La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/06/2004 | FRANCE | N°254607

France | France, Conseil d'État, 1ere sous-section jugeant seule, 23 juin 2004, 254607


Vu la requête, enregistrée le 28 février 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE ; le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 19 décembre 2002 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 27 septembre 2002 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme Fatiha X et la décision du même jour fixant le pays à destination duquel elle doit être reconduite ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme X d

evant le tribunal administratif de Paris ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu ...

Vu la requête, enregistrée le 28 février 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE ; le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 19 décembre 2002 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 27 septembre 2002 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme Fatiha X et la décision du même jour fixant le pays à destination duquel elle doit être reconduite ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme X devant le tribunal administratif de Paris ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. de la Ménardière, Conseiller d'Etat,

- les observations de Me de Nervo, avocat de Mme X,

- les conclusions de M. Devys, Commissaire du gouvernement ;

Sur la légalité de la mesure de reconduite à la frontière :

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 : Le représentant de l'Etat dans le département et à Paris, le préfet de police, peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme X, de nationalité algérienne, s'est maintenue sur le territoire français plus d'un mois à compter de la notification, le 19 novembre 2001, de l'arrêté du 15 novembre 2001 par lequel le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour ; qu'elle se trouvait ainsi dans le cas où, en application du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;

Considérant que, quel qu'en soit le bien-fondé, les craintes dont peut faire état un étranger faisant l'objet d'un arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière quant à la situation qui serait la sienne en cas de retour dans son pays d'origine sont sans incidence sur la légalité de mesure de reconduite à la frontière ; que, par suite, c'est à tort que le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris s'est fondé sur de tels éléments pour annuler l'arrêté du PREFET DES HAUTS-DE-SEINE ordonnant la reconduite à la frontière de Mme X ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme X devant le tribunal administratif de Paris ;

Sur le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

Considérant que si Mme X, qui est entrée en France le 8 août 2000, fait valoir qu'elle et ses enfants, qui sont scolarisés en France, sont bien intégrés dans la société française, elle ne se prévaut d'aucune attache familiale en France, alors qu'il ressort des pièces du dossier que plusieurs membres de sa famille, dont notamment sa mère et six de ses frères et soeur, résident dans son pays d'origine ; qu'ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment de la durée et des conditions de séjour de Mme X en France, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté du PREFET DES HAUTS-DE-SEINE du 27 septembre 2002 n'a pas porté au droit de celle-ci au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'il n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur l'exception d'illégalité de la décision du refus de titre de séjour :

Considérant, en premier lieu, que l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, qui régit en principe d'une manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France, n'a pas entendu écarter, sauf stipulations incompatibles expresses, l'application des dispositions de procédure qui s'appliquent à tous les étrangers en ce qui concerne la délivrance des titres de séjour, notamment celles de l'article 12 quater de l'ordonnance du 2 novembre 1945 qui imposent au préfet de saisir la commission du titre de séjour lorsqu'il envisage de refuser de délivrer ou de renouveler un titre de séjour à un étranger mentionné à l'article 12 bis de la même ordonnance, lequel définit les conditions de délivrance de plein droit d'une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale à l'étranger dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ;

Considérant toutefois que, pour les motifs exposés ci-dessus relatifs à la situation familiale de Mme X, le refus de lui accorder un titre de séjour ne porte pas une telle atteinte au respect de sa vie privée et familiale ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le préfet était tenu de consulter la commission du titre de séjour préalablement à sa décision ne peut qu'être écarté ;

Considérant, en second lieu, qu'il ressort des pièces du dossier et n'est d'ailleurs pas contesté que Mme X n'était pas titulaire, à la date de la décision de refus de titre de séjour, d'un passeport muni du visa de long séjour exigé par l'article 9 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, dans sa rédaction alors en vigueur ; qu'ainsi, le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE, après avoir procédé à l'examen de la situation individuelle de Mme X, a pu légalement se fonder sur ce motif pour refuser à l'intéressée, par sa décision du 15 novembre 2001, le titre de séjour sollicité ;

Sur la légalité de la décision de la décision fixant le pays de destination :

Considérant que, si Mme X allègue qu'elle courrait des risques graves en cas de retour dans son pays d'origine du fait de menaces terroristes en raison du fait que son mari, dont elle a divorcé le 12 décembre 2001, était sensible aux thèses islamiques et s'opposait à l'activité de son épouse au Lycée d'Arzeur, lequel avait fait l'objet d'un attentat en 1998 et que le frère de son ex-époux avait des activités terroristes, la réalité des risques invoqués ne ressort pas des pièces du dossier ; qu'en particulier, les attestations et justifications produites en appel ne peuvent être regardées comme probantes, eu égard notamment à la période de près de quatre ans qui s'est écoulée entre les actes terroristes allégués et son départ de l'Algérie ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 27 septembre 2002 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme X ainsi que sa décision du même jour fixant l'Algérie comme pays de destination ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement en date du 19 décembre 2002 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande présentée devant le tribunal administratif de Paris par Mme X est rejetée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DES HAUTS-DE-SEINE, à Mme Fatiha X et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.


Synthèse
Formation : 1ere sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 254607
Date de la décision : 23/06/2004
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 23 jui. 2004, n° 254607
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Arrighi de Casanova
Rapporteur ?: M. Gilles de la Ménardière
Rapporteur public ?: M. Devys
Avocat(s) : DE NERVO

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2004:254607.20040623
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award