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15/07/2004 | FRANCE | N°254683

France | France, Conseil d'État, 9eme sous-section jugeant seule, 15 juillet 2004, 254683


Vu la requête, enregistrée le 3 mars 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Pierre X, demeurant ... ; M. X demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 24 avril 2002 par laquelle le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie n'a pas fait droit à sa demande du 27 mars 2002 tendant à la révision de sa pension civile de retraite, ainsi que la décision résultant du silence gardé par le ministre sur sa nouvelle demande en date du 24 janvier 2003 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 4 février 2002 du ministre de l'écono

mie, des finances et de l'industrie portant concession de sa pension civile de...

Vu la requête, enregistrée le 3 mars 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Pierre X, demeurant ... ; M. X demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 24 avril 2002 par laquelle le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie n'a pas fait droit à sa demande du 27 mars 2002 tendant à la révision de sa pension civile de retraite, ainsi que la décision résultant du silence gardé par le ministre sur sa nouvelle demande en date du 24 janvier 2003 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 4 février 2002 du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie portant concession de sa pension civile de retraite, en tant qu'il ne prend pas en compte les bonifications d'ancienneté mentionnées au b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite ;

3°) d'enjoindre au ministre de modifier, dans un délai de quinze jours, les bases de liquidation de sa pension en tenant compte desdites bonifications et de la revaloriser rétroactivement ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le Traité de Rome instituant la Communauté économique européenne devenue la Communauté européenne ;

Vu le Traité sur l'Union européenne et les protocoles qui y sont annexés ;

Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Baptiste Laignelot, Auditeur,

- les observations de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de M. X,

- les conclusions de M. Guillaume Goulard, Commissaire du gouvernement ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la requête :

Considérant qu'aux termes de l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne : 1. Chaque Etat membre assure l'application du principe de l'égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins pour un même travail ou un travail de même valeur. / 2. Aux fins du présent article, on entend par rémunération, le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum, et tous autres avantages payés directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l'employeur au travailleur en raison de l'emploi de ce dernier. L'égalité de rémunération, sans discrimination fondée sur le sexe, implique : a) que la rémunération accordée pour un même travail payé à la tâche soit établie sur la base d'une même unité de mesure ; b) que la rémunération accordée pour un travail payé au temps soit la même pour un même poste de travail ; que les pensions servies par le régime français de retraite des fonctionnaires entrent dans le champ d'application de ces stipulations ; que, nonobstant les stipulations de l'article 6, paragraphe 3, de l'accord annexé au protocole n° 14 sur la politique sociale, joint au traité sur l'Union européenne, le principe de l'égalité des rémunérations s'oppose à ce qu'une bonification, pour le calcul d'une pension de retraite, accordée aux personnes qui ont assuré l'éducation de leurs enfants, soit réservée aux femmes, alors que les hommes ayant assuré l'éducation de leurs enfants seraient exclus du bénéfice de cette mesure ;

Considérant que le b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction applicable au présent litige, institue, pour le calcul de la pension, une bonification d'ancienneté d'un an par enfant dont il réserve le bénéfice aux femmes fonctionnaires ; qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus qu'une telle disposition est incompatible avec le principe de l'égalité des rémunérations tel qu'il est affirmé par le traité instituant la Communauté européenne et par l'accord annexé au protocole n° 14 sur la politique sociale joint au Traité sur l'Union européenne ; qu'il suit de là qu'en tant qu'il ne prend pas en compte la bonification prévue par ce texte, alors même que M. X aurait assuré l'éducation de ses enfants, l'arrêté du 4 février 2002 portant concession à l'intéressé de sa pension civile de retraite est entaché d'illégalité ; qu'il en est de même de la décision du 24 avril 2002 par laquelle le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie n'a pas fait droit à sa demande de révision de pension, ainsi que de la décision implicite par laquelle le même ministre a rejeté sa nouvelle demande ayant le même objet ; que dès lors, M. X est fondé à demander pour ce motif l'annulation de l'arrêté attaqué et de ces décisions, en tant qu'ils lui ont refusé le bénéfice de cette bonification ;

Considérant que M. X demande qu'il soit ordonné au ministre compétent de le faire bénéficier de la bonification d'ancienneté prévue au b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite ainsi que de revaloriser en conséquence la pension qui lui a été concédée ;

Considérant que le contentieux des pensions civiles et militaires de retraite est un contentieux de pleine juridiction ; qu'il appartient, dès lors, au juge saisi de se prononcer lui-même sur les droits des intéressés, sauf à renvoyer à l'administration compétente, et sous son autorité, le règlement de tel aspect du litige dans des conditions précises qu'il lui appartient de lui fixer ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction et qu'il n'est pas contesté que M. X, qui a assuré la charge de ses deux enfants, en a assuré l'éducation ; que dans la mesure où étaient maintenues des dispositions plus favorables aux fonctionnaires de sexe féminin ayant assuré l'éducation de leurs enfants, en ce qui concerne la bonification d'ancienneté retenue pour le calcul de la pension civile de retraite, M. X a droit, ainsi qu'il a été dit plus haut, au bénéfice de la bonification prévue au b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite dans la rédaction qui lui est applicable ; qu'il y a lieu, dès lors, de prescrire au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie de modifier les conditions dans lesquelles la pension de M. X lui a été concédée et de revaloriser rétroactivement cette pension ;

Sur les conclusions de M. X tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner l'Etat à verser à M. X une somme de 750 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêté du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en date du 4 février 2002 concédant à M. X sa pension de retraite est annulé en tant qu'il ne prend pas en compte la bonification mentionnée au b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 21 août 2003.

Article 2 : La décision du 24 avril 2002 par laquelle le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie n'a pas fait droit à la demande de M. X en date du 27 mars 2002 tendant à ce que sa pension de retraite soit révisée compte tenu de cette bonification, ainsi que la décision résultant du silence gardé par le même ministre sur sa nouvelle demande en date du 24 janvier 2003 sont annulées.

Article 3 : Le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie modifiera, dans le délai de deux mois suivant la notification de la présente décision, les conditions dans lesquelles la pension de M. X lui a été concédée et revalorisera rétroactivement cette pension.

Article 4 : L'Etat versera à M. X une somme de 750 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Pierre X, au ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et au garde des sceaux, ministre de la justice.


Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux des pensions

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 15 jui. 2004, n° 254683
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: M. Jean-Baptiste Laignelot
Rapporteur public ?: M. Goulard
Avocat(s) : SCP Masse-Dessen

Origine de la décision
Formation : 9eme sous-section jugeant seule
Date de la décision : 15/07/2004
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 254683
Numéro NOR : CETATEXT000008156926 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2004-07-15;254683 ?
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