLICE, à Mme Fatima A épouse B et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.


Synthèse
Formation : 2eme sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 251748
Date de la décision : 23/06/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 23 jui. 2004, n° 251748
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Honorat
Rapporteur public ?: Mme de Silva
Avocat(s) : SCP GASCHIGNARD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2004:251748.20040623
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