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15/07/2004 | FRANCE | N°248680

France | France, Conseil d'État, 8ème et 3ème sous-sections réunies, 15 juillet 2004, 248680


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 15 juillet et 13 novembre 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Patrick X, demeurant ... ; M. X demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt en date du 7 mai 2002 de la cour administrative d'appel de Douai en tant qu'il a réformé le jugement du 17 septembre 1998 du tribunal administratif de Lille en ne portant que de 379,45 euros à 1 228,43 euros la somme que l'Etat avait été condamné à verser à M. X, et rejeté le surplus des conclusions de sa requête d'appel ;<

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2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 4 600 euros en applica...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 15 juillet et 13 novembre 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Patrick X, demeurant ... ; M. X demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt en date du 7 mai 2002 de la cour administrative d'appel de Douai en tant qu'il a réformé le jugement du 17 septembre 1998 du tribunal administratif de Lille en ne portant que de 379,45 euros à 1 228,43 euros la somme que l'Etat avait été condamné à verser à M. X, et rejeté le surplus des conclusions de sa requête d'appel ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 4 600 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code de la construction et de l'habitation ;

Vu le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Patrick Quinqueton, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Monod, Colin, avocat de M. X,

- les conclusions de M. Gilles Bachelier, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. X demande l'annulation de l'arrêt du 7 mai 2002 de la cour administrative d'appel de Douai en tant qu'il a limité à la somme de 1 228,43 euros, majorée des intérêts et de leur capitalisation, mise à la charge de l'Etat, l'indemnité à lui allouée en réparation du préjudice né de la compensation financière à laquelle l'arrêté du 12 mars 1986 du préfet du Nord a subordonné l'autorisation de transformer son local à usage d'habitation en meublé ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;

Considérant que l'article L. 711-2 du code de justice administrative dispose : "Toute partie est avertie, par une notification faite conformément aux articles R. 611-3 ou R. 611-4, du jour où l'affaire sera appelée à l'audience" ; qu'aux termes de l'article R. 431-1 du même code applicable en appel en vertu de l'article R. 811-13 : "Lorsqu'une partie est représentée devant le tribunal administratif par un des mandataires mentionnés à l'article R. 431-2, les actes de procédure, à l'exception de la notification de la décision prévue aux articles R. 751-3 et suivants, ne sont accomplis qu'à l'égard de ce mandataire" ; que pour l'application de ces dispositions, lorsque l'avis d'audience, régulièrement notifié au seul avocat, n'a pu lui être remis en raison d'un changement d'adresse et a été retourné au greffe de la juridiction, il appartient à celle-ci, en cas d'insuccès des nouvelles tentatives pour joindre l'avocat, d'avertir personnellement le requérant ; qu'en l'espèce, il ressort des pièces du dossier que, l'avis d'audience notifié à l'avocat de M. X ayant été retourné par la poste avec la mention "N'habite pas à l'adresse indiquée", le greffe de la cour administrative d'appel de Douai n'a pas cherché à joindre l'avocat par d'autres moyens et n'a pas non plus, à défaut, averti personnellement le requérant du jour de l'audience ; que M. X est dès lors fondé à soutenir que l'arrêt attaqué a été rendu au terme d'une procédure irrégulière et, par suite, à en demander, dans la limite des conclusions du pourvoi, l'annulation ;

Considérant qu'en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;

Sur les conclusions dirigées contre l'Etat :

Considérant que par un arrêté en date du 12 mars 1986, le préfet du Nord, agissant en application de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation, a autorisé M. X à changer l'affectation d'un immeuble d'habitation dont il était propriétaire au n° 8 de la rue Louis Bergot, à Lille ; que, toutefois, il a subordonné l'octroi de cette autorisation au paiement d'une compensation d'un montant de 84 780 F (12 924,62 euros) à verser à l'office public d'habitations à loyer modéré du département du Nord sous la forme d'un prêt sans intérêt d'une durée de dix ans ;

Considérant que, la cour administrative d'appel de Douai, dont l'arrêt est devenu définitif sur ce point, ayant jugé que l'arrêté du préfet du Nord en date du 12 mars 1986 était illégal en tant qu'il subordonnait le changement d'affectation des locaux à une condition financière, et que cette illégalité était constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat, M. X a droit au remboursement des dépenses qu'il a exposées inutilement pour satisfaire à la condition imposée par l'administration et qui sont la conséquence directe de cette obligation illégale ;

Considérant qu'il n'est pas contesté que, pour l'application de l'arrêté du 12 mars 1986 du préfet du Nord, M. X a payé à l'office public d'habitations à loyer modéré du département du Nord une somme de 49 455 F (7 539 euros) en sept versements de 7 065 F (1 077 euros) effectués respectivement les 11 mars 1986, 11 avril 1986, 30 mai 1986, 1er juillet 1986, 25 septembre 1986, 27 novembre 1986 et 25 mars 1987 ; que, à la suite du retrait de l'arrêté préfectoral du 12 mars 1986, l'office public d'aménagement et de construction (OPAC) du Nord, successeur de l'office public d'habitations à loyer modéré, a remboursé à M. X, le 30 juin 1992, la somme de 49 455 F ( 7 539 euros) ;

Considérant que M. X, s'il ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales, qui ne sont applicables qu'aux dégrèvements d'impôts, est en revanche fondé à soutenir que le remboursement effectué le 30 juin 1992 aurait dû être augmenté des intérêts au taux légal prévus à l'article 1 153 du code civil, décomptés, pour chacun des sept versements, de la date de celui-ci jusqu'au 30 juin 1992 ; qu'ainsi la somme de 1 228,43 euros, que la cour a condamné l'Etat à payer à M. X en réparation du préjudice né de la charge des intérêts des emprunts contractés par lui pour payer ladite compensation, doit être majorée d'une somme égale aux intérêts susmentionnés ;

Considérant, en revanche, que M. X n'établit l'existence d'aucun autre préjudice, direct et certain, moral ou financier, distinct de celui que les intérêts légaux de retard ont pour objet de compenser ;

Sur les intérêts et les intérêts des intérêts :

Considérant, d'une part, que M. X a droit aux intérêts au taux légal afférents à l'indemnité calculée comme il est dit ci-dessus à compter de la date de sa demande d'indemnité au préfet du Nord ;

Considérant, d'autre part, que M. X a demandé par un mémoire du 7 décembre 1995 la capitalisation des intérêts ; qu'à cette date les intérêts étaient dus pour au moins une année entière ; qu'il y a lieu dès lors, en application de l'article 1154 du code civil, de faire droit à cette demande tant à cette date qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

Sur les conclusions dirigées contre l'office public d'aménagement et de construction du Nord :

Considérant que M. X ne fait état d'aucun préjudice qui serait directement imputable à l'office public d'aménagement et de construction du Nord ; qu'il n'est dès lors pas fondé à se plaindre de ce que le jugement attaqué a rejeté ses conclusions dirigées contre cet établissement public ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à payer à M. X au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai en date du 7 mai 2002 est annulé en tant qu'il a limité l'indemnité allouée à M. X à la somme de 1 228,43 euros majorée des intérêts et de leur capitalisation, mise à la charge de l'Etat.

Article 2 : La somme que l'Etat a été condamné à verser à M. X par l'article 1er de l'arrêt attaqué est majorée du montant des intérêts au taux légal décomptés, pour chacun des sept versements effectués par M. X au profit de l'office public d'habitations à loyer modéré du département du Nord, de la date du versement jusqu'au 30 juin 1992.

Article 3 : L'indemnité calculée comme il est dit à l'article 2 portera intérêts au taux légal à compter de la demande d'indemnité adressée au préfet du Nord. Les intérêts échus à la date du 7 décembre 1995, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 4 : Le jugement du 17 septembre 1998 du tribunal administratif de Lille est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.

Article 5 : L'Etat versera à M. X une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête d'appel de M. X est rejeté.

Article 7 : La présente décision sera notifiée à M. Patrick X, à l'office public d'aménagement et de construction du Nord et au ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer.


Synthèse
Formation : 8ème et 3ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 248680
Date de la décision : 15/07/2004
Sens de l'arrêt : 98da02417 du 07/05/02
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

54-06-02-01 PROCÉDURE. JUGEMENTS. TENUE DES AUDIENCES. AVIS D'AUDIENCE. - CONVOCATION À L'AUDIENCE D'APPEL - CONVOCATION ADRESSÉE À L'AVOCAT NE LUI ÉTANT PAS PARVENUE - OBLIGATION POUR LA JURIDICTION DE PRÉVENIR PERSONNELLEMENT LE REQUÉRANT [RJ1].

54-06-02-01 L'article L. 711-2 du code de justice administrative dispose : Toute partie est avertie, par une notification faite conformément aux articles R. 611-3 ou R. 611-4, du jour où l'affaire sera appelée à l'audience et l'article R. 431-1 du même code applicable en appel en vertu de l'article R. 811-13 : Lorsqu'une partie est représentée devant le tribunal administratif par un des mandataires mentionnés à l'article R. 431-2, les actes de procédure, à l'exception de la notification de la décision prévue aux articles R. 751-3 et suivants, ne sont accomplis qu'à l'égard de ce mandataire. Pour l'application de ces dispositions, lorsque l'avis d'audience, régulièrement notifié au seul avocat, n'a pu lui être remis en raison d'un changement d'adresse et a été retourné au greffe de la juridiction, il appartient à celle-ci, en cas d'insuccès des nouvelles tentatives pour joindre l'avocat, d'avertir personnellement le requérant.


Références :

[RJ1]

Cf. 9 avril 1975, Leffad, T. p. 1208 ;

Comp. 16 octobre 1989, Mme Doan, T. p. 860.


Publications
Proposition de citation : CE, 15 jui. 2004, n° 248680
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur public ?: M. Bachelier
Avocat(s) : SCP MONOD, COLIN

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2004:248680.20040715
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