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28/06/2004 | FRANCE | N°261533

France | France, Conseil d'État, President de la section du contentieux, 28 juin 2004, 261533


Vu la requête, enregistrée le 4 novembre 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Mohamed X domicilié ... ; M. X demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 7 octobre 2003 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 mars 2003 par lequel le préfet de l'Isère a décidé sa reconduite à la frontière et fixé le pays à destination duquel il sera reconduit ;

2°) d'annuler cet a

rrêté et cette décision pour excès de pouvoir ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isèr...

Vu la requête, enregistrée le 4 novembre 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Mohamed X domicilié ... ; M. X demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 7 octobre 2003 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 mars 2003 par lequel le préfet de l'Isère a décidé sa reconduite à la frontière et fixé le pays à destination duquel il sera reconduit ;

2°) d'annuler cet arrêté et cette décision pour excès de pouvoir ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans les deux jours suivant la notification de la décision et de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 820 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;

Vu la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 modifiée relative au droit d'asile ;

Vu le décret n° 98-503 du 23 juin 1998 relatif à l'asile territorial ;

Vu le décret n° 46-1574 du 30 juin 1946 modifié réglementant les conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- les conclusions de Mme Roul, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, de nationalité algérienne, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 18 septembre 2002, de la décision du préfet de l'Isère du 13 septembre 2002 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'il entrait ainsi dans le champ d'application de la disposition précitée ;

Sur la légalité interne de l'arrêté de reconduite à la frontière :

Sur l'exception d'illégalité de la décision du ministre de l'intérieur du 6 août 2002 lui refusant l'asile territorial :

Considérant que si M. X soutient que la procédure à suivre en matière d'asile territorial n'a pas été suivie en ce que le préfet de l'Isère n'a pas transmis l'entier dossier de sa demande d'asile territorial au ministre de l'Intérieur et que ce dernier n'a pas transmis l'entier dossier au ministre des affaires étrangères, il ne ressort pas des pièces du dossier que ces allégations soient fondées ; que, par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté ;

Considérant qu'aux termes de l'article 13 de la loi du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile dans sa rédaction issue de la loi du 11 mai 1998 : l'asile territorial peut être accordé par le ministre de l'intérieur après consultation du ministre des affaires étrangères à un étranger si celui-ci établit que sa vie ou sa liberté est menacée dans son pays ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant que M. X soutient qu'il a été personnellement menacé avant son départ d'Algérie où il a subi des pressions des terroristes et que sa famille a été victime du racket d'un groupe terroriste ; que, toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que le ministre de l'intérieur ait commis une erreur manifeste d'appréciation en lui refusant l'asile territorial, ni qu'il ait méconnu tant les dispositions précitées de l'article 13 de la loi du 25 juillet 1952 que les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur l'exception d'illégalité de la décision du préfet de l'Isère du 13 septembre 2002 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour :

Considérant que le troisième avenant à l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, signé le 11 juillet 2001, n'est pas encore entré en vigueur à la date à laquelle le préfet de l'Isère a décidé de refuser la délivrance d'un titre de séjour à l'intéressé ; que M. X ne peut donc utilement se prévaloir de l'article 6-5° de l'accord franco-algérien à l'encontre de la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour ;

Considérant que si M. X fait valoir qu'il est très bien intégré en France, où son père réside régulièrement depuis 1972, et qu'il a les meilleures perspectives professionnelles eu égard à ses compétences, il ne ressort pas des pièces du dossier que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée et des conditions de séjour de M. X en France, lequel est célibataire et sans enfant à charge et qui a conservé de nombreuses attaches familiales en Algérie, le préfet de l'Isère, en refusant de délivrer un titre de séjour, ait porté au droit de celui-ci au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la mesure a été prise ; qu'ainsi, il n'a méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé ;

Considérant que si l'article 12 quater de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée impose au préfet de consulter la commission du titre de séjour lorsqu'il envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour à un étranger relevant de l'une des catégories mentionnées aux articles 12 bis et 15 de cette ordonnance, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. X appartienne à l'une de ces catégories ; qu'il en résulte que le moyen tiré de ce que la décision du préfet de l'Isère serait irrégulière faute d'avoir été précédée de la consultation de la commission du titre de séjour, doit être écarté ;

Sur les autres moyens dirigés contre l'arrêté ordonnant la reconduite à la frontière de M. X :

Considérant qu'il ne résulte pas des diverses circonstances de l'espèce, précédemment rappelées, qu'en décidant la reconduite à la frontière de l'intéressé, le préfet de l'Isère, dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il n'ait pas examiné la situation personnelle de M. X, ait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni qu'il ait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure de reconduite sur la situation personnelle de M. X YX ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination de la reconduite :

Considérant qu'aux termes du second alinéa de l'article 27 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant que l'arrêté de reconduite à la frontière pris à l'encontre de M. X est assorti d'une décision distincte fixant l'Algérie comme pays à destination duquel l'intéressé sera reconduit ; que si M. X fait état de ce qu'il courrait des risques en cas de retour en Algérie, il n'apporte toutefois pas de justifications suffisantes pour établir l'existence des risques personnels dont il se prévaut ; qu'il n'est, par suite, pas fondé à soutenir que la décision distincte fixant le pays de destination méconnaîtrait tant les dispositions de l'article 27 bis de l'ordonnance de 2 novembre 1945 que les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X YX n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de l'Isère de délivrer à M. X une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois :

Considérant que la présente décision, qui rejette les conclusions de M X, n'implique ni que lui soit délivré un titre de séjour ni que le préfet ne réexamine sa situation ; que, par suite, ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. X demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La demande de M. X est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Mohamed X, au préfet de l'Isère et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 28 jui. 2004, n° 261533
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Musitelli
Rapporteur public ?: Mme Roul

Origine de la décision
Formation : President de la section du contentieux
Date de la décision : 28/06/2004
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 261533
Numéro NOR : CETATEXT000008197843 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2004-06-28;261533 ?
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