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15/07/2004 | FRANCE | N°250078

France | France, Conseil d'État, 9eme et 10eme sous-sections reunies, 15 juillet 2004, 250078


Vu le recours, enregistré le 4 septembre 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 28 mai 2002 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a, sur appel de la société Alitalia, partiellement réformé le jugement du 3 juillet 1997 du tribunal administratif de Paris et accordé à la société requérante la décharge de la taxe professionnelle à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 1992 ;>
Vu les autres pièces du dossier ;

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Vu le recours, enregistré le 4 septembre 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 28 mai 2002 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a, sur appel de la société Alitalia, partiellement réformé le jugement du 3 juillet 1997 du tribunal administratif de Paris et accordé à la société requérante la décharge de la taxe professionnelle à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 1992 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le Traité de Rome instituant la Communauté économique européenne devenue la Communauté européenne ;

Vu le Traité sur l'Union européenne et les protocoles qui y sont annexés ;

Vu la convention fiscale franco-italienne du 29 octobre 1958 ;

Vu la convention fiscale franco-italienne du 5 octobre 1989 ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Julie Burguburu, Auditeur,

- les observations de la SCP Defrenois, Levis, avocat de la société Alitalia,

- les conclusions de M. Guillaume Goulard, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société italienne de navigation aérienne Alitalia a contesté son assujettissement à la taxe professionnelle au titre des années 1992 et 1993, à raison de sa succursale française, au motif qu'elle n'entrait plus dans le champ d'application de cette imposition depuis l'entrée en vigueur, le 1er mai 1992, de la convention fiscale franco-italienne en date du 5 octobre 1989 ; que sa réclamation a été accueillie en ce qui concerne la taxe professionnelle due au titre de l'année 1993 mais a fait l'objet d'une décision de rejet en ce qui concerne la cotisation primitive de l'année 1992 ; que la succursale française de la société Alitalia a, par ailleurs, fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période allant du 1er janvier 1990 au 31 décembre 1991 ; qu'à la suite de ce contrôle, un rappel de taxe professionnelle a été notifié à la société Alitalia au titre de l'année 1992 et correspondant à la prise en compte dans l'assiette de la taxe des rémunérations versées aux personnels détachés par la société pour exercer leur activité dans sa succursale française ; que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE se pourvoit contre l'arrêt en date du 28 mai 2002 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a déchargé la société Alitalia de la totalité de la taxe professionnelle à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 1992 ;

Sur les conclusions à fin de non-lieu de la société Alitalia :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la décision de dégrèvement intervenue en faveur de la société Alitalia postérieurement à l'introduction du pourvoi formé par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE n'a été prise, contrairement à ce qu'affirme la société, qu'en vue d'assurer l'exécution de l'arrêt du 28 mai 2002 de la cour administrative d'appel de Paris prononçant la décharge de l'imposition contestée et ne peut, ainsi, être regardée comme constituant un acquiescement aux prétentions de la société ; que par suite, les conclusions à fin de non-lieu présentées par celle-ci ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE :

Considérant qu'aux termes du 3 de l'article 2 de la convention fiscale franco-italienne du 5 octobre 1989 : Les impôts actuels auxquels s'applique la convention sont : / a) en ce qui concerne la France : / ... v) la taxe professionnelle ; qu'aux termes du point 1 du protocole annexé à cette convention : Il est entendu que les taxes assises sur le montant global des salaires et la taxe professionnelle visées au paragraphe 3, a, iv et v de l'article 2 sont régies par les dispositions relatives aux bénéfices des entreprises (article 7 ou 8 selon le cas) (...) ; qu'aux termes du 1 de l'article 8 de la convention précitée : Les bénéfices provenant de l'exploitation, en trafic international, de navires ou d'aéronefs ne sont imposables que dans l'Etat où le siège de direction effective de l'entreprise est situé ; qu'il résulte de la combinaison de ces stipulations qu'en application de la convention, la succursale française d'Alitalia n'est plus imposable en France au titre de la taxe professionnelle ;

Considérant qu'aux termes du 2 de l'article 31 de cette convention, relatif à son entrée en vigueur : Ses dispositions s'appliqueront pour la première fois : / a) en ce qui concerne les impôts perçus par voie de retenue à la source, aux sommes mises en paiement ou imposables à compter de la date d'entrée en vigueur de la convention ; / b) en ce qui concerne les autres impôts sur le revenu, aux revenus réalisés l'année civile au cours de laquelle la convention est entrée en vigueur ou afférents à l'exercice comptable ouvert au cours de cette année ; / c) en ce qui concerne l'impôt sur la fortune, à la fortune possédée au 1er janvier de l'année civile au cours de laquelle la convention est entrée en vigueur ; que, pour juger que ces stipulations s'appliquaient à la taxe professionnelle à laquelle la société Alitalia avait été assujettie au titre de l'année 1992, la cour administrative d'appel s'est fondée sur ce que le renvoi effectué par les stipulations du point 1 du protocole annexé à la convention fiscale franco-italienne, relatif à la taxe professionnelle, aux stipulations de l'article 8 de la convention, concernant le régime d'imposition des bénéfices des entreprises de navigation aérienne et maritime, avait pour effet de fixer la date d'entrée en vigueur des stipulations relatives à la taxe professionnelle selon les règles prévues par le b) du 2 de l'article 31 de la convention précité ; qu'en statuant ainsi, alors que le b) du 2 de l'article 31 de la convention ne concerne que les autres impôts sur le revenu, la cour a fait de ce texte une application erronée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant que la cour a accordé à la société Alitalia la décharge de la taxe professionnelle à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 1992 ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler, dans cette mesure, l'affaire au fond ;

En ce qui concerne l'application de la convention fiscale franco-italienne du 5 octobre 1989 :

Considérant qu'aux termes de l'article 1447 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable en l'espèce : La taxe professionnelle est due chaque année par les personnes physiques ou morales qui exercent à titre habituel une activité professionnelle non salariée ; qu'aux termes du 1 de l'article 1478 du même code : La taxe professionnelle est due pour l'année entière par le redevable qui exerce l'activité au 1er janvier ; qu'il résulte de ces dispositions que l'assujettissement à la taxe professionnelle s'apprécie au regard des textes en vigueur à la date de son fait générateur, soit en l'espèce le 1er janvier 1992 ;

Considérant qu'ainsi qu'il a été dit plus haut, les stipulations du point 1 du protocole annexé à la convention ne renvoient pas aux stipulations définissant la première application de la convention aux autres impôts sur le revenu ; que, par suite, la date à retenir pour l'application de la convention à la taxe professionnelle est celle prévue par les stipulations du 1 de l'article 31, soit celle de son entrée en vigueur, le 1er mai 1992 ; que cette date étant postérieure au fait générateur de la taxe professionnelle due pour 1992 par la société Alitalia, celle-ci n'est pas fondée à soutenir qu'elle n'est pas redevable de la taxe litigieuse ;

En ce qui concerne la violation alléguée du principe de non-discrimination :

Considérant qu'aux termes de l'article 22 bis de la convention fiscale franco-italienne du 29 octobre 1958, introduit dans cette convention par un avenant en date du 6 décembre 1965 : Les nationaux d'un Etat contractant ne sont soumis dans l'autre Etat contractant à aucune imposition ou obligation y relative, qui est autre ou plus lourde que celle à laquelle sont ou pourront être assujettis les nationaux de cet autre Etat se trouvant dans la même situation ; qu'en application des dispositions précitées de l'article 1447 du code général des impôts, la taxe professionnelle est due par les personnes physiques ou morales qui exercent à titre habituel en France une activité professionnelle non salariée, quelle que soit la nationalité du redevable de la taxe ; que, par suite, la société Alitalia n'est pas fondée à invoquer une rupture de l'égalité de traitement entre les sociétés italiennes et françaises devant la loi fiscale au regard des stipulations précitées de l'article 22 bis de la convention fiscale franco-italienne ; qu'il en est de même au regard des stipulations des articles 52 et 53 du Traité instituant la communauté européenne dans leur rédaction alors applicable ;

En ce qui concerne l'assiette de l'imposition :

Considérant qu'aux termes de l'article 1448 du code général des impôts : La taxe professionnelle est établie suivant la capacité contributive des redevables, appréciée d'après des critères économiques en fonction de l'importance des activités exercées par eux sur le territoire de la collectivité bénéficiaire ou dans la zone de compétence de l'organisme concerné ; qu'aux termes du b du 1° de l'article 1467 du même code, dans sa rédaction applicable en l'espèce, la taxe professionnelle a pour base les salaires au sens de l'article 231-1 (...) ; qu'aux termes de l'article 310 HH de l'annexe II à ce code, pris pour l'application de l'article 1471 du même code : Pour les entreprises qui exercent une partie de leur activité en dehors du territoire national et qui disposent en France de locaux ou de terrains : / 1° La valeur locative des immeubles et installations situés sur le territoire national, ainsi que de leurs équipements, biens mobiliers et véhicules qui y sont rattachés, est intégralement prise en compte ; celle des immeubles et installations situés à l'étranger, ainsi que de leurs équipements, biens mobiliers et véhicules qui y sont rattachés, n'est pas prise en compte ; les mêmes règles valent pour les salaires versés au personnel (...) ; qu'ainsi, la capacité contributive des redevables est appréciée en fonction de l'importance des activités exercées par eux au lieu de l'exercice de ces activités, ce lieu étant celui où le redevable dispose de locaux ou de terrains ; que pour l'application des dispositions précitées, les salaires des personnels doivent être rattachés aux locaux de l'établissement dans lequel ils exercent leur activité ;

Considérant que les personnels détachés par le siège social de la société Alitalia étaient affectés en France pour une période d'au moins un an, renouvelable une fois ; qu'ils exerçaient de manière sédentaire leur activité dans les locaux de l'établissement parisien de la société ; qu'ainsi, leurs rémunérations devaient être incluses dans l'assiette de la taxe professionnelle ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Alitalia n'est pas fondée à se plaindre de ce que le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de la taxe professionnelle à laquelle elle a été assujettie au titre de 1992 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la société Alitalia demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : Les articles 1, 2 et 4 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris en date du 28 mai 2002 sont annulés.

Article 2 : Les conclusions présentées par la société Alitalia devant la cour administrative d'appel de Paris et tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Paris en date du 3 juillet 1997 rejetant sa demande en décharge de la taxe professionnelle à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 1992, à raison de sa succursale en France, sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions présentées par la société Alitalia au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE et à la société Alitalia.


Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 15 jui. 2004, n° 250078
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Stirn
Rapporteur ?: Mme Julie Burguburu
Rapporteur public ?: M. Goulard
Avocat(s) : SCP DEFRENOIS, LEVIS

Origine de la décision
Formation : 9eme et 10eme sous-sections reunies
Date de la décision : 15/07/2004
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 250078
Numéro NOR : CETATEXT000008171774 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2004-07-15;250078 ?
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