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28/06/2004 | FRANCE | N°256452

France | France, Conseil d'État, 3eme sous-section jugeant seule, 28 juin 2004, 256452


Vu la requête, enregistrée le 30 avril 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE LA MARNE ; le PREFET DE LA MARNE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 11 avril 2003 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé son arrêté du 2 avril 2003 décidant la reconduite à la frontière de X... Benoîte ;Y

2°) de rejeter la demande présentée par Mme Y devant le tribunal administratif ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Convention e

uropéenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'ordonnanc...

Vu la requête, enregistrée le 30 avril 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE LA MARNE ; le PREFET DE LA MARNE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 11 avril 2003 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé son arrêté du 2 avril 2003 décidant la reconduite à la frontière de X... Benoîte ;Y

2°) de rejeter la demande présentée par Mme Y devant le tribunal administratif ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée, relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Crépey, Auditeur,

- les observations de la SCP Gaschignard, avocat de Mme Benoîte Y...,

- les conclusions de M. Glaser, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que l'article R. 776-14 du code de justice administrative prévoit que les jugements rendus sur les recours en annulation dirigés contre les arrêtés de reconduite à la frontière des étrangers sont prononcés à l'audience ; qu'aux termes de l'article R. 776-17, applicable au même contentieux : Le dispositif du jugement, assorti de la formule exécutoire (...), est communiqué sur place aux parties présentes à l'audience qui en accusent aussitôt réception./ S'il ne l'a pas été sur place, le jugement est notifié sans délai et par tous moyens aux parties qui en accusent réception (...) ; qu'il ressort des pièces du dossier que le jugement attaqué du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne en date du 11 avril 2003, notifié aux parties conformément aux dispositions du deuxième alinéa de l'article R. 776-17 précité du code de justice administrative, comportait un dispositif différent de celui qui avait été communiqué sur place aux parties en application du premier alinéa du même article ; que ce jugement doit, dès lors, être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu, pour le Conseil d'Etat, de statuer immédiatement, par voie d'évocation, sur la demande de Mme Y dirigée contre l'arrêté du 2 avril 2003 par lequel le PREFET DE LA MARNE a décidé sa reconduite à la frontière ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : Le représentant de l'Etat dans le département, et, à Paris, le préfet de police, peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) ; que Mme Y de nationalité camerounaise, s'est maintenue sur le territoire national plus d'un mois après la notification, le 18 décembre 2002, de la décision du 10 décembre 2002 lui refusant son titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'ainsi, l'intéressée était dans l'un des cas où le préfet peut légalement décider la reconduite à la frontière d'un étranger ;

Considérant qu'en vertu du 3ème alinéa de l'article 12 quater de l'ordonnance du 2 novembre 1945, dans sa rédaction issue de la loi du 11 mai 1998, la commission du titre de séjour est saisie par le préfet lorsque celui-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article 12 bis ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné à l'article 15 ; qu'aux termes du 4° de l'article 12 bis de la même ordonnance, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : / (...) 4° A l'étranger (...) marié avec un ressortissant de nationalité française (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que si, à la date de sa demande de titre de séjour, Mme Y avait rompu la vie commune avec son conjoint français en portant plainte pour violences, elle était encore mariée avec lui ; qu'elle entrait donc dans la catégorie des étrangers visés au 4° de l'article 12 bis de l'ordonnance susmentionnée, auxquels la carte de séjour vie privée et familiale est délivrée de plein droit ; que, par suite, le PREFET DE POLICE était tenu de soumettre son cas à la commission du titre de séjour ; qu'ainsi, le moyen tiré du défaut de consultation de cette instance, soulevé par Mme Y par voie d'exception à l'encontre du refus de titre de séjour qui lui a été opposé le 10 décembre 2002, doit être accueilli ; que, dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la requête, l'intéressée est fondée à demander l'annulation de l'arrêté du PREFET DE LA MARNE en date du 2 avril 2003 décidant sa reconduite à la frontière ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

Considérant que Mme Y a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP David Gaschignard, avocat de Mme Y, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne en date du 11 avril 2003 est annulé.

Article 2 : L'arrêté du 2 avril 2003 par lequel le PREFET DE LA MARNE a ordonné la reconduite à la frontière de Mme Y... Y est annulé.

Article 3 : L'Etat versera à la SCP David Gaschignard, avocat de Mme ... la somme de 3 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que ladite société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE POLICE, à Mme Benoîte Y... Y et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.


Synthèse
Formation : 3eme sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 256452
Date de la décision : 28/06/2004
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 28 jui. 2004, n° 256452
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin Laprade
Rapporteur ?: M. Edouard Crépey
Rapporteur public ?: M. Glaser
Avocat(s) : SCP GASCHIGNARD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2004:256452.20040628
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