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15/07/2004 | FRANCE | N°248670

France | France, Conseil d'État, 8eme et 3eme sous-sections reunies, 15 juillet 2004, 248670


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 15 juillet et 15 novembre 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE ALSAIR, dont le siège est aéroport de Colmar Houssen à Houssen (58125) ; la SOCIETE ALSAIR demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 23 avril 2002 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Paris du 27 avril 2000 ayant rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à réparer le préjudice résultant d'

un trop perçu sur la redevance pour services terminaux de la circul...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 15 juillet et 15 novembre 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE ALSAIR, dont le siège est aéroport de Colmar Houssen à Houssen (58125) ; la SOCIETE ALSAIR demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 23 avril 2002 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Paris du 27 avril 2000 ayant rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à réparer le préjudice résultant d'un trop perçu sur la redevance pour services terminaux de la circulation aérienne depuis 1991 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'aviation civile ;

Vu la loi n° 95-1346 du 30 décembre 1995 ;

Vu la loi n° 98-1171 du 18 décembre 1998 ;

Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 modifié portant règlement général sur la comptabilité publique ;

Vu le décret n° 92-1369 du 29 décembre 1992 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Patrick Quinqueton, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la SOCIETE ALSAIR et de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat du ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer,

- les conclusions de M. Gilles Bachelier, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article R. 134-6 du code de l'aviation civile : Le recouvrement de la redevance pour services terminaux de la navigation aérienne est assuré selon la réglementation en vigueur en matière de créances de l'Etat mentionnées à l'article 80 du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 ; que le décret n° 92-1369 du 29 décembre 1992, qui fixe les dispositions applicables au recouvrement de ces créances, dispose en son article 6 que les titres de perception émis par les ordonnateurs peuvent faire l'objet de la part des redevables (...) d'une opposition à l'exécution en cas de contestation de l'existence de la créance, de son montant ou de son exigibilité ; qu'aux termes de l'article 7 du même décret : Avant de saisir la juridiction compétente, le redevable doit, dans les délais fixés à l'article 8 ci-après, adresser sa réclamation appuyée de toutes justifications au comptable qui a pris en charge l'ordre de recette ;

Considérant que, par décision en date du 10 février 1995, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé l'arrêté du 21 décembre 1992 du ministre du budget et du ministre de l'équipement, du logement et des transports fixant pour l'année 1993 les conditions d'établissement et de perception de la redevance pour services terminaux de la circulation aérienne instituée par l'article R. 134-4 du code de l'aviation civile ; que, par arrêté du 21 février 1996, le ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme et le ministre délégué au budget ont, sur le fondement des dispositions de l'article 97 de la loi du 30 décembre 1995 portant loi de finances pour 1996, rétroactivement modifié certaines règles concernant les modalités de calcul de la redevance mentionnée ci-dessus pour les années 1991 à 1995 ; que, sur le fondement de cet arrêté, l'administration a émis le 13 juin 1996 des titres de perception rectificatifs se substituant aux titres antérieurement émis et qui ont minoré le montant des sommes dues par la compagnie au titre de la redevance pour les années en cause ;

Sur la régularité de l'arrêt attaqué :

Considérant que la requête d'appel de la société a été enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Paris le 21 juin 2000 ; que le ministre de l'équipement, des transports et du logement a produit un mémoire en défense le 27 mars 2002, soit avant la date de clôture de l'instruction intervenue trois jours avant l'audience, soit le 29 mars 2002 ; que la requérante, qui n'allègue pas n'avoir pas obtenu communication de ce mémoire, a présenté une note en délibéré enregistrée le 4 avril 2002 ; que, dans les circonstances de l'espèce, et compte tenu de l'argumentation développée dans le mémoire en défense du ministre, qui reprend celle de son mémoire en défense devant les premiers juges et répond directement aux moyens développés par la requérante, le délai imparti à la société pour y répondre a été suffisant ; qu'ainsi l'arrêt attaqué n'est pas intervenu sur une procédure irrégulière ;

Sur le préjudice résultant du trop perçu de redevance pour services terminaux de la circulation aérienne excédant la diminution opérée par le titre de perception rectificatif du 13 juin 1996 :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la compagnie ne demande pas la réparation d'un préjudice distinct de celui résultant du trop perçu de la redevance qu'elle n'aurait pas dû supporter à raison du service rendu ; qu'ainsi la cour n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que la contestation des titres de paiement fixant le montant de la redevance pour services terminaux de la circulation aérienne et la demande d'indemnité à hauteur du trop perçu sur cette redevance avaient le même objet ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1376 du code civil : Celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû s'oblige à le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu ; que toutefois lorsqu'une décision relative au montant d'une redevance pour service rendu n'a pas été contestée dans les délais prescrits par un texte particulier, et devient ainsi définitive, elle ne peut être remise en question sur le seul fondement de la répétition de l'indu ; qu'à supposer que la demande indemnitaire de la compagnie requérante puisse être regardée comme présentée sur un tel fondement, c'est, dès lors, sans erreur de droit, quant à la portée des dispositions de l'article 1376 du code civil que la cour l'a regardée comme irrecevable ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société n'a contesté, par les voies déterminées par les articles 7 et 8 du décret du 29 décembre 1992, aucun des titres de perception émis au titre des années 1991 à 1995 ; que la demande à caractère indemnitaire dont elle a saisi le tribunal administratif de Paris était, à ce titre, irrecevable ; qu'elle n'a pas davantage fait opposition au titre de perception rectificatif daté du 13 juin 1996 ; que ce dernier titre s'est substitué de plein droit aux titres précédemment émis ; que c'est, dès lors, sans erreur de droit et sans dénaturation des pièces du dossier que la cour a jugé irrecevable la demande d'indemnité, en se fondant sur le caractère définitif de la décision exclusivement pécuniaire du 13 juin 1996, alors même que cette demande a été présentée avant que n'intervienne la décision en cause ;

Considérant qu'aux termes du II de l'article 2 de la loi du 18 décembre 1998 : Sont validés, sous réserve des décisions passées en force de chose jugée, les titres de perception émis au titre de la redevance pour services terminaux de la circulation aérienne prévue à l'article R. 134-4 du code de l'aviation civile, en tant que leur régularité serait contestée par le motif que les arrêtés du ministre chargé des transports et du ministre chargé du budget du 21 février 1996 (...) sur le fondement desquels ils ont été pris, intègrent dans leur base de calcul des dépenses qui ne peuvent être financées par redevance ; que, du fait de l'irrecevabilité de la requête, le moyen tiré de la méconnaissance par ces dispositions des stipulations de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales était inopérant ; que la cour n'était dès lors pas tenue d'y répondre ;

Considérant que si la société soutient que l'arrêt de la cour l'aurait privée du droit à un recours effectif garanti par l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et par l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention, ce moyen qui n'est pas d'ordre public est nouveau en cassation et, par suite, irrecevable ;

Sur le préjudice résultant du trop perçu de redevance pour services terminaux de la circulation aérienne ayant fait l'objet de la diminution opérée par le titre de perception rectificatif du 13 juin 1996 :

Considérant que la requête d'appel de la compagnie requérante tendait exclusivement à l'obtention d'une indemnité d'un montant égal à celui de la redevance pour services terminaux de la circulation aérienne indûment perçue, en réparation du préjudice que sa perception par l'Etat aurait constitué pour cette compagnie ; que le titre de perception rectificatif en date du 13 juin 1996, intervenu en application de l'arrêté ministériel du 21 février 1996, lui-même pris pour l'exécution de la décision en date du 10 février 1995 du Conseil d'Etat statuant au contentieux, se substituait de plein droit aux titres précédemment émis ; que, dès lors, c'est en entachant son arrêt d'une erreur de droit que la cour a statué sur les conclusions de la compagnie requérante, qui avaient perdu leur objet, dans la limite de la diminution de redevance opérée au bénéfice de cette compagnie par le titre de perception rectificatif ; qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE ALSAIR est fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il statue sur ses conclusions tendant à l'annulation du jugement en date du 27 avril 2000 du tribunal administratif de Paris en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité en réparation du préjudice résultant d'un trop perçu sur la redevance pour services terminaux de la circulation aérienne ayant fait l'objet de la diminution opérée par le titre de perception rectificatif du 13 juin 1996 ;

Considérant qu'il y a lieu pour le Conseil d'Etat de régler l'affaire au fond, en ce qui concerne ces conclusions, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Considérant que, pour les motifs indiqués ci-dessus, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions présentées par la compagnie requérante tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité en réparation du préjudice résultant d'un trop perçu sur la redevance pour services terminaux de la circulation aérienne ayant fait l'objet de la diminution opérée par le titre de perception rectificatif du 13 juin 1996 ;

Sur les conclusions des parties tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à verser la somme que demande la SOCIETE ALSAIR au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'accorder à l'Etat la somme que le ministre demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt en date du 23 avril 2002 de la cour administrative d'appel de Paris est annulé en tant qu'il a statué sur les conclusions de la SOCIETE ALSAIR tendant à l'annulation du jugement en date du 27 avril 2000 du tribunal administratif de Paris en tant qu'il a rejeté la demande de ladite compagnie tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité en réparation du préjudice résultant d'un trop perçu sur la redevance pour services terminaux de la circulation aérienne ayant fait l'objet de la diminution opérée par le titre de perception rectificatif du 13 juin 1996.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de la SOCIETE ALSAIR tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité en réparation du préjudice résultant d'un trop perçu sur la redevance pour services terminaux de la circulation aérienne ayant fait l'objet de la diminution opérée par le titre de perception rectificatif du 13 juin 1996.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la SOCIETE ALSAIR est rejeté.

Article 4 : Les conclusions du ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE ALSAIR, au ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et au ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer.


Sens de l'arrêt : Non-lieu
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 15 jui. 2004, n° 248670
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Robineau
Rapporteur ?: M. Patrick Quinqueton
Rapporteur public ?: M. Bachelier
Avocat(s) : SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER

Origine de la décision
Formation : 8eme et 3eme sous-sections reunies
Date de la décision : 15/07/2004
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 248670
Numéro NOR : CETATEXT000008176167 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2004-07-15;248670 ?
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