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07/07/2004 | FRANCE | N°254165

France | France, Conseil d'État, 3eme et 8eme sous-sections reunies, 07 juillet 2004, 254165


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 13 février 2003 et 13 mars 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE DE CELOUX, représentée par son maire en exercice ; la COMMUNE DE CELOUX demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 5 décembre 2002 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon, sur déféré du préfet du Cantal, a annulé le jugement du 12 avril 2001 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand, ensemble la délibération du 2 février 2001 par laquelle son conseil municipal a annulé

sa délibération du 29 janvier 2001 et confirmé la précédente en date du 15...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 13 février 2003 et 13 mars 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE DE CELOUX, représentée par son maire en exercice ; la COMMUNE DE CELOUX demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 5 décembre 2002 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon, sur déféré du préfet du Cantal, a annulé le jugement du 12 avril 2001 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand, ensemble la délibération du 2 février 2001 par laquelle son conseil municipal a annulé sa délibération du 29 janvier 2001 et confirmé la précédente en date du 15 décembre 2000 décidant d'offrir aux enfants de la commune, à leurs accompagnateurs, à certains agriculteurs ou encore à des personnes participant à la vie de la commune, un voyage de découverte à la Guadeloupe ;

2°) de prononcer le sursis à exécution dudit arrêt et de rejeter les conclusions présentées par le préfet du Cantal devant la cour administrative d'appel de Lyon ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Gilles Bardou, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Laugier, Caston, avocat de la COMMUNE DE CELOUX,

- les conclusions de M. François Séners, Commissaire du gouvernement ;

Sur la légalité de la délibération du 2 février 2001 de la COMMUNE DE CELOUX :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 1111-2 du code général des collectivité territoriales : Les communes... règlent par leurs délibérations les affaires de leur compétence (...) ; qu'aux termes de l'article L. 2121-29 du même code : Le conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la commune (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par délibération du 2 février 2001, le conseil municipal de la COMMUNE DE CELOUX (Cantal), qui venait de recevoir une indemnité versée en application d'une décision de justice, a décidé d'utiliser cette somme pour financer un voyage d'une semaine à la Guadeloupe ouvert prioritairement aux enfants de cette commune de 89 habitants ainsi qu'aux parents souhaitant les accompagner ; que ce voyage, qui a eu lieu pendant les vacances scolaires suivantes, a réuni 48 personnes, dont 22 enfants pour un coût voisin de 45 000 euros ; que la cour a jugé que ce voyage, faute de s'inscrire dans le cadre d'un projet précis d'intérêt communal, constituait un voyage d'agrément servant seulement l'intérêt privé de ses 48 bénéficiaires et non une opération d'intérêt public communal ; qu'en regardant ainsi comme négligeables les motifs de la délibération, prise notamment pour favoriser l'ouverture vers l'extérieur des habitants de cette commune géographiquement isolée à 1000 mètres d'altitude et défavorisée sur les plans culturel et économique, et pour fédérer l'esprit communal selon le même objectif qu'avait déjà poursuivi la commune en organisant dans le passé des voyages de découverte au profit des enfant de Celoux, la cour a inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis ; que la COMMUNE DE CELOUX est dès lors fondée à demander, pour ce motif, l'annulation de l'arrêt attaqué ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, par application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond ;

Considérant que, compte tenu des circonstances de l'espèce rappelées ci-dessus, l'organisation au bénéfice de l'ensemble de la population de la commune de Celoux, notamment des jeunes, d'un voyage de découverte en commun, revêt un intérêt communal ; que, par suite, le conseil municipal de la COMMUNE DE CELOUX n'a pas méconnu les dispositions précitées des articles L. 1111-2 et L. 2121-29 du code général des collectivités territoriales ;

Considérant que si la commune a justifié de la possibilité de prendre en charge le financement du voyage litigieux par la disposition d'une recette exceptionnelle liée au règlement favorable d'un contentieux financier, le préfet du Cantal ne peut utilement critiquer la légalité de la délibération litigieuse au motif que les dépenses en cause auraient été réglées en méconnaissance du principe d'universalité budgétaire ; que le moyen tiré de ce que le voyage aurait obéré la situation financière de la commune manque en fait ;

Considérant que les allégations du préfet selon lesquelles la délibération litigieuse aurait méconnu le principe d'égalité ne sont pas assorties de précisions suffisantes pour en apprécier la portée ;

Considérant, enfin, que la circonstance que les motifs de la délibération critiquée auraient été complétés, d'ailleurs à la suite des observations préfectorales, par rapport à ceux sur lesquels reposaient deux précédentes délibérations portant sur le même projet est sans influence sur la légalité de la délibération déférée par le préfet qui, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, justifie par elle-même l'existence d'un intérêt public communal ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Cantal n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté le déféré présenté contre la délibération du 2 février 2001 de la COMMUNE DE CELOUX ;

Sur les conclusions de la commune tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par la COMMUNE DE CELOUX tant devant le Conseil d'Etat qu'en appel et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt en date du 5 décembre 2002 de la cour administrative d'appel de Lyon est annulé.

Article 2 : Les conclusions d'appel présentées par le préfet du Cantal devant la cour administrative d'appel de Lyon sont rejetées.

Article 3 : L'Etat versera à la COMMUNE DE CELOUX une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE CELOUX, au préfet du Cantal et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.


Synthèse
Formation : 3eme et 8eme sous-sections reunies
Numéro d'arrêt : 254165
Date de la décision : 07/07/2004
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

COLLECTIVITÉS TERRITORIALES - COMMUNE - ORGANISATION DE LA COMMUNE - ORGANES DE LA COMMUNE - CONSEIL MUNICIPAL - ATTRIBUTIONS - DÉCISIONS RELEVANT DE LA COMPÉTENCE DU CONSEIL MUNICIPAL - DÉLIBÉRATION ORGANISANT AU BÉNÉFICE DE L'ENSEMBLE DE LA POPULATION D'UNE COMMUNE GÉOGRAPHIQUEMENT ISOLÉE UN VOYAGE DE DÉCOUVERTE EN COMMUN.

135-02-01-02-01-02-02 Revêt un intérêt communal une délibération organisant au bénéfice de l'ensemble de la population d'une commune géographiquement isolée un voyage de découverte en commun.

PROCÉDURE - VOIES DE RECOURS - CASSATION - CONTRÔLE DU JUGE DE CASSATION - RÉGULARITÉ INTERNE - QUALIFICATION JURIDIQUE DES FAITS - EXISTENCE - APPRÉCIATION DE L'INTÉRÊT COMMUNAL D'UNE OPÉRATION AUTORISÉE PAR UNE DÉLIBÉRATION DU CONSEIL MUNICIPAL.

54-08-02-02-01-02 L'appréciation portée par une cour administrative d'appel sur l'intérêt communal que revêt ou non une opération autorisée par une délibération du conseil municipal relève du contrôle de qualification juridique du juge de cassation.


Références :



Publications
Proposition de citation : CE, 07 jui. 2004, n° 254165
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Lasserre
Rapporteur ?: M. Gilles Bardou
Rapporteur public ?: M. Séners
Avocat(s) : SCP LAUGIER, CASTON

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2004:254165.20040707
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