La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/07/2004 | FRANCE | N°244405

France | France, Conseil d'État, 6eme et 1ere sous-sections reunies, 28 juillet 2004, 244405


Vu le recours, enregistré le 22 mars 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le ministre demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 25 octobre 2001, par lequel la Cour des comptes a rejeté la requête de M. X... X, qui tend au sursis à exécution et à l'annulation du jugement du 8 septembre 1999 de la chambre régionale des comptes des Pays-de-Loire le constituant débiteur envers la commune d'Angers (Maine-et-Loire) des sommes de 23 661,26 F (3 607,14 euros), 202 2

69,07 F (30 835,72 euros) et 10 555,34 F (1 609,15 euros) ;

2°) d...

Vu le recours, enregistré le 22 mars 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le ministre demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 25 octobre 2001, par lequel la Cour des comptes a rejeté la requête de M. X... X, qui tend au sursis à exécution et à l'annulation du jugement du 8 septembre 1999 de la chambre régionale des comptes des Pays-de-Loire le constituant débiteur envers la commune d'Angers (Maine-et-Loire) des sommes de 23 661,26 F (3 607,14 euros), 202 269,07 F (30 835,72 euros) et 10 555,34 F (1 609,15 euros) ;

2°) de renvoyer le jugement de l'affaire devant la Cour des comptes siégeant toutes chambres réunies ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des juridictions financières ;

Vu la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 ;

Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 ;

Vu le décret n° 83-16 du 13 janvier 1983 ;

Vu le décret n° 88-74 du 21 janvier 1988 ;

Vu le décret n° 92-1123 du 2 octobre 1992 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Olivier Henrard, Auditeur,

- les conclusions de M. Mattias Guyomar, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'en vertu de l'article 60-IV de la loi du 23 février 1963, la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics prévue à l'article 60-I de la même loi se trouve engagée dès lors notamment qu'une dépense a été irrégulièrement payée ; que selon l'article 60-VI, le comptable public dont la responsabilité pécuniaire est ainsi engagée ou mise en jeu a l'obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels une somme égale à la dépense payée à tort ; que s'il n'a pas versé cette somme il peut être, selon l'article 60-VII, constitué en débet par arrêt du juge des comptes ;

Considérant que par l'arrêt attaqué du 25 octobre 2001, la Cour des comptes a confirmé le jugement du 8 septembre 1999 par lequel la chambre régionale des comptes des Pays-de-la-Loire, statuant à titre définitif, a constitué M. X... X, ancien agent comptable de la commune d'Angers (Maine-et-Loire), débiteur au titre des exercices 1992 à 1995 des sommes de 23 661,26 F (3 607,14 euros), 202 269,07 F (30 835,72 euros) et 10 555,34 F (1 609,15 euros) augmentées des intérêts légaux, au motif qu'il avait payé divers mandats, émis en règlement de factures de carburant établies sur la base de marchés de fournitures passés entre la commune et trois sociétés et correspondant à des prélèvements de carburant pour des véhicules n'appartenant pas à la collectivité ;

Sur le premier moyen :

Considérant que le MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE soutient que la Cour des comptes n'a pas légalement justifié son arrêt en jugeant que les trois marchés passés par la commune d'Angers avaient pour seul objet la fourniture en carburant des véhicules municipaux ; qu'en interprétant ainsi les contrats en cause qui prévoyaient, conformément aux rapports présentés à l'occasion de leur approbation par le conseil municipal, la fourniture de carburant aux véhicules de la commune à l'exclusion des véhicules personnels de ses élus ou de ses agents, la Cour s'est livrée à une appréciation souveraine qui n'est pas entachée de dénaturation des pièces du dossier ; qu'il suit de là que le moyen doit être écarté ;

Sur le deuxième moyen :

Considérant qu'en vertu de l'article 12 du décret du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique : Les comptables sont tenus d'exercer : ... B. - En matière de dépenses, le contrôle : ... De la validité de la créance dans les conditions prévues à l'article 13 ... ; que selon l'article 13 du même décret : En ce qui concerne la validité de la créance, le contrôle porte sur : La justification du service fait et l'exactitude des calculs de liquidation ; L'intervention préalable des contrôles réglementaires et la production des justifications... ; que l'article 37 du même décret dispose : Lorsque, à l'occasion de l'exercice du contrôle prévu à l'article 12 (alinéa B) ci-dessus, des irrégularités sont constatées, les comptables publics suspendent les paiements et en informent l'ordonnateur ;

Considérant qu'en vertu de l'article 47 du même décret, les opérations de dépense doivent être appuyées des pièces justificatives prévues dans les nomenclatures établies par le ministre des finances avec, le cas échéant, l'accord du ministre intéressé ; que pour les collectivités territoriales et leurs établissements publics, cette nomenclature figure au décret du 13 janvier 1983 portant établissement de la liste des pièces justificatives des paiements des communes, des départements, des régions et des établissements publics locaux ; qu'aux termes de l'article 1er de ce décret, Avant de procéder au paiement d'une dépense ne faisant pas l'objet d'un ordre de réquisition, les comptables ... ne doivent exiger que les pièces justificatives prévues pour la dépense correspondante dans la liste annexée au présent décret et établie conformément à celle-ci ; que, s'agissant de la catégorie des travaux, fournitures et services dont relèvent les dépenses de carburant litigieuses, les justificatifs prévus par cette nomenclature se limitent aux factures ou mémoires établis par les fournisseurs ;

Considérant que le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie soutient que la Cour des comptes, en jugeant que M. X... X avait engagé sa responsabilité pour n'avoir pas produit la preuve de la décision de la commune d'Angers de faire bénéficier les élus ou agents d'un approvisionnement en carburant de leurs véhicules personnels, a entaché sa décision d'une erreur de droit, dès lors qu'en vertu des dispositions réglementaires rappelées plus haut, les factures dont disposait le comptable suffisaient à justifier les paiements litigieux ;

Considérant que si, dans le cas de prestations correspondant à l'objet des marchés ou contrats passés par la personne publique dont il manie les deniers, le comptable ne peut légalement exiger de l'ordonnateur la production d'autres justificatifs que ceux prévus par la nomenclature applicable à l'espèce, il lui revient en revanche, s'agissant de prestations étrangères à l'objet de ces marchés ou contrats, de réclamer la production de toute pièce de nature à justifier leur paiement ;

Considérant que la Cour des comptes, à l'issue d'une appréciation de l'intention des parties et des stipulations contractuelles dont, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, il n'appartient pas au juge de cassation de connaître en l'absence de dénaturation, a jugé que les marchés de fourniture de carburant passés par la commune d'Angers étaient destinés à l'approvisionnement des véhicules municipaux ; qu'il n'est pas contesté que les factures litigieuses correspondent à des prélèvements de carburant effectués pour les véhicules personnels d'élus et d'agents de la commune et sont donc étrangères à l'objet de ces marchés ; qu'il suit de là que la Cour, en relevant que M. X n'apportait pas la preuve, qui lui incombait, de la décision de la commune d'Angers d'approvisionner en carburant des véhicules appartenant à ses élus ou ses agents, n'a pas commis d'erreur de droit et que le moyen doit donc être écarté ;

Sur le troisième moyen :

Considérant que le contrôle de la validité de la créance par les comptables, prévu par l'article 13 du décret du 29 décembre 1962, doit s'effectuer au regard de l'ensemble des éléments de droit ou de fait dont ils disposent, sans qu'il y ait lieu de distinguer selon que ces éléments leur aient été communiqués par les ordonnateurs à titre obligatoire ou facultatif ;

Considérant, d'une part, que si l'annexe C à la nomenclature du décret du 13 janvier 1983 ne prévoit pas la mention, sur les factures de carburant, du numéro d'immatriculation des véhicules servis, il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que ces informations figuraient effectivement sur les facture litigieuses ; que, d'autre part, les comptables sont tenus, en application de l'instruction comptable M12 et de l'instruction comptable du 17 juin 1985 sur la mise en état des comptes locaux, de tenir une fiche d'immobilisation pour chaque bien meuble important et notamment le matériel de transport ; qu'ainsi, M. X était en mesure de s'assurer que les véhicules servis en carburant appartenaient bien à la commune d'Angers ; qu'il suit de là que la Cour des comptes a pu, sans erreur de droit, juger que le comptable de la commune d'Angers disposait des éléments justifiant qu'il refusât le paiement des factures litigieuses, au motif qu'elles correspondaient à des véhicules dont l'approvisionnement en carburant n'était pas prévu dans l'objet des marchés municipaux de fournitures ;

Considérant qu'il résulte de tout de qui précède que le MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt du 25 octobre 2001 de la Cour des comptes ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le recours du MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE, à M. X... X et à la commune d'Angers.


Synthèse
Formation : 6eme et 1ere sous-sections reunies
Numéro d'arrêt : 244405
Date de la décision : 28/07/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

18-01-04 COMPTABILITÉ PUBLIQUE - RÉGIME JURIDIQUE DES ORDONNATEURS ET DES COMPTABLES - JUGEMENT DES COMPTES - CHAMP DU CONTRÔLE EXERCÉ PAR LE COMPTABLE - MARCHÉS OU CONTRATS - JUSTIFICATIFS DE DÉPENSES EXIGÉS DE L'ORDONNATEUR - A) PRESTATIONS CORRESPONDANT À L'OBJET DES CONTRATS OU MARCHÉS - EXCLUSION - JUSTIFICATIFS NON PRÉVUS PAR LA NOMENCLATURE - B) PRESTATIONS ÉTRANGÈRES À L'OBJET DES MARCHÉS OU CONTRATS - PIÈCES DE NATURE À JUSTIFIER LE PAIEMENT.

18-01-04 a) Dans le cas de prestations correspondant à l'objet des marchés ou contrats passés par la personne publique dont il manie les deniers, le comptable ne peut légalement exiger de l'ordonnateur la production d'autres justificatifs que ceux prévus par la nomenclature applicable à l'espèce.... ...b) Il lui revient en revanche, s'agissant de prestations étrangères à l'objet de ces marchés ou contrats, de réclamer la production de toute pièce de nature à justifier leur paiement.


Références :



Publications
Proposition de citation : CE, 28 jui. 2004, n° 244405
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Stirn
Rapporteur ?: M. Olivier Henrard
Rapporteur public ?: M. Guyomar

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2004:244405.20040728
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award