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28/07/2004 | FRANCE | N°248255

France | France, Conseil d'État, 8eme sous-section jugeant seule, 28 juillet 2004, 248255


Vu la requête et le mémoire rectificatif, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 28 juin et 4 juillet 2002, présentés par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 30 avril 2002 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 31 août 2001 ordonnant la reconduite à la frontière de Mlle Marie-Claire X ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mlle X devant ce tribunal ;

Vu les autres pièces du dossier ;

V

u la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales...

Vu la requête et le mémoire rectificatif, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 28 juin et 4 juillet 2002, présentés par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 30 avril 2002 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 31 août 2001 ordonnant la reconduite à la frontière de Mlle Marie-Claire X ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mlle X devant ce tribunal ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Pierre-François Mourier, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Coutard, Mayer, avocat de Mlle X,

- les conclusions de M. Pierre Collin, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que le PREFET DE POLICE demande l'annulation du jugement du 30 avril 2002 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 31 décembre 2001 ordonnant la reconduite à la frontière de Mlle X et a prescrit au PREFET DE POLICE de régulariser sa situation ;

Considérant qu'aux termes du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : (...) le préfet de police peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière (...) si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mlle X, ressortissante malgache, s'est maintenue sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 16 juillet 2001, de la décision du 3 juillet 2001 du PREFET DE POLICE lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire français ; qu'elle était ainsi dans la situation visée par le 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 susvisée où le préfet de police peut décider de la reconduite à la frontière d'un étranger ;

Considérant qu'à l'appui de sa demande d'annulation de l'arrêté de reconduite pris à son encontre, Mlle X a soulevé par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision du PREFET DE POLICE du 3 juillet 2001 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour ;

Considérant qu'indépendamment de l'énumération donnée par l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 des catégories d'étrangers qui ne peuvent être l'objet d'une mesure d'éloignement, qu'il s'agisse d'un arrêté d'expulsion pris selon la procédure normale ou d'un arrêté de reconduite à la frontière, l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une mesure de reconduite à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour ; que, lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse, légalement, être l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière ; qu'aux termes de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : 7°) à l'étranger... dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus... ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la mesure litigieuse, tous les enfants de Mlle X résidaient régulièrement en France ; que, si ses trois fils y séjournent comme étudiants, ses deux filles aînées, dont l'une est de nationalité française, l'ont accueillie et possèdent des ressources suffisantes pour subvenir à ses besoins ; que Mlle X, âgée de 53 ans à la date de la décision litigieuse, célibataire et sans ressources, soutient, sans être contestée, ne plus avoir d'attaches familiales effectives dans son pays d'origine ; qu'elle ne saurait être regardée du seul fait de son âge lors de son entrée en France, comme ayant conservé des attaches dans son pays d'origine ; que, dès lors, dans les circonstances ainsi relatées de l'espèce, la décision du PREFET DE POLICE du 3 juillet 2001 refusant un titre de séjour à l'intéressée a porté à son droit au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus et méconnaît par suite les dispositions précitées du 7° de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée ; que, par suite, l'arrêté du 31 décembre 2001 ordonnant la reconduite à la frontière de Mlle X, pris sur le fondement de cette décision, est entaché d'illégalité ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE POLICE n'est pas fondé à se plaindre que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté en date du 31 décembre 2001, pris sur le fondement de ladite décision ;

Sur les conclusions présentées par la SCP Coutard et Mayer :

Considérant que Mlle X a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Coutard et Mayer renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête du PREFET DE POLICE est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à la SCP Coutard et Mayer la somme de 1 500 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que cette société renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE POLICE, à Mme Marie-Claire X et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.


Synthèse
Formation : 8eme sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 248255
Date de la décision : 28/07/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 28 jui. 2004, n° 248255
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Le Roy
Rapporteur ?: M. Pierre-François Mourier
Rapporteur public ?: M. Collin
Avocat(s) : SCP COUTARD, MAYER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2004:248255.20040728
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