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07/07/2004 | FRANCE | N°257609

France | France, Conseil d'État, 7eme sous-section jugeant seule, 07 juillet 2004, 257609


Vu la requête, enregistrée le 11 juin 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Amara X, demeurant ... ; M. X demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 10 mai 2003 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 mai 2003 du préfet de Vaucluse décidant sa reconduite à la frontière et fixant la Tunisie comme pays de destination ;

2°) d'enjoindre au préfet de Vaucluse de lui délivrer une autorisation de séjour, par ap

plication de l'article 10 de la convention franco-tunisienne et, subsidiairement,...

Vu la requête, enregistrée le 11 juin 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Amara X, demeurant ... ; M. X demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 10 mai 2003 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 mai 2003 du préfet de Vaucluse décidant sa reconduite à la frontière et fixant la Tunisie comme pays de destination ;

2°) d'enjoindre au préfet de Vaucluse de lui délivrer une autorisation de séjour, par application de l'article 10 de la convention franco-tunisienne et, subsidiairement, une autorisation provisoire de séjour ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord du 17 mai 1988 entre la France et la Tunisie en matière de séjour et de travail ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Alain Christnacht, Conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Denis Piveteau, Commissaire du gouvernement ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté de reconduite à la frontière :

Sur l'exception d'illégalité de la décision de refus de séjour du 24 janvier 2003 :

Considérant que le préfet de Vaucluse a notifié le 24 janvier 2003 à M. X, avec indication des voies et délais de recours, une décision de refus de titre de séjour, qui est devenue définitive ; que, dès lors, l'exception d'illégalité soulevée par le requérant dans sa requête du 11 juin 2003 à l'encontre de cette décision est irrecevable et ne peut qu'être rejetée ;

Sur les moyens de légalité externe :

Considérant que les litiges relatifs aux mesures de reconduite à la frontière n'entrant pas dans le champ d'application de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le requérant ne saurait utilement se prévaloir de ses stipulations pour soutenir qu'en prévoyant, pour le contentieux des arrêtés de reconduite à la frontière, d'une part, que le rapport est fait par le président du tribunal ou son délégué, d'autre part, que les jugements sont rendus par le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il délègue, sans conclusions du commissaire du gouvernement, les dispositions des articles R. 776-2 et R. 776-13 du code de justice administrative auraient méconnu le principe du droit à un procès équitable ; que le mémoire du préfet de Vaucluse en date du 10 mai 2003 ayant été adressé au tribunal avant le début de l'audience, fixée au même jour, M. X, qui a été mis à même d'en obtenir communication à l'audience, ne peut utilement soutenir que, faute de communication préalable de ce mémoire, le principe du contradictoire aurait été méconnu ; qu'il ne résulte pas de l'examen du jugement attaqué que le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Marseille ait omis, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 741-I du code de justice administrative de viser un texte dont il aurait fait application ou d'analyser des moyens opérants soulevés par les parties ; qu'en particulier, ce magistrat n'était pas tenu de viser l'accord du 17 mars 1988 modifié entre les gouvernements français et tunisien, dont le jugement ne fait pas application ; que le jugement, par lequel il a été répondu à tous les moyens opérants soulevés, est suffisamment motivé au regard des dispositions de l'article L. 9 du code de justice administrative ; que le moyen tiré de ce que le délibéré aurait méconnu les dispositions de l'article R. 741-1 du code de justice administrative, qui n'est assorti d'aucun élément permettant d'en apprécier le bien-fondé, ne peut qu'être rejeté ; que la mention prononcé en audience publique ne méconnaît pas les dispositions des articles R. 776-14 et R. 776-17 du code de justice administrative qui prévoient respectivement que : Le jugement est prononcé à l'audience et que : Le dispositif du jugement, assortie de la formule exécutoire prévue à l'article R. 751-1, est communiquée sur place aux parties présentes à l'audience, qui en accusent aussitôt réception (...) ; que le moyen tiré de ce que la minute du jugement n'a pas été signée par le magistrat qui l'a rendu manquant en fait, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article R. 624-2 du code de justice administrative ; que le moyen tiré de ce magistrat délégué ne disposait pas d'une délégation régulière par le président du tribunal administratif de Marseille manque en fait ; que le moyen tiré de ce que le jugement aurait été notifié en méconnaissance des dispositions de l'article R. 751-5 du code de justice administrative, lequel n'est pas applicable au contentieux des reconduites à la frontière, est inopérant ;

Sur les moyens de légalité interne :

Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que M. X, de nationalité tunisienne, est le père d'un enfant, né le 25 septembre 2002, dont la mère a la même nationalité ; que, par suite, cet enfant n'est pas français à sa naissance ; que, dès lors, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Marseille pouvait, sans surseoir à statuer pour saisir le juge civil, estimer que l'allégation du requérant selon laquelle il était le père d'un enfant français n'était assortie d'aucun élément de preuve susceptible d'en établir la réalité ; que, M. X, qui n'est pas l'ascendant direct d'un enfant français, ne saurait utilement se prévaloir de cette qualité, ni soutenir qu'il ne peut, à ce titre, faire l'objet d'une mesure d'éloignement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance - 2° - Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ;

Considérant que, si M. X allègue qu'il est entré en France en 1988 et qu'il est marié avec une compatriote titulaire d'une carte de résident, il résulte des pièces du dossier que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée de sa vie familiale et des conditions de son séjour en France, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté du préfet de Vaucluse en date du 7 mai 2003 n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ;

Considérant que, lorsqu'un étranger se trouve dans un des cas où, en vertu de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, le préfet peut ordonner sa reconduite à la frontière et alors même que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde et des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne font pas obstacle à une décision de reconduite, il appartient au préfet d'apprécier si la mesure envisagée n'est pas de nature à comporter des conséquences d'une gravité exceptionnelle sur la situation personnelle de l'intéressé ;

Considérant qu'il ne résulte pas des pièces du dossier que le préfet de Vaucluse ait entaché la décision par laquelle il a ordonné la reconduite à la frontière de M. X d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette mesure sur la situation personnelle de celui-ci ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du préfet de Vaucluse de le reconduire à la frontière ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

Considérant que si M. X allègue que son retour en Tunisie présenterait des risques pour sa sécurité ou sa liberté, il ne produit pas le moindre élément relatif à sa situation personnelle permettant de regarder comme établies des circonstances de nature à faire légalement obstacle à sa reconduite à destination de son pays d'origine ; que M. X n'est, par suite, en tout état de cause, pas fondé à soutenir que les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article 27 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 auraient été méconnues ; que, dès lors, il n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de Vaucluse en tant qu'il fixe la Tunisie comme pays de destination de la reconduite ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

Considérant que la présente décision n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, dès lors, les conclusions de la requête aux fins d'injonction sous astreinte ne peuvent être accueillies ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. X demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. X est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Amara X, au préfet de Vaucluse et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.


Synthèse
Formation : 7eme sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 257609
Date de la décision : 07/07/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 07 jui. 2004, n° 257609
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Delarue
Rapporteur ?: M. Alain Christnacht
Rapporteur public ?: M. Piveteau

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2004:257609.20040707
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