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07/07/2004 | FRANCE | N°257428

France | France, Conseil d'État, 7eme sous-section jugeant seule, 07 juillet 2004, 257428


Vu la requête, enregistrée le 3 juin 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE L'EURE ; le PREFET DE L'EURE demande au Conseil d'Etat d'annuler le jugement du 25 avril 2003 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 31 mars 2003 décidant la reconduite à la frontière de Mme Solle Marie-Thérèse X ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'ordonnance n° 45-26

58 du 2 novembre 1945 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoi...

Vu la requête, enregistrée le 3 juin 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE L'EURE ; le PREFET DE L'EURE demande au Conseil d'Etat d'annuler le jugement du 25 avril 2003 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 31 mars 2003 décidant la reconduite à la frontière de Mme Solle Marie-Thérèse X ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Alain Christnacht, Conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Denis Piveteau, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que, pour annuler l'arrêté du 31 mars 2003 par lequel le PREFET DE L'EURE a ordonné la reconduite à la frontière de Mme X, de nationalité ivoirienne, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rouen s'est fondé sur ce que cet arrêté aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant que, si Mme X entrée en France en 2000, célibataire et sans enfant, fait valoir qu'elle n'a plus d'attaches familiales en Côte-d'Ivoire et que sa mère, ainsi que d'autres membres de sa famille, vivent en France, il ressort des pièces du dossier que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée et des conditions de séjour de Mme X en France, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté du PREFET DE L'EURE en date du 31 mars 2003 n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'il n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE L'EURE est fondé à soutenir que c'est à tort que le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Rouen s'est fondé sur ce motif pour annuler l'arrêté de reconduite à la frontière visant Mme X ;

Considérant qu'il appartient au juge d'appel, saisi par l'effet dévolutif, d'examiner les autres moyens de la demande présentée par Mme X devant le tribunal administratif de Rouen ;

Sur la décision de reconduite à la frontière :

Considérant que l'erreur qui résulterait de la mention dans l'arrêté de reconduite à la frontière de la résidence en Côte d'Ivoire de la mère de la requérante, alors que celle-ci allègue qu'elle vivait en France à la date de l'arrêté attaqué, est, en tout état de cause, sans incidence sur la légalité de l'arrêté attaqué ; que l'exception d'illégalité soulevée par Mme X, à l'encontre de l'arrêté en date du 9 juillet 2001 par lequel le PREFET DE L'EURE a rejeté sa demande de titre de séjour, qui est devenu définitif, est irrecevable ; que les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations des articles 5 et 17 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de celles de la convention de Schengen du 19 juin 1990 ne sont assortis d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien fondé ; que Mme X n'établit pas qu'un traitement de la pathologie dont elle est affectée ne pourrait lui être prodigué dans les mêmes conditions en Côte d'Ivoire ; que, si elle allègue qu'elle s'est parfaitement intégrée en France et notamment qu'elle exerce une activité professionnelle et a loué un appartement à son nom, il ne ressort pas de ces seules circonstances que le PREFET DE L'EURE aurait commis une erreur manifeste dans son appréciation des conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé de la mesure de reconduite à la frontière contestée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, Mme X n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du PREFET DE L'EURE du 31 mars 2003 en tant qu'il a ordonné sa reconduite à la frontière ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

Considérant que la référence à la situation troublée en Côte d'Ivoire, particulièrement dans les régions de l'Ouest dont Mme X est originaire, ne peut, à elle seule, en l'absence de tout élément relatif à sa situation personnelle, permettre de regarder comme établies des circonstances de nature à faire légalement obstacle à sa reconduite à destination de son pays d'origine, en vertu des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article 27 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du PREFET DE L'EURE du 31 mars 2003 en tant qu'il a fixé la Côte d'Ivoire comme pays de destination de la reconduite ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme X demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rouen du 25 avril 2003 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme X devant le tribunal administratif de Rouen et ses conclusions devant le Conseil d'Etat tendant à ce que soit mis à la charge de l'Etat une somme au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens sont rejetés.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE L'EURE, à Mme Solle Marie-Thérèse X et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.


Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 07 jui. 2004, n° 257428
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Delarue
Rapporteur ?: M. Alain Christnacht
Rapporteur public ?: M. Piveteau

Origine de la décision
Formation : 7eme sous-section jugeant seule
Date de la décision : 07/07/2004
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 257428
Numéro NOR : CETATEXT000008191116 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2004-07-07;257428 ?
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